Classement des Mines : Complément

Pour info, le classement des mines est disponible ici.

On me demande en commentaire : “en quoi la direction d’entreprises internationales, s’il s’agit bien d’entreprises
internationales, a-t-elle à voir avec le système de reproduction français des élites?”

Explication : effectivement, si on regarde les communiqués et les articles de presse, on se dit que nos grandes écoles
sont plutôt fortes, puisqu’elles arrivent à placer des dirigeants dans les 500 plus grandes entreprises mondiales. Sauf qu’il convient de vérifier dans quels pays précisément on les place…
Petit exercice auquel je me suis livré.

Précision préalable : on peut adopter 2 points d’entrée : i) on regarde les dirigeants d’entreprises françaises, et l’on
voit de quelle formation ils sont issus (française ou étrangère), ii) on regarde les formations françaises, et on voit quelles entreprises ils dirigent (francaise ou étrangère).

1er résultat : j’ai recensé 38 entreprises françaises dans le classement. Sur ces 38, 33 sont dirigés par une
personne issue de formations françaises, 3 de formations étrangères, 2 non renseignés. Le bon classement de HEC, Mines, ENA, … s’explique donc bien, pour une large part, par le fait que ces
écoles “trustent” les postes de dirigeants d’entreprises certes mondiales, mais avant tout françaises…

2ème résultat : si on regarde les dirigeants issus de formations françaises, on en dénombre 33 qui dirigent des
entreprises françaises (logique, même chiffre que précédemment), et 10 qui dirigent des entreprises étrangères. Ce dernier chiffre n’est pas inintéressant, puisqu’il renseigne en quelque sorte
sur la capacité d’exportation des formations. Si j’avais un conseil à donner à l’école des Mines, ce serait sans doute de construire un tel classement en termes de capacité d’exportation, qui
neutraliserait pour une bonne part les effets de reproduction sociale.

Pour une bonne part, mais pas totalement : dans les 10 entreprises étrangères concernées, certaines sont… moyennement
étrangères. On y trouve part exemple Nissan, entreprise japonaise, dirigée par Carlos Ghosn, polytechniques/Mines, qui parait-il à quelques liens avec Renault. Le fait qu’un dirigeant français
dirige cette entreprise étrangère n’est donc pas un bon indicateur de la capacité d’exportation de son école d’origine. Idem pour Louis Gallois, dirigeant d’une entreprise néerlandaise dénommée
… EADS. Bref, il faudrait regarder non seulement la nationalité de l’entreprise, mais aussi son actionnariat, pour mieux comprendre les résultats.

Drôle de Mines…

L’école des Mines a produit un classement édifiant, repris dans cet article du Figaro. Il s’agit de contrer le classement de Shangaï, en prenant en compte
non pas “l’activité de recherche des établissements ou le nombre de prix Nobel”, mais  “le nombre d’anciens élèves occupant le poste de numéro un dans l’une des 500 plus grandes
entreprises internationales”. Dès lors, on observe que “HEC serait 7e, l’Ena 10e, Sciences Po, 11e, Polytechnique, 15e et les Mines 20e.” Les Grandes Ecoles françaises sont donc à
l’honneur…

Est-ce à dire qu’elles sont performantes ? Dès lors qu’on dispose d’un cerveau doté de plus de 2 neurones, on peut se dire que non : il s’agit
plutôt d’un indicateur de la déficience du système français de reproduction des élites économiques de notre pays.

Pourquoi parler de déficience, me direz-vous? Ils sont peut-être très bons les dirigeants formés dans ces écoles? Disons d’abord
qu’être capable de produire de tels classements ne me semble pas être un signe d’intelligence… Ajoutons qu’il existe
des études plutôt sérieuses montrant que le système de
(re)production des dirigeants d’entreprises françaises n’est pas des plus efficaces…


ps 1 : merci à Stéphane pour le lien. Enfin merci… j’avais bien besoin d’être énervé ce week-end, tiens! 🙂
ps 2 : ce billet n’est pas une défense du classement de Shangaï, qui présente des limites évidentes (comme tout classement d’ailleurs, qui, dès qu’on a décrypté son mode opératoire, peut être
très facilement instrumentalisé. Si j’ai le temps, je vous donnerais un de ces jours les 4 conseils pour monter très vite dans le classement sans rien changer de vos pratiques!). Mais ca me
semble plutôt contre-productif de bâtir un classement stupide pour le contrer.

Délocalisons de la Chine vers les Etats-Unis…

Via Econoclaste, je découvre cette étude intéressante de
McKinsey
, montrant que délocaliser la production (en l’occurrence des Etats-Unis vers l’Asie) pour des produits de technologie moyenne n’est plus rentable aujourd’hui, alors que ça l’était
encore il y a quelques années. En cause, l’augmentation des salaires, la baisse du dollar et l’augmentation des coûts de transport, en lien avec l’accroissement du prix du pétrole.

Sur l’accroissement des salaires, on trouve ce graphique dans le doc :



Vous noterez notamment que la Chine est maintenant très proche du Mexique… Vu des Etats-Unis, on comprend que le choix entre Offshore
(Chine) et Nearshore (Mexique) puisse être à réviser.

On a cet autre graphique, qui se focalise sur l’avantage de produire un serveur milieu de gamme en Asie plutôt qu’aux Etats-Unis, quand on
raisonne en coût complet (j’avais parlé des coûts complets ici par exemple) :



En 2003 (partie gauche du graphique), on voit que produire en Asie permet d’économiser 100 en termes de coût du travail, mais on perd 7
sur le fret, ou encore 5 sur ce qu’ils appellent les coûts cachés, etc…, si bien qu’au total, on gagnait 64. Aujourd’hui, McKinsey estime qu’on perd 16…

Chercheurs, créez un blog, vous augmenterez vos publications!

C’est ce que l’on peut se dire après lecture du communiqué du
CNRS
, relatif à une étude statistique de Pablo Jensen et al. (2008) :

Les chercheurs ouverts sur la société sont aussi les plus actifs académiquement ! C’est ce que vient de montrer une équipe pluridisciplinaire
menée par Pablo Jensen, directeur de recherches au CNRS. Leur étude statistique montre que les chercheurs qui participent à la diffusion de leurs recherches sont ceux qui publient le plus
d’articles. Et contrairement aux idées reçues, ces activités ne sont pas pénalisantes pour leur carrière.


Je n’ai pas pu voir l’article, le numéro d’août de Science and Public Policy  n’étant pas encore disponible,
mais il y a une version antérieure ici, avec pages 11 et 12 des développements intéressants sur l’interprétation
des résultats. Notamment, sans surprise, l’idée que quand on publie plus, on est plus sollicité, et donc qu’on participe plus à la diffusion des recherches.


On notera la différence de présentation entre le CNRS et les auteurs sur l’autre résultat du papier : le communiqué CNRS finit
par ces mots  “
contrairement aux idées reçues, ces activités ne sont pas pénalisantes pour leur carrière”. Le résumé, de
son côté, finit ainsi “However, their
dissemination activities have almost no impact (positive or negative) on their career.” Je vous
laisse apprécier la nuance.