
On connaît le discours ambiant : mon bon monsieur, avec les 35 heures, les impôts, les syndicats, les lourdeurs administratives, le coût du
travail –j’en passe et des meilleurs– pas étonnant que toutes nos entreprises aillent voir ailleurs (et puis nos
cerveaux, et puis not’chanteur préféré) : en France, y’a plus d’avenir…
La lettre du CEPII de février 2007
permet d’y voir un peu plus clair s’agissant des choix de localisation des filiales des firmes françaises. Ce travail est particulièrement intéressant, car il se focalise sur les déterminants de
la décision de l’investissement en intégrant, parmi les choix possibles qui s’offrent aux firmes françaises, le territoire français.
1. sur les 21 500 créations de filiales industrielles sur la période 1987-2002, 18 000 correspondent à la création d’une
filiale en France, 3 500 sont des implantations à l’étranger,
2. la part des implantations étrangères augmente sur la période, passant de 9,5% en moyenne à la fin des années 1980 à 23% début
2000
3. les investissements hors de France se dirigent principalement en Europe (PECO de plus en plus) 4. le déterminant essentiel des investissements est l’accès au marché : on préfère produire et vendre sur
place, plutôt que d’exporter les biens. Le nombre d’implantations dans un pays donné dépend donc en première instance du potentiel de marché de ce pays
5. pour la France, le nombre d’implantation est encore supérieur, et significativement, à ce potentiel de marché. Il y a donc un
biais domestique important.
6. à partir de leur modèle explicatif des choix d’implantation, les auteurs montrent plus précisément que, pour une firme
française, la probabilité d’investir en France est dix fois supérieure à la probabilité d’investir dans un pays comparable en termes de marché, de coût de production, de
distance, …
7. ce biais domestique s’expliquerait en grande partie par la densité des relations financières et commerciales dont dispose une
firme dans son propre pays.
8. on peut penser que ce biais a tendance à se réduire, car les premiers engagements à l’étranger permettent aux firmes de
développer de tels réseaux financiers et commerciaux
mesures visant à réduire les coûts de production ou la charge fiscale ne sont pas à négliger, l’attractivité du territoire français dépend essentiellement des perspectives de long terme de la
demande française et européenne ».
Il y a des résultats complémentaires dans ce document de
travail du Cepii (en), dont le résumé en français est ici. Dans ce dernier document, les auteurs
expliquent notamment que « le choix d’investir à l’étranger plutôt qu’en France implique pour la firme d’avoir atteint un niveau de productivité et une taille suffisante (…) la
réduction relative de la propension des firmes à investir en France au cours de la période considérée pourrait [donc] refléter un accroissement de la productivité moyenne permettant à un nombre
accru d’entreprises d’investir sur les marchés étrangers » (souligné par moi).
C’est typiquement le genre de résultat contre-intuitif qui vous fait aimer l’analyse économique : si les firmes françaises vont de plus en plus à l’étranger, c’est parce qu’elles seraient de plus
en plus productives en France, et non pas parce qu’en France, tout va mal et patati et patata…