Samas, encore…


Toujours sur la cas de l’entreprise Samas (évoqué ici), j’ai été contacté par Anna Trenning-Himmelsbach, journaliste, qui a rédigé un papier pour Realtid.se, journal en ligne suédois. Elle reprend certains de mes propos :

– De räknar på lönekostnader och eventuellt på produktivitet. Men de glömmer transporter, koordineringsproblem, utbildning av anställda i det nya landet, försäkringar och i vissa fall kundkontakter.
Olivier Bouba-Olga hävdar att utlokaliseringarna ofta överdrivs, som orsak till den höga arbetslösheten i Frankrike. (…)

Oui, je sais, certains diront que je suis plus clair en suédois qu’en français…

Pourquoi, mais pourquoi donc n’avons-nous pas de meilleurs journalistes?



Alain Perez est journaliste aux Echos. Il vient de rédiger une série d’articles formidables autour de la recherche mondiale et de la place de la France dans le domaine. En voici les grandes lignes.

Premier article, lundi 8 janvier 2007 : « la science tourne a l’heure américaine ».

S’appuyant sur le Science Citation Index, que l’on appelle aussi l’indice d’impact, et qui mesure le nombre de citations associées à un article, il affirme que « la France affiche de piètres résultats ». Certes, en nombre de citations, elle est à la 5ème place mondiale (il y a beaucoup de chercheurs français). Mais rapporté au nombre de publications, l’indice tombe à 9,91, contre 14,05 pour la Suisse (je ne sais pas si Johnny publie souvent. Si oui, on peut craindre que la France perde encore des places…), 13,36 pour les Etats-Unis, 11,76 pour l’Angleterre et 10,36 pour l’Allemagne.

 Pourquoi de tels résultats ? « pour de nombreux experts (on n’a pas de nom dans son article, ni de référence plus précise…) le système français basé sur l’évaluation endogamique des travaux et la distribution récurrente de crédits publics non incitatifs est responsable de cet assoupissement ». La messe est dite. Pas beaucoup plus d’explications pour lundi.

Mardi, les choses se précisent. L’article est titré « France : la créativité scientifique en panne ». L’article commence par ces propos « un bilan tellement faible qu’on a du mal à le croire ». De qui ce commentaire ? Alain Perez nous dit que « ce commentaire a été arraché sous couvert d’anonymat »… Reprise des chiffres de la veille : avec un ratio de 9,91, la France navigue au-delà de la 20ème place mondiale, loin derrière, la Suisse, les Etats-Unis, etc…

Alain Perez concède qu’il existe de grandes disparités selon les disciplines : les mathématiques, les sciences de la terre et la physique tiennent leur rang, mais il insiste plutôt sur d’autres disciplines qui « plongent dans les profondeurs ». Il tire ensuite à boulet rouge sur l’Inria (Institut National de la Recherche en Informatique et en Automatique), dont les budgets n’ont cessé de progresser, mais qui a l’indice d’impact le plus faible des vingt premiers centres mondiaux de la discipline.

 Il en remet ensuite une couche sur les raisons de ce déclin, en commençant par évacuer sans autre forme de procès d’éventuels opposants : « Selon les tenants de la pensée unique, la recherche publique ne souffre que de deux maux : un manque chronique d’effectifs et des crédits insuffisants ». Toujours pas de nom ni de source. Ce sont ensuite les syndicats qui sont accusés de refuser tout changement. S’ensuivent quelques chiffres montrant que d’autres pays dépensent moins (en pourcentage du Pib) et sont mieux classés, ainsi qu’une reprise des propos de Jean-François Dehecq, président de l’Association nationale de la recherche technique (ANRT), qui considère qu’il y a « trop de monde dans la recherche publique au regard des moyens que l’Etat peut y consacrer ».

 Le pompon, c’est pour mercredi… Alain Perez commence par citer les propos de Sarkozy, qui plaide certes pour un accroissement de l’effort de recherche, mais à condition que cela s’accompagne d’une logique de financement sur projets, et que les chercheurs à fort potentiel puissent voir leurs revenus évoluer plus vite. Bref, un peu de rémunération au mérite. Toujours sans citer personne, Alain Perez nous dit qu’avec de telles déclarations, Nicolas Sarkozy va « ruiner son image dans la communauté scientifique hexagonale », puis qu’il « aggrave son cas en démolissant un autre tabou [la rémunération au mérite] », enfin, en affirmant que « c’est sûr, aucun des syndicats de chercheurs ne votera Sarkozy à la présidentielle ». Il affirme ensuite que la communauté scientifique vit dans la hantise de l’inégalité et de la précarité, que tout ce qui s’éloigne du « système de reconduction automatique et bienveillante de la manne publique » est perçu comme une dérive ultralibérale et une régression sociale, et que, pour les chercheurs français, « seul le doux oreiller de l’argent public serait compatible avec la recherche scientifique ».

