Vous n’avez plus d’argent? Eh bien, remboursez-le!

Je ne fais que relayer l’info,  déjà traitée chez RCE et Versac et reprise chez les Econoclastes, mais elle est tellement
croustillante…

Ségolène Royal “choquée par le scandale de la Société générale”, a demandé vendredi à Chartres “que les 7 milliards d’euros soient remboursés aux familles qui sont
plongées dans l’endettement”.

“Quand les Français ont un compte bancaire excédentaire en début de mois et le terminent à découvert, les pénalités tombent. Les banques s’enrichissent sur le dos
des plus modestes. Je demande à ce que les 7 milliards d’euros soient remboursées aux familles qui sont plongées dans l’endettement”.

Source : Désirs d’Avenir.

On doit pouvoir généraliser : toutes les entreprises essuyant des pertes devraient les rembourser…

Les blogs se mettent à l’éco

C’est le titre d’un article d’Alternatives Economiques, signé Boris Cassel, dans le numéro de
février 2008. Début gratuit ici, l’intégralité est disponilbe moyennant
paiement sur leur site, ou dans le magazine, à partir de demain dans les kiosques. Apparemment, on y parle des éconoclastes, de Gizmo, d’Etienne Wasmer et de votre humble serviteur, sans doute
d’autres blogueurs également. Bref, que du beau monde!

Elections municipales #1

Les élections municipales approchent, dans la Vienne comme ailleurs. Premier billet d’une série plus ou moins longue, non pas pour prendre parti pour l’un ou l’autre
des candidats, simplement pour évoquer quelques enjeux qui seront évoqués, ou pas, par les candidats, en me focalisant sur les aspects “développement économique”.

 Les deux principales villes de la Vienne sont Poitiers, d’une part, et Châtellerault, d’autre part. Sur Poitiers, trois principaux candidats briguent la
succession de Jacques Santrot, maire sortant PS  (ordre alphabétique) : Stéphane Braconnier, UMP, Alain Claeys, PS, Philippe Mahou, Modem. Sur Châtellerault, 4 candidats : Jean-Pierre Abelin, UMP, Gilles Michaud, divers gauche, Philippe Rabit (je n’ai pas trouvé de blog ou de site), ex-UMP, Joël
Tondusson
, PS (maire sortant). Je parlerai essentiellement des élections dans ces deux villes.
 
On peut penser que les candidats sur Poitiers vont parler essentiellement de Poitiers, les candidats sur Châtellerault vont parler essentiellement de Châtellerault.
Logique me direz-vous. Et bien non, pas tant que ça en fait : du point de vue du développement économique, le territoire “pertinent” ne se limite pas à chaque ville, il s’agirait plutôt de
l’axe Poitiers – Châtellerault. Avec, d’un côté, Poitiers, ville dominé par le tertiaire, notamment le tertiaire public (les principaux employeurs de la Communauté d’Aggglomération de Poitiers
sont le CHU, l’Université et la Ville), de l’autre Châtellerault, ville industrielle, et entre les deux la zone du Futuroscope, avec son Parc de loisirs, dont j’avais parlé ici, et une zone d’activité où sont localisés de nombreuses entreprises de service, notamment des centres d’appels. C’est
aussi le lieu d’implantation du seul pôle de compétitivité labellisé de Poitou-Charentes, le pôle MTA (Mobilité et Transports
Avancés).
 
Les problématiques en termes de développement économique de ces trois zones sont très différentes. Je me contente ici de quelques éléments de cadrage, pour faire ressortir quelques problématiques importantes, je développerai dans des billets à suivre.

Pour Poitiers, certains candidats dénoncent l’absence d’une politique ambitieuse d’attractivité vis-à-vis des entreprises privées, à l’heure où la mondialisation met
tous les territoires en concurrence. C’est oublier que le développement des territoires peut se faire hors mondialisation, pour reprendre la formule de Davezies : il peut reposer sur une logique
d’économie résidentielle, plus que sur une logique d’économie productive et, compte tenu des caractéristiques de Poitiers, la première logique apparaît comme plus pertinente. Je ne développe pas
pour l’instant, je renvoie simplement à la lecture de l’ouvrage de
Davezies
, avec à suivre une note de lecture de cet ouvrage (avec des éléments de critique qui me semblent intéressants de mettre au débat), et un papier sur l’impact en termes de
développement local de quelques grandes institutions publiques poitevines.

