"N’est-ce pas trop dur de se faire insulter de la sorte?"

Dans mon dernier billet relatif à l’interview de Libé, j’ai fait référence aux commentaires de certains lecteurs que je trouve assez désolants… Olivier Simard me demande en commentaire s’il n’est « pas trop dur de se faire insulter de la sorte ? ». Randochev se désespère également du discours anti-universitaire… 

En fait non, les insultes ne me perturbent pas. D’abord, sur mon blog, c’est plutôt rare. Il y en a plus souvent sur le site de Libé, mais tant qu’il s’agit de critiques externes, genre « ce que vous dites est forcément stupide puisque vous êtes un universitaire », je ne vois pas en quoi cela peut être troublant. Ça me fait plutôt sourire et en général je ne commente pas.

Bon,  une autre stratégie serait possible : Bruno Amable n’hésite pas à ruer dans les brancards des commentateurs stupides, ce qui est plutôt amusant. Peut-être vais-je l’imiter à l’avenir, histoire de me défouler, mais bon, c’est prendre beaucoup de temps pour pas grand chose, me semble-t-il…

Je pense même que ces critiques sont assez instructives : elles révèlent d’abord à quel point il est difficile d’aller contre certaines idées reçues,  et ce d’autant plus quand les politiques s’en font le relais.  Ce qui explique le ton féroce que j’emploie parfois contre ces politiques, car j’estime que leur responsabilité est grande : ils instrumentalisent les peurs des citoyens pour se faire élire, plutôt que de faire de la pédagogie des enjeux. On peut bien sûr se dire qu’une fois au pouvoir, ils mettront en oeuvre des politiques mieux adaptées, mais j’estime que le mal est fait. Qu’ils ne déplorent pas, ensuite, les peurs de la population et les votes extrémistes.

Ces commentaires révèlent ensuite l’incapacité de certaines personnes à produire des critiques internes à un discours : il est tellement plus simple, quand on n’est pas d’accord avec quelqu’un, de discréditer son discours en l’accusant d’être universitaire, ou bien gauchiste, ou bien libéral, etc… que d’essayer de repérer d’éventuelles failles dans son raisonnement… Quand il s’agit de citoyens "lambdas", passe encore. Quand il s’agit de personnes ayant un pouvoir non négligeable, c’est plus embêtant.

Dans cette perspective, je ne peux m’empêcher de vous faire part d’un échange sur le blog de François Fillon : ce dernier a posté un billet suite au ralliement d’Olivier Blanchard à la candidature de Nicolas Sarkozy. Comme je venais de lire la réaction d’Amable et l’analyse d’Econoclaste suite à ce ralliement, je me suis permis de lui en faire part en commentaire (commentaire n°1) :

Certains économistes, comme certains acteurs, chanteurs, écrivains, sportifs, etc…, prennent position pour tel ou tel autre candidat : Blanchard pour Sarkozy, Piketty pour Royal, par exemple…

Chacun est libre de faire ce que bon lui semble, mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose, surtout quand on reprend le propos des uns ou des autres en soulignant leur pedigree. Voir ce billet de Bruno Amable, que je trouve plutôt convaincant . Sur le fond de l’argument de Blanchard, voir aussi ce billet d’Econoclaste. Je ne crois pas que ce soit le rôle des économistes de dire pour qui ils votent, où alors, ils doivent le faire en tant que citoyen, pas du haut de leur chaire. Je reprend la conclusion d’Econoclaste :

 "les économistes sont plus utiles lorsqu’ils cherchent à comprendre et à faire comprendre le fonctionnement de l’économie que lorsqu’ils montent en chaire pour prendre des positions partisanes. Cela contribue à l’idée hélas largement répandue que l’économie n’est que l’énonciation péremptoire sous un verbiage incompréhensible de ses préjugés politiques."

 Bon, ça se voulait assez nuancé (j’ai pris soin d’évoquer à la fois le ralliement de Piketty à Royal et celui de Blanchard à Sarkozy) et, j’avoue que je me posais honnêtement la question de la prise de position des économistes, étant moi-même économiste.

Voici la réponse de François Fillon, potentiellement futur premier ministre de la France :

Je me doutais que monsieur Bouba-Olga serait le premier à réagir, lui qui démolit jour après jour le programme économique de Nicolas Sarkozy sur son blog!
Voilà une magnifique illustration de l’intolérance pour ne pas dire du totalitarisme de la gauche: massacrer le prgramme économique de l’UMP c’est porter un jugement objectif, mais en dire du bien, c’est "monter en chaire pour prendre des positions partisannes".
A vous de juger!

 

 Bon, franchement, ça a plutôt flatté mon ego que François Fillon m’interpelle si vite et si directement sur son blog : se faire traiter, dans une même phrase, par une telle personne, à la fois d’intolérant, de totalitariste, de massacreur du programme de l’UMP et de partisan, ce n’est quand même pas donné à tout le monde!

Je lui ai répondu ceci :

@ François Fillon : Mazette, vous n’y allez pas avec le dos de la cuillère dans votre réponse!  Bon, pour information, les gens de droite me traitent généralement d’affreux gauchiste, et les gens de gauche d’horrible libéral… Vous m’accusez de massacrer le programme économique de l’UMP, d’autres m’accusent de massacrer celui du PS (d’autres encore me trouvent très méchant avec Jean Arthuis, conseiller éco de Bayrou)… Difficile, parfois, la vie d’économiste…

Mais, encore une fois, ça ne m’a pas perturbé d’être ainsi "insulté". Ce qui est plus perturbant, c’est la capacité de réflexion de certains politiques qui ont occupé, ou occuperont, un jour ou l’autre, des responsabilités importantes (Aïe! Je vais me faire traiter de sale gauchiste…)