La Roche Posay : complément

Certains commentaires au petit jeu L’Oréal – La Roche Posay (solution du jeu ici) laissaient entendre que les produits La Roche Posay n’utilisaient pas les sources éponymes. De source sûre, comme on
dit, il s’avère que c’est faux : le laboratoire utilise bien la source pour ses préparations. Idem pour les produits Avène de Pierre Fabre.
Nanotruc a raconté
une gigabêtise…

Professeurs d’Université : ne coupons pas le turbo

 


Commentaire rapide sur un point particulier du projet de loi relatif aux libertés
et responsabilités des universités
 adopté cette nuit par le Sénat :

 
Chapitre II. « Le président »
(…)
Article 5, point 7 : « Sous réserve des dispositions statutaires relatives à la première affectation des personnels recrutés par concours national
d’agrégation de l’enseignement supérieur, aucune affectation
ne peut être prononcée si le président émet un avis défavorable motivé »
 (…)

Qu’est-ce à dire ? C’est simple : le Président à un droit de veto sur le recrutement des personnels. Enfin, de tous les personnels sauf les
lauréats du concours national d’agrégation de l’enseignement supérieur, qui concerne les disciplines Droit, Economie et Gestion.

 
Ce qui signifie que certains de ces lauréats peuvent continuer à opter pour un poste leur permettant de minimiser leur temps de trajet laboratoire d’origine / poste
de professeur de destination (Poitiers est à cet égard assez bien placé pour les profs issus des labos parisiens), de limiter leur présence au strict nécessaire (disons un jour ou deux le temps
de faire son service d’enseignement à la chaîne), de ne pas s’investir dans le laboratoire de recherche de leur université d’affectation, de ne pas s’investir dans les tâches administratives, de
mener des recherches sans aucun lien avec les thèmes de recherche du labo de destination, etc.
 
Ouf, la recherche en économie va pouvoir continuer de se développer sur ces bases particulièrement saines, qui permettent de s’affranchir du localisme
 
Remarques complémentaires (merci à Christian A. pour ces compléments) :
1/ le problème des turbo-profs n’est malheureusement pas spécifique aux nouveaux agrégés du supérieur. On le rencontre aussi dans des disciplines où le
recrutement ne passe pas par un concours national d’agrégation et il existe aussi parfois des turbo-maîtres de conférences. Les universités pourraient théoriquement essayer de lutter contre ces
pratiques en faisant appliquer plus strictement l’obligation de résidence. Mais contraindre ainsi les personnes concernées ne suffit pas à s’assurer de leur implication positive dans la vie de
leur fac…
2/ s’agissant de la restriction du droit de veto du président en matière de recrutement : en le rendant inapplicable en cas de recrutement par
concours d’agrégation de l’enseignement supérieur, le texte autorise le président à s’opposer au choix collectif d’une commission locale (dont on peut espérer qu’elle a conscience des priorités
du projet d’établissement) mais non au choix individuel d’un nouveau promu (dont on ne peut exclure quelque souci de confort personnel). Il y a là une forme de paradoxe que le législateur ne
semble pas avoir relevé…

Jeu de l’été (1) – solution

Voici la réponse au jeu proposé, peu éloignée  de celle développée par
Nanotruc.

Les responsables de l’Oréal ont  déclaré que le rachat relève moins d’une volonté de gérer la « matière première » que de se prémunir contre d’éventuels
« prédateurs », autrement dit d’autres groupes cosmétiques
. On peut effectivement mobiliser la théorie des coûts de transaction :  la fabrication des produits La Roche
Posay  résulte de la transformation des eaux de la source,  ces eaux sont, pour reprendre les termes de Williamson, des actifs localisés en un lieu spécifique. Le risque auquel s’expose
L’Oréal est le suivant : un de ses concurrents rachète la source, le privant de cet actif spécifique, l’ empêchant dès lors de valoriser les produits La Roche Posay.

Dans l’économie de l’entreprise, j’ai développé
un exemple proche (p. 74), repris de Carlton et Perloff
: dans les années 1980, deux fabricants de lecteurs de disquette (Seagate Technology et Conner Peripherals) s’approvisionnent chez le même fournisseur d’un composant critique  (Imprimis
Technology) entrant dans la fabrication des lecteurs (composant assimilable à un actif physique spécifique). Seagate a alors racheté Imprimis et ce dernier, une fois racheté, a refusé de
conserver Conner Peripherals comme client (d’où procès, mais Carlton et Perloff ne nous en donnent pas les conclusions).

PS :  je suis preneur  d’éléments de preuve de ce qu’avance Nanotruc, selon lequel les produits n’utilisent  pas les eaux. Ceci
n’invaliderait pas nécessairement le raisonnement, comme il le dit, mais ce serait assez intéressant, ma foi!

Jeu de l’été (1)


larocheposay.jpg
Bon, je propose à mon tour un petit jeu. Ta mission, si tu l’acceptes, consiste à expliquer la décision de l’Oréal, en argumentant un
minimum, il va sans dire…

 

 La Roche-Posay est la principale station thermale européenne en matière de dermatologie.
Elle accueille chaque année de 25000 à 30000 personnes liées au thermalisme, dont 9400 curistes. En 1975, pour diversifier son activité, la commune a créé les laboratoires La Roche-Posay, pour fabriquer des produits relevant de la pharmacie et de la parapharmacie, qui sont basés sur les
qualités particulières de l’eau des sources.

En 1989, le groupe L’Oréal a racheté les laboratoires, ce qui a permis de diffuser les
produits dans le monde entier. Au début de l’année 2004, L’Oréal a décidé de racheter également les sources thermales. D’après les responsables du groupe, ce dernier rachat ne relève pas d’une
volonté de mieux gérer la « matière première »…

 

 

Pour info, il s’agit du sujet proposé à la deuxième session d’examen du cours “Economie de l’entreprise” (Licence 2ème année) que je dispense à la Faculté de Sciences Economiques de Poitiers (j’ai cependant supprimé un bout de phrase, histoire de ne pas vous mettre trop vite sur la piste, je
posterai un indice si besoin…). Les étudiants devaient présenter dans une première partie les grandes lignes de la théorie adaptée (qui est présentée dans cet ouvrage
incontournable
), puis mobiliser cette théorie, dans une deuxième partie, pour expliquer la décision de l’Oréal.

L’a-théorie de Nicolas Sarkozy…


sarkozy.jpg
Nicolas Sarkozy l’a affirmé le 29 juin 2007 : pour trouver les solutions au
problème d’emploi et de croissance, “inutile de réinventer le fil à couper le beurre. Toutes ces théories économiques… moi-même, parfois je suis un peu perdu. Ce que je veux c’est que les
choses marchent”. Mieux vaut, selon lui, faire du “benchmarking”, cette méthode qui consiste à regarder ce que font les autres pays.

 

Je passe sur le caractère populiste de cette déclaration (NS veut “que les choses marchent”, sous-entendu, “les autres politiques veulent que les choses ne marchent
pas”? ; il disqualifie également à l’avance les analyses de tous les intellectuels – très vendeur, tout cela…
optimum avait posté un petit billet suite à ces déclarations, un brin énervé
; idem pour les éconoclastes, encore plus laconiques : c’est
vrai qu’on peut difficilement faire pire…
) pour me concentrer sur le benchmarking.

Le principe de base du benchmarking est aussi simple que puissant : il consiste à observer les performances d’un échantillon de pays, repérer le pays qui obtient les meilleures performances,
puis identifier les mesures de politique économique qui sous-tendent ces performances, pour enfin les imiter.

 

En procédant de la sorte, on se débarrasse de toute accusation de biais idéologique : il ne s’agit plus de déduire de la théorie des préconisations en termes de
politique économique, mais d’adopter une posture pragmatique (comme le répètent à l’envie certains leaders de l’UMP), en faisant parler les faits et en s’en remettant aux données pour légitimer
son action.

 

Démarche séduisante, donc, mais qui pose de sérieux problèmes : il faut imiter le meilleur pays, certes, mais lequel choisir ? Les Etats-Unis ? Le
Royaume-Uni ? L’Allemagne ? Le Danemark ? Le choix n’est pas si réduit que cela… Regardons les données, me dira-t-on. Certes, mais quelles données ? Les taux de
croissance ? Les niveaux de vie ? Les taux de chômage ? La proportion de travailleurs pauvres ? L’évolution du solde commercial ? En fonction de l’indicateur utilisé, les
résultats risquent d’être profondément modifiés… Une combinaison de ces données, pourrait-on proposer. D’accord, mais s’il s’agit de bâtir un indicateur composite, le problème n’est que
déplacé : quels indicateurs élémentaires inclut-on ? Comment peut-on les pondérer ? Là encore, diversité des choix possibles et des résultats obtenus…

 

Et, en supposant que ces premiers problèmes soient réglés, il convient ensuite d’identifier les politiques explicatives de ces performances, ce qui est sans doute
encore moins simple : dans l’ensemble des mesures prises, lesquelles ont été les plus déterminantes ? Quelle période d’observation faut-il couvrir ? Dans quelle mesure la
reproduction de ces politiques est-elle pertinente dans un autre contexte institutionnel ? À une autre période ? etc.

 

Est-ce à dire que tout exercice de benchmarking est voué à l’échec ? Pas nécessairement. Disons qu’il existe un mauvais benchmarking, qui, au pire, est
révélateur de l’incompétence de celui qui l’exerce (roulons à gauche puisque les routes britanniques sont les plus
sûres
), et au mieux, relève de la manipulation (définissons astucieusement l’échantillon de pays, les indicateurs de performance et les mesures de politique qui nous arrangent afin de dégager
les conclusions auxquelles nous souhaitions parvenir)
[1]
.

 

Il existe aussi, potentiellement au moins, un bon benchmarking. Dans lequel le choix des indicateurs, des pays et des politiques à observer résulte d’analyses
économiques approfondies. Dans lequel les résultats obtenus sont ensuite analysés à la lumière des théories économiques, pour mieux comprendre les enchaînements à l’œuvre, mieux identifier les
complémentarités entre les politiques menées, et donc mieux évaluer la pertinence de la reproduction de certaines des mesures prises. Un benchmarking qui ne vise pas nécessairement à identifier
le modèle optimal, mais à se comparer pour mieux se comprendre.

 

Bref, un benchmarking qui ne s’oppose pas aux théories économiques, comme le suppose Nicolas Sarkozy, mais qui les complète, qui en découle et qui les nourrit en
retour.

 

 

[1] Je crains que les discours autour de la TVA
sociale relèvent plutôt d’un mauvais benchmarking (par incompétence ou par manipulation ? Peut-être un peu des deux…).