Pour Châtellerault, le coeur du problème tient aux transformations de l’industrie. Le problème est que certains ont un peu trop présent à l’esprit
l’enchaînement Déclin de la France car Désindustrialisation car Délocalisations. Les travaux menés au sein de mon laboratoire (une thèse en cours sur les échelles spatiales de l’innovation a
comme terrain d’étude le territoire de Châtellerault) montrent que les choses sont un peu plus complexes que cela… Le deuxième problème est que sur ce territoire comme sur de nombreux
autres (ah, le mimétisme des institutions…), la réponse qui semble émerger consiste à mettre en place un cluster, afin que les entreprises locales travaillent plus souvent ensemble. Là
encore, je ne développe pas outre mesure, mais je doute de la pertinence d’une telle réponse, pour tout un ensemble de raisons. Je renvoie pour l’heure à l’étude du Cepremap sur les Pôles de compétitivité, qui comprend une partie très intéressante consacrée à l’évaluation
des SPL, avec à suivre, là aussi, une note de lecture sur cette étude (si la partie étude empirique est remarquable, je ne partage pas toutes les implications qu’en tirent les auteurs, j’y
reviendrai pour alimenter le débat). 
 
Pour la zone du Futuroscope, plusieurs problématiques : Celle du Parc du Futuroscope, d’abord, dont j’ai déjà parlé ici. Celle des centres d’appels, ensuite. Je signale que leur poids dans l’ensemble des effectifs est, en région
Poitou-Charentes, près de 4 fois plus important
 que la moyenne France entière, c’est la région leader en la matière. Analyser précisément ce
secteur est donc tout à fait essentiel. Or, la peur d’une délocalisation massive de cette activité paralyse de nombreux acteurs (“de toute façon, tout va partir”). Pour avoir commencé à
travailler sur le sujet dans notre labo, il s’avère que ce n’est sans doute pas le problème essentiel à court ou moyen terme. Il y a en revanche de vrais enjeux en termes de marché local du
travail : difficultés de recrutement pour certains établissements, problèmes de conditions de travail pour d’autres (pas toujours les mêmes, et pas dans tous
les établissements), … Autre question sur ce site : la pertinence du pôle de compétitivité MTA. Je renvoie de nouveau à l’étude du Cepremap, les premières parties cette fois, sur les Pôles de compétitivité. Petit extrait :
 

M. Porter affirme clairement qu’« il devrait y avoir certaines semences d’un cluster qui aient réussi à passer le test du marché avec succès avant que les efforts
visant à développer les clusters ne soient justifiés». (…) De nombreuses initiatives de clusters ne sont pas aussi prudentes et proposent souvent d’en développer de nouveaux à partir de rien.
(…) Sur le plan empirique, la prudence de M. Porter semble la bienvenue. La difficulté pour reproduire des clusters réside dans le fait que, dans la plupart des activités, les
connaissances de pointe à la frontière de la technologie sont tacites et disséminées à un vaste ensemble d’employés. Cette immobilité des connaissances de pointe (au moins à court terme) a été
prouvée à de nombreuses reprises. Par ailleurs, C. van der Linde ne trouve qu’un seul cas où la création d’un cluster a été réussie grâce à une politique de soutien (Hinshu à
Taiwan) dans une étude de plus de 700 clusters
. (Etude Cepremap, p. 37-38, c’est moi qui souligne).

Approfondir la réflexion dans ces différentes directions me semble donc nécessaire, histoire d’en tirer des implications en termes de politique publique, et d’éviter
de taper à côté des problèmes. Il conviendrait également de réfléchir aux moyens de coordonner l’action publique sur l’axe Poitiers-Châtellerault, afin d’éviter des problèmes de concurrence
– rivalité – conflit entre  les différentes institutions. La région Poitou-Charentes disposerait des atouts de la Silicon Valley, la mise en oeuvre de politiques non coordonnées ne
serait pas trop grave, ce ne serait qu’un peu de gaspillage d’argent public. Mais je ne crois pas que ce soit le cas…

Consommation citoyenne

L’Insee nous apprend que la
consommation a augmenté de 0,3% en novembre dernier. Rebond surprise nous dit Le Monde. Luc Chatel, secrétaire d’Etat
chargé de la consommation, aurait déclaré : “En ne réduisant pas leurs achats de Noël, les Français participent à la relance de l’économie et accomplissent donc un “acte
citoyen”
.

Question : est-ce que quelqu’un peut affirmer ici, sans mentir, qu’il a effectué un achat quelconque par citoyenneté,
pour participer à la relance de l’économie?????

Entreprise négative contre l’enseignement de l’économie – épisode 3

Nouvel épisode, car le débat repart de plus belle.  Voir par exemple RCE, Pierre Maura, David
Mourey
, Denis Colombi et le site de l’APSES avec tout un ensemble de liens vers des articles ou émissions de radio.


Résumé des épisodes précédents :

L’Association Positive entreprise considère que les jeunes n’aiment pas l’entreprise à cause de l’école
et plus précisément en raison du contenu des manuels scolaires d’économie de seconde, qui véhiculent « une image pessimiste, incomplète, réductrice et idéologiquement orientée de
l’entreprise ». Pour pallier ce problème, Thibault Lanxade propose d’intégrer « des chefs d’entreprise dans la commission des programmes scolaires », afin de « réactualiser
les données des manuels scolaires et [de] proposer une vision objective et positive du monde de
l’entreprise ». Lors de l’épisode 1, nous avons vu que 71,4% des élèves ne suivent pas
l’enseignement de SES
, difficile dès lors d’en faire le responsable du désamour des jeunes pour l’entreprise. Lors de l’épisode 2, nous avons montré, à partir des sondages de l’association Positive Entreprise elle-même, ce qui est quand même
cocasse, que 74% des jeunes ont un opinion positive de l’entreprise. Troisième épisode, donc, qui s’intéresse à la capacité des dirigeants à proposer “une vision objective et
positive” du monde de l’entreprise…


Comme le rappelle Yvon Gattaz dans un “grand débat” de BFM du 14 janvier dernier, l’économie, ça se passe dans
les entreprises. Les mieux placés pour parler d’économie, ce sont donc les dirigeants d’entreprises. Il conviendrait dès lors qu’ils participent à la définition des programmes, et qu’ils
interviennent plus souvent dans les collèges et lycées, histoire d’expliquer aux élèves (et à leurs enseignants) ce que c’est que la vérité vraie de l’entreprise et donc, la vérité vraie en
matière d’économie.

Dans cette perspective, on consultera avec intérêt cet article des
Echos
, qui reprend les principaux résultats d’une étude de Watson Wyatt, dans laquelle le
cabinet de consultant interroge employés et employeurs sur ce qui attire les premiers dans les entreprises, et sur ce qui les en fait partir. Sur cette question, les employés
sont logiquement les mieux informés. Tout l’enjeu est donc de savoir si les employeurs ont bien compris leurs motivations. En fait, non : s
ur le premier
point, les employeurs répondent “l’évolution de carrière” à 55% et “la réputation de l’entreprise” à 51%. Mais si on interroge les employés, ils répondent “le contenu du poste” à 49% et “la
sécurité de l’emploi” à 34%. Idem sur le deuxième point : les employeurs pensent que les salariés partent pour des raisons d’évolution de carrière (49%) ou pour une promotion (48%) alors que les
employés insistent sur “le niveau de stress” (35%) et “le salaire de base” (34%).

Imaginons maintenant qu’un dirigeant soit invité dans un établissement pour expliquer à nos chères têtes blondes ce qui attire et fait partir les salariés des entreprises. En supposant que le
sondage mentionné ici soit représentatif de l’opinion des dirigeants, on peut penser qu’ils vont commettre quelques erreurs d’analyse… On remarque également avec ce petit exemple que l’objectif
assigné par Positive Entreprise (et par d’autres, notamment Claude Goasgen sur France Info) d’un enseignement
objectif et positif est difficilement atteignable : si on veut que l’enseignement soit positif, autant éviter de dire que nombre de salariés disent quitter leur emploi pour motif
de stress. Ce faisant, on perd en objectivité. Et si on mentionne l’importance du stress, à l’inverse, on perd en positive attitude.
On pourrait
multiplier les exemples : j’avais montré ici les erreurs d’analyse de Laurence Parisot, lorsqu’elle s’était improvisée prof d’économie devant un aréopage de dirigeants du Medef. Dans cet autre billet, j’avais montré le décalage entre ce que pensent les dirigeants de l’attractivité de la France et le
degré effectif d’attractivité de notre pays. Bref : un bon dirigeant d’entreprise n’est pas nécessairement, il est sans doute même très rarement, un bon économiste. Et ce n’est pas grave,
car ce n’est pas ce qu’on lui demande. Pas plus qu’on ne demande aux profs ou chercheurs en économie d’être de bons dirigeants d’entreprises.

Ceci ne signifie pas qu’il ne faut pas développer les relations entre entreprises et monde de l’éducation, notamment dans le cadre des cours
d’économie. Mais pas pour que ces dirigeants expliquent ce qu’il faut enseigner, ni comment. Je reprends l’exemple du stress des salariés : je pense qu’il peut être efficace que l’enseignant
présente l’état de la réflexion des économistes sur le sujet plus large des conditions de travail (en s’appuyant par exemple et entre autres sur les travaux
d’Askenazy)
. On peut imaginer ensuite qu’il invite des dirigeants, des salariés, un médecin du travail, …,  à venir échanger sur le sujet. Ceci permettrait de donner du corps à
l’enseignement dispensé, d’identifier d’éventuels décalages entre l’état général du problème et la représentation qu’en ont les acteurs, de discuter autour de ces décalages, d’échanger aussi sur
les moyens mobilisés par les acteurs pour résoudre les problèmes rencontrés. Pour information, et pour y avoir participé à l’occasion, je signale que ce type de démarche existe déjà dans les
lycées, et que ça fonctionne très bien. A charge sans doute de trouver les moyens de généraliser, ce qui suppose notamment que les responsables d’entreprises acceptent de dégager un peu de temps
pour cela. 

Au final, les élèves n’auraient sans doute ni une vision positive de l’entreprise, ni une vision négative, simplement une
vision plus juste, et de meilleurs outils pour décrypter la réalité qui les entoure. Ce que l’on peut considérer comme un objectif louable, y compris pour les entreprises sousceptibles de
recruter, plus tard, ces personnes.

Macroéconomie keynésienne pour les nuls

Beaucoup de discussions sur les blogs d’économie autour des politiques de relance, la plupart mobilisant pour cela le modèle keynésien de base. Je me dis qu’une petite explication du modèle pour Patrick Devedjian les non initiés peut être utile. Je reviendrai ensuite sur ce qu’en tirent comme implications les économistes blogueurs.

Modèle de base

Version la plus simple, on raisonne en économie fermée et sans Etat. Soit Y le revenu total. Les deux dépenses possibles sont les dépenses de consommation des ménages (C) et les dépenses d’investissement des entreprises (I). On écrit donc :

Y = C + I

Pour simplifier toujours, on ne fait pas de théorie de l’investissement (on suppose un niveau d’investissement exogène donné), seulement de la consommation, considérée dans une perspective keynésienne comme dépendant positivement du revenu.

C= cY

c est un paramètre stratégique. Il s’agit de la propension marginale à consommer, comprise entre 0 et 1, ce qui signifie qu’un accroissement du revenu se traduit par un accroissement moins que proportionnel de la consommation.

Sur cette base, on peut réécrire puis transformer la première expression :

Y = cY + I

On fait passer cY à gauche

Y – cY = I

On met en facteur :

(1-c)Y = I

On divise de chaque côté par 1-c :

Y = [1/(1-c)]I

Notons k=1/(1-c)

Comme c est compris entre 0 et 1, 1-c est aussi compris entre 0 et 1, donc k est strictement supérieur à 1. Il sera d’autant plus fort que c est élevé.

Dès lors, si I varie d’un certain montant (notons cette variation dI), Y va varier plus que
proportionnellement.

dY/dI = 1/(1-c)=k

Il s’agit de ce qu’on appelle un effet multiplicateur, en l’occurrence des dépenses d’investissement.

Deuxième modèle

On complique en intégrant l’Etat. Celui-ci prélève une partie du revenu sous forme d’impôts (notés T), si bien que C est maintenant égal à :

C= c(Y-T)

Y-T est le revenu disponible.

On considère que l’Etat applique une imposition proportionnelle aux revenus, avec un taux marginal d’imposition de t :

T = tY

Sur la base des impôts collectés, l’Etat réalise des dépenses publiques G. On a donc maintenant trois composantes dans la dépense totale :

Y = C + I + G

C = c (Y-T)

T = tY

On se sert des deux dernières relations, on les réintroduit dans la première, et on trouve :

Y = cY – ctY + I + G

Soit :

Y = [1/(1-c(1-t)][I+G]

L’Etat dispose d’une variable d’action G. En faisant varier G, on arrive à une variation plus que proportionnelle de Y. Le multiplicateur est cependant plus petit que 1/(1-c) car une partie de l’injection va se trouver ponctionnée sous forme d’impôts.

Troisième modèle

On introduit l’extérieur. Une partie des dépenses va se tourner vers les produits étrangers, il convient donc d’introduire les importations (notées M) avec un taux marginal d’importation m. L’extérieur est également demandeur de produits nationaux (exportations notées X). On a donc maintenant :

Y + M = C + I + G + X

C = c(Y-T)

T = tY

M = mY

On réarrange le tout et on obtient :

Y + mY = cY – ctY + I + G + X

Soit après transformations :

Y = [1/(1 + m – c(1-t)][I + G + X]

L’effet multiplicateur est encore réduit, car une partie de l’injection éventuelle par l’Etat sous forme de dépenses publiques est captée par les entreprises étrangères, via les importations, et ce d’autant plus que m est grand.

Que doit-on attendre dès lors d’une politique de relance ? Tout dépend de la valeur des déterminants du multiplicateur. On peut regarder ici pour se faire une idée de c et m, qui tournent autour de 0,8 et de 0,25. Pour le taux d’imposition, on serait environ à 0,45. Soit un multiplicateur de 1,23.

Applications

Alexandre Delaigue se sert du dernier multiplicateur pour s’étonner des effets attendus par notre ministre du plan de relance du gouvernement. Il montre qu’en prenant des valeurs raisonnables pour t et m, obtenir l’effet pronostiqué par notre ministre est incompatible avec une valeur raisonnable de c… (en raisonnant sur les valeurs présentées ci-dessus, plutôt « haut de la fourchette », puisque le plan est de 26 milliards nous dit-on (voir ici pour une critique), l’impact à attendre serait de 26*1,23 = 32 milliards, non pas 100 milliards comme annoncé par Devedjian. En prenant des valeurs «bas de la fourchette»: c=0,8, m=0,3, t=0,5, le multiplicateur est de 1,11, soit 29 milliards).

Rationalité Limitée présente une discussion sur la valeur du multiplicateur des dépenses publiques : vaut-il mieux accroître les dépenses publiques ou réduire les impôts ? 

Mafeco disserte aussi sur le sujet, en proposant notamment de manière réjouissante de cibler la dépense sur les entreprises mal gérées, histoire de viser les personnes dont la propension à consommer est la plus forte.

Rodrik, moins facétieux, s’inquiète de la tentation protectionniste potentielle résultant de l’utilisation de ces modèles : on voit très vite en effet que pour accroître l’effet multiplicateur, il « suffit » de réduire m. Pour éviter cette tentation, il espère que les autres pays feront aussi des politiques de relance, qui profiteront aussi aux Etats-Unis, et se réjouit des dispositions en ce sens de la Chine et de l’UE.

 Krugman enfin, discute des politiques de relance en Europe : si les pays de l’UE font ca de manière unilatérale, l’effet attendu risque d’être faible, car la valeur du m pour chaque pays est élevée. Si, en revanche, on a une politique de relance concertée au niveau de l’UE, l’effet sera fort, car le m de l’UE est faible (l’essentiel du commerce des pays de l’UE est du commerce intra-européen). Il conclue en s’inquiétant de la position allemande sur le sujet : The lesson of this algebra is that there are very large intra-EU externalities in fiscal policy, making coordination really important. And that’s why German obstructionism is such a problem.

PS : j’en oublie sans doute, n’hésitez pas à compléter en précisant le lien et l’idée principale.

L’Ile de France est-elle surproductive?

Lorsqu’on rapporte le revenu par habitant de l’Ile de France au revenu par habitant de l’ensemble du pays, on obtient, en 2005, un indice de 123 : le niveau de vie en IDF est 23% plus élevé que dans les autres régions. Quand on effectue le même calcul en s’appuyant sur le PIB par habitant, l’indice monte à 152. La différence entre les deux chiffres s’explique par différents mécanismes de redistribution longuement analysés par Davezies, l’idée de base étant qu’une partie des richesses créées en IDF sont distribuées et/ou redistribuées sous formes de revenu dans les autres régions.

J’ai vaguement l’impression que certains tirent de ces chiffres l’idée que la “compétitivité française” serait avant tout celle de l’Ile de France, les autres régions vivant au crochet de la région capitale, sans même lui en être reconnaissant… A commencer par Davezies, dans un article pour La vie des idées,  dans lequel il s’inquiète du déclin de la métropole francilienne qu’il considère comme “à la fois le meilleur atout français dans la nouvelle économie mondialisée et la principale – presque l’unique – pompe à redistribuer les richesses créées – via les budgets publics et sociaux – vers le reste du pays”. Pour continuer avec Missika, qui critique l’analyse de Davezie du déclin francilien, mais titre sa contribution “Paris, ville-monde dans une France endormie”.

Un examen un peu attentif des données conduit cependant à nuancer ce genre de propos. Dotons nous d’un objectif : mesurer la productivité des régions.Premier indicateur possible, le PIB par habitant, abondamment utilisé pour les comparaisons internationales et interrégionales de productivité.

En rapportant la valeur observée en Ile de France à la valeur France entière, on obtient ce graphique :



Soit une surproductivité de plus de 50% depuis 1990, avec certes quelques variations, mais plutôt négligeables.

Le problème, c’est que le PIB par habitant est un assez mauvais indicateur de productivité, car tous les habitants ne participent pas à la création de richesses, ils n’ont donc pas à être comptabilisés au dénominateur. Un meilleur indicateur est le PIB par emploi, rapport entre les richesses créées et les personnes effectivement mobilisées pour créer ces richesses. Le lien entre ces deux indicateurs est simple à établir :

PIB/H = PIB/L * L/H

avec L le nombre de personnes effectivement mobilisées.

Autrement dit, le PIB part habitant de certaines régions peut être plus important non pas en raison d’une productivité supérieure, mais parce que le rapport L/H y est plus important (ce qui résulte de différentes choses, notamment des considérations démographiques : part moins importante de personnes âgées qui ne sont plus en âge de travailler par exemple ; ou par des différences de taux de chômage).

 Comme on dispose des données sur le PIB par emploi, on peut reprendre et modifier notre graphique :



La surproductivité de 50% est sérieusement entamée, elle tombe à 30% en fin de période. On observe tendanciellement une hausse relative de la productivité apparente du travail de l’Ile de France et une baisse relative de L/H.

Est-ce tout? Non, toujours pas… Les différences de productivité observées à une échelle macro-régionale peuvent en effet s’expliquer par des différences de spécialisation des régions, plus que par des différences intrinsèques de productivité. On retrouve la même idée que dans mon billet consacré aux différences d’intensité technologique entre pays européens.

Pour mesurer l’importance des effets de spécialisation, on peut s’appuyer sur ce que l’on appelle une analyse structurelle-résiduelle, qui permet de dissocier, dans l’écart total de productivité entre une région donnée et l’ensemble de référence, l’écart que l’on peut attribuer au jeu des spécialisations (écart structurel) et l’écart résiduel (ou écart géographique).

Petite difficulté cependant, pour mesurer cela, il faut disposer des valeurs ajoutées et des personnes employées par secteur. Or, si on dispose bien des valeurs ajoutées (seulement jusqu’en 2005 cependant), je n’ai trouvé les données que pour les effectifs salariés, non pas pour salariés et non salariés. J’ai donc dû recalculer une productivité apparente du travail (notée PIB/L*) avant de faire la décomposition entre écart structurel et écart résiduel. Or, on observe un certain écart entre PIB/L et PIB/L* :



Ce qui devrait s’expliquer logiquement par le fait que les non salariés sont moins nombreux en Ile de France que dans les autres régions, ce que j’ai pu vérifier au niveau macro-régional, à partir de ces données (la part des non salariés est de 6% en Ilde de France en 2005, c’est la part la plus faible (hors Corse), à comparer à la moyenne France entière de 9%).

Que nous donne la décomposition écart structurel/écart résiduel? Ceci :



Conclusion ? L’écart initial de productivité de 50% que l’on croyait lire dans les statistiques de PIB par habitant est tombé, après ces quelques décompositions, à un peu plus de 10%. Et encore : la décomposition s’appuie sur une décompostion de l’activité en NES 36. Une décomposition plus fine (mais les données ne sont pas disponibles) pourrait faire apparaître un écart structurel plus forte (l’écart résiduel observé étant décomposé en un écart structurel à une échelle plus fine et un nouvel écart résiduel).

 Au final, l’Ile de France présente donc une productivité macro-régionale supérieure à celle des autres régions françaises, mais les différences sont loin d’atteindre le niveau que certains ont en tête. Une bonne partie des écarts de PIB par habitant s’explique par des écarts démographiques ou de taux de chômage (qui jouent sur L/H) et par des différences de spécialisation. Titrer “Paris, ville-monde dans une France endormie”  a donc de quoi hérisser le poil d’un économiste, surtout lorsqu’il est localisé en province… 

Croissance : la France tient mieux que les autres ?

C’est le titre d’un  Article du Figaro qui reprend les propos de notre président à Sens. Preuve en image :


tdcFRAEU-copie-2.jpg

Source des données : Eurostat. Il
s’agit du taux de croissance du PIB réel de la France, divisé par ce même taux pour l’Union à 15. Une valeur de 1 signifie que la croissance française est identique à celle observée dans l’UE15,
une valeur inférieure à 1 signifie que la croissance française est plus faible que la moyenne. Les données pour 2007, 2008 et 2009 sont des prévisions.

Carotte ou bâton?

Via Chris Dillow, je découvre un
texte intéressant qui montre que lorsqu’il existe à la fois de très fortes incitations positives (de grosses carottes) et de très fortes incitations négatives (de gros
bâtons), les premières sont plus efficaces que les dernières.

 

Plus précisément, le texte s’intéresse aux pratiques religieuses (je colle à l’actualité!) : les gens vont-ils à la messe ? prient-ils ? Il
montre, à partir de données sur près de 19 000 personnes issues de 28 pays, que : i) le fait de croire, que ce soit au Paradis ou à l’Enfer, influe fortement sur les pratiques (autrement
dit, les incitations comptent), ii) surtout : le fait de croire au Paradis (sacré carotte !) a plus de deux fois plus d’impact sur ces pratiques que le fait de croire en l’Enfer (sacré
bâton !), iii) symétriquement, le fait de ne pas croire au Paradis a un effet (négatif) double de celui de ne pas croire en l’Enfer.

Pour information, dans leur échantillon, 70% des personnes ne croient ni au Paradis, ni à l’Enfer, 21,6% croient au deux, 7,8% croient au Paradis mais pas à
l’Enfer, 0,6% à l’Enfer mais pas au Paradis (ces 0,6% sont étranges : penser qu’après la mort, c’est l’Enfer, ça doit vous pourrir la vie. Ce qui fait un total peu
réjouissant…).

Migrations et migrations

Petite réflexion au moment de la sortie des chiffres de l’Insee sur l’évolution de la population : la
Nouvelle République du Centre Ouest
 titre “Poitiers a gagné 6 000 habitants” (entre 1999 et 2005). En page intérieure, on apprend plus généralement que la population régionale a augmenté
de 5% sur la période, avec notamment un apport de 45 000 personnes en provenance des autres régions. D’où le titre de l’article : “Poitou-Charentes attire toujours”. On trouve également un
encart qui commence ainsi : “Poitiers prend la première place du tableau d’honneur des plus grandes communes de la région”.

Bref, la population picto-charentaise augmente, cette augmentation résulte pour une bonne part des migrations interrégionales, et c’est une bonne chose :
ce sont des personnes en plus qui vont travailler, dépenser localement leurs revenus, éviter des fermetures d’écoles et des suppressions de lits d’hôpitaux, etc…
Sûr que la plupart des lecteurs de la NR se réjouissent de cette nouvelle. Interrogez-les, en revanche, sur leur sentiment vis-à-vis de
l’immigration étrangère, je ne suis pas sûr qu’il soit tout à fait le même.
 

A consulter : Insee Première n°1170, janvier 2008, “Bilan démographique 2007”.
Pierre Maura en propose une petite synthèse. A partir des données de ce document, j’ai calculé la
contribution du solde migratoire à l’accroissement de la population (0,66% par an), qui est de 22% en moyenne, contre 78% pour l’accroissement naturel.  A consulter également, Insee Première n°1116, janvier 2007, “enquêtes annuelles de recensement de 2004 à 2006”. Même calcul, mais au niveau des
régions, pour la période 1999-2006. On obtient une contribution des migrations de 36%, contre 64% pour l’accroissement naturel.