Et là, apothéose, Alain Perez nous dit : « En fait, seule une minorité de chercheurs tient ce langage radical, qui semble sorti d’un autre âge » !!! Il passe un tiers de l’article à dénoncer les prétendus discours des chercheurs, sans que jamais, j’insiste, il ne produise un seul élément permettant de corroborer ses propos, pour finir par dire que, finalement, une minorité de chercheur tient ce langage radical, langage que, jusqu’à preuve du contraire, il est le seul à avoir tenu!

Mais , ouf !, c’est pour mieux se rattraper ensuite : « mais le discours de ces « ultras » très remuants pèse sur les direction des établissements » et, en gros, empêche toute réforme… Toujours pas de nom, toujours pas de source, de toute façon, si c’est écrit, c’est que c’est vrai…


Bon, je résume les trois premiers épisodes : sur la base du Science Citation Index, la recherche française est médiocre et déclinante. Cela s’explique par le fait que la recherche est noyautée par une minorité agissante qui contrôle les syndicats et empêche toute réforme.


jeudi 11 janvier. Dernier épisode de la série. Et là, ce n’est plus la recherche publique, mais la recherche des entreprises privées qui est analysée. Même démarche : on commence par présenter des résultats statistiques en s’appuyant sur un ou deux indicateurs permettant de mesurer l’effort de recherche des entreprises privées. On apprend que « dans tous les pays concurrents de la France la part des financements privés (…) est largement supérieure ». Mais cette fois, Alain Perez ne parle pas de "piètres résultats", il ne dit pas "qu’on a du mal à y croire", non : il parle de « résultats honorables » ! Pourquoi ? Parce qu’il a une bonne explication derrière :

Cette densité technologique, variable selon les secteurs, explique en grande partie les écarts. Dans la pharmacie, près de 23 % des effectifs sont affectés à des travaux de R&D. Dans le BTP ou les biens de consommation, ce ratio est inférieur à 2 %. " La dépense privée de R&D d’une économie donnée, qu’elle soit exprimée en volume ou en part de la valeur ajoutée, est fortement conditionnée par sa structure sectorielle ", souligne le rapport Futuris. En France, la production agricole et les industries agroalimentaires qui sont d’importants bassins d’emploi et de gros générateurs de chiffre d’affaires sont de petits acteurs en matière de dépenses de recherche et d’emplois scientifiques.
De même, le rapport entre la recherche fondamentale, la recherche appliquée et les travaux de développement varient considérablement selon les branches. Alors que la chimie et la pharmacie sont preneurs de percées conceptuelles fondamentales pour ouvrir de nouvelles pistes, l’automobile " se contente " le plus souvent de travaux de développement technologique. Pour toutes ces raisons structurelles et historiques, la recherche industrielle française est donc moins bien placée que ses concurrents directs.

 Très bien. Ce ne sont donc pas de méchants patrons voyous, de vilains actionnaires, ni de puissantes minorités contrôlant les syndicats patronaux qui sont désignés comme responsables de la situation. Ca ne serait pourtant pas très difficile de développer une argumentation de cet acabit, je vous le garanti. Avec, idem, des citations sans nom d’auteur et sans indication de source, bien sûr. Et quelques éléments à charge, genre : « le poids croissant des actionnaires favorise le court-termisme, et n’incite pas à investir dans l’innovation », m’a déclaré un patron influant sous couvert d’anonymat. Vous voyez le genre. Bref, non, ce n’est pas ça, le problème résulte d’effets de structure de spécialisation. Et je suis plutôt d’accord avec cette analyse.

Sauf que, là où il y a comme qui dirait un problème, c’est qu’Alain Perez ne s’est qu’à peine interrogé sur l’existence de tels effets de structures côté recherche publique… Or, si on regarde un peu dans cette direction, on s’aperçoit qu’il y a beaucoup à en dire. En s’appuyant sur les propos de Laurence Ertele, de l’OST, par exemple (ce qui a du sens, puisque c’est un travail de l’OST qui est la source principale des articles du journaliste) :

Cet indice d’impact est de fait très sensible à l’effet disciplinaire : ainsi les publications dans le domaine des sciences du vivant sont bien plus citées que celles en physique ou en mathématiques. Il convient donc d’être très attentif aux spécialisations d’un pays pour l’interpréter : une moindre spécialisation en biologie fondamentale va mécaniquement diminuer l’indice global (ce qui correspond à la situation française).
Il convient également, là encore, d’examiner, discipline par discipline, les évolutions : en biologie appliquée, l’indice d’impact est devenu très élevé, ceux de la recherche médicale et de la biologie fondamentale sont faibles en France bien que sensiblement égaux à la moyenne européenne. S’il y a un regard à porter en première intention, il serait donc sur les sciences du vivant en France ; leur part baisse légèrement et leur indice d’impact ne progresse guère pour un secteur qui est très visible et porteur. Si on ne peut parler de déclin (les évolutions ne sont pas statistiquement significatives), on peut évoquer leur stagnation. En somme, la France demeure peu spécialisée dans un domaine d’avenir.

