Fonds de pension, piège à con?

On connait le discours largement diffusé en France sur  les investisseurs institutionnels (les “zinzins” pour faire court, les fonds de pension en étant une
partie),  développé par exemple par Frédéric Lordon, ou encore plus récemment par Patrick Artus et Marie-Paule Virard :
les zinzins prennent le pouvoir sur les marchés financiers, ils imposent des objectifs  collectivement irrationnels aux dirigeants (rentabilité financière à court terme, comportements
mimétiques), qui mettent en oeuvre, pour les atteindre, tous les moyens avouables ou inavouables. Dernier exemple en date, les propos de Michel Rocard dans sa tribune du Monde :

(…) La principale cause de ce drame planétaire est le réveil de l’actionnariat. Celui-ci, plutôt maltraité de 1945 à 1975, s’est réveillé et puissamment organisé
en fonds de pension, fonds d’investissements et fonds d’arbitrage ou hedge funds. Il a pris souvent le pouvoir et toujours de fortes minorités dans toutes les grandes entreprises de la planète.
Il a partout pressuré les revenus du travail pour assurer de meilleurs dividendes. (…)

On a vu depuis apparaître des contre-arguments sérieux, par exemple dans l’ouvrage de Thesmar et Landier.  Ainsi que
des études montrant l’hétérogénéité des zinzins,  la variabilité de leur horizon temporel, leur impact différencié sur les performances des entreprises, ainsi que leur poids très variable
selon les pays. Voir notamment le document de travail passionnant de Claude Dupuy et Stéphanie
Lavigne, ainsi que ce document de travail du CPER (€) sur le cas suédois.

Les déclarations sur le rachat de Charles
Jourdan par le fonds d’investissement Finzurich montrent une certaine versatilité des acteurs vis-à-vis des zinzins : toutes les personnes interrogées –Bénédicte Jourdan, petite fille du
créateur, les représentants du personnel, et Hervé Novelli, secrétaire d’Etat chargé des entreprises et du commerce extérieur– s’en félicitent, ce dernier expliquant que
c’est le seul repreneur qui offrait un projet industriel et une reprise d’emplois très importante”. Versatilité qu’on a pu observé en janvier dernier dans le positionnement de
Nicolas Sarkozy vis-à-vis des fonds souverains, qui assure, un jour, que la France assumerait “le choix politique, stratégique de protéger ses entreprises”, pour déclarer, le lendemain, que la
France “est ouverte aux fonds souverains”,
si leurs intentions sont “sans ambiguïté” et leur gouvernance “transparente”.

Quel que soit le sujet, je crois que c’est une constante : l’incapacité de beaucoup à prendre acte de la diversité du réel. Diversité sectorielle, diversité spatiale, diversité temporelle,
diversité des logiques à l’oeuvre, …, incapacité qui s’explique sans doute par la facilité avec laquelle on part d’un cas particulier pour en tirer une proposition que l’on croit
générale.