Du manoir des dirigeants aux performances de l’entreprise…



J’apprends dans Libé que le patron de Ford a touché un véritable pactole en 2006. Toute la question est de savoir ce qu’il va en faire, notamment : va-t-il s’acheter un manoir avec cet argent? Si oui, on peut craindre le pire pour cette entreprise, qui ne va déjà pas bien fort…


Explications, avec une étude plutôt intéressante publiée sur le Social Science Research Network. Cette étude se focalise sur le lien entre les achats immobiliers des principaux dirigeants américains (ceux des entreprises de l’indice Standard & Poor’s 500) et les performances des entreprises auxquelles ils appartiennent :

 1. quand un dirigeant achète un bien immobilier en vendant pour cela des actions de son entreprise, les performances de son entreprise se dégradent,
 2. indépendamment des sources de financement, les performances de l’entreprise se dégradent quand les dirigeants achètent des biens immobiliers très coûteux ou de somptueux manoirs.

L’étude montre plus précisément que les entreprises dont les dirigeants ont des propriétés aux caractéristiques "supérieures" à la moyenne de l’échantillon (6 145 square feet, 12 pièces, 5,37 acres de terrain et une valeur de marché supérieure à 3,1 million de dollars [je vous laisse faire les conversions…]) obtiennent des performances inférieures de 3,35% aux entreprises dont les dirigeants ont des propriétés aux caractéristiques "inférieures" à la moyenne. La décote est de 6,9% pour les dirigeants vivant dans les plus grandes résidences (10 000 square feet et plus de 10 acres).

Pourquoi de telles relations négatives ? Plusieurs hypothèses sont avancées par les auteurs : si les dirigeants font de telles acquisitions, c’est qu’ils se croient inamovibles et à l’abri des décisions des actionnaires, inutile pour eux, donc, de faire des efforts. On peut aussi penser que l’attention des dirigeants est détournée vers leurs nouvelles acquisitions, au détriment de l’attention qu’ils accordent à leur entreprise. Ceci peut décourager les autres membres de l’organisation, et donc réduire encore l’efficacité de l’entité…

Les auteurs signalent que d’autres études concluent à une relation négative entre l’utilisation à des fins personnelles des jets privés de l’entreprise et les performances de l’entreprise. Idem quand les dirigeants obtiennent des récompenses publiques (genre « prix du meilleur dirigeant » octroyé par la presse économique spécialisée) : les performances de l’entreprise en souffrent. On ne doit pas être loin de quelque chose du genre "trop d’incitation tue l’incitation"…