 Alain Perez aurait pu également regarder plus précisément les publications de l’OST, par exemple celle-ci, qui présente des résultats par institution et par domaine plutôt hétérogènes (dans le tableau, les chiffres pour le monde sont par définition égaux à 1. Un indice supérieur à 1 équivaut donc plutôt à un bon positionnement et réciproquement) :



Il aurait pu également s’interroger sur la pertinence de l’indicateur (l’Allemagne a un indice d’impact plus faible que le Royaume-Uni, mais elle dépose plus de trois fois plus de brevets), sur des effets linguistiques (il y a pas mal de revues françaises, non incluses dans l’ISI, d’où un biais. Idem pour l’Allemagne, d’ailleurs), sur le pourquoi de la hausse du poids de la France dans les publications mondiales entre 1993 et 1999 avant la baisse entre 1999 et 2004 (le problème semble localisé à la fois dans l’espace des disciplines et dans le temps), etc…

 Pour conclure, que l’on me comprenne bien. je ne dis pas que tout va bien dans la recherche publique et qu’il n’y a pas matière à évolutions. Mais ce n’est certainement pas en délivrant un diagnostic partiel, biaisé idéologiquement et non argumenté, de l’état de la recherche publique et de ses dysfonctionnements que l’on fera avancer les choses. Je me demande dans quelle école de journalisme a été formé Alain Perez… Vu son niveau, sans doute dans une école publique…

PS : le lecteur averti aura remarqué que j’ai "piqué" le titre d’une rubrique récurrente du blog de Brad DeLong (Why oh why can’t we have a better press corps?).

Rocard : je n’y connais rien, mais je sais que c’est nul…

Après Attali qui attaque les économistes, Darcos qui s’en prend à la filière ES, voilà Michel Rocard qui tient des propos pour le moins curieux sur l’enseignement de
l’économie…

Ce dernier participe à la commission Pochard, chargé de  réfléchir au métier
d’enseignant et à son évolution.  Cette commission  auditionne tout un ensemble de personnes, parmis lesquelles on compte  Bernard Thomas, délégué interministériel à
l’orientation.  Son audition est visible ici, avec un morceau d’anthologie
entre la 55′ et la 65′ minute
sur l’enseignement de l’économie.

Michel Rocard souligne notamment “les dégâts abominables qui résultent pour la société française de la quasi-absence et surtout de la dérive de
l’enseignement de l’économie
ou du moins du peu qui en est fait. Puisque apparemment cet enseignement est assez largement fait pour dégoûter les élèves de la libre entreprise, du
marché, de l’entreprise elle-même
et de pas mal d’horreurs. Tout ça qui est assez stupide et qui est un des constituants du blocage (…) du dialogue social dans notre pays.” 

Affirmations définitives d’autant plus surprenantes que juste après, il indique “Mais ma vérité à moi c’est que je n’y connais rien. Combien
d’heures y’a-t-il ? Dans quels types de classe par an ? Comment sont formés ces profs ?”.

Sur l’idée que l’enseignement de SES est un des constituants du blocage du dialogue social dans le pays, voir ce billet qui montrait que peu d’élèves, au final, passent entre les mains des profs de SES (71,4% y échappent). Sur l’idée
que les élèves sont dégoutés de l’entreprise, voir cet autre billet.

Via l’APSES, vous pouvez entendre l’extrait, le voir ou le lire. A lire également
le communiqué qu’ils viennent de publier.

Et pourtant, elle tourne…

J’explique parfois aux étudiants que le développement des connaissances est cumulatif : on n’a pas besoin de redécouvrir à chaque génération l’ensemble des connaissances déjà développées, on s’appuie plutôt sur elles pour en découvrir de nouvelles. Comme le dit la formule, nous sommes des nains juchés sur les épaules de géants (voir ici et ). Je leur dit aussi, ensuite, qu’ils ont parfois du mal à faire du cumulatif, lorsqu’ils peinent à se souvenir de ce que je leur ai enseigné l’année d’avant…
Qu’ils se rassurent, il y a pire (trouvé ici)…

 

 

 

Qui a dit (#5) ? fin du jeu



Et oui, l’auteur de ces propos est
Alain Minc.
Bravo à Nico (qui n’a pas triché j’espère?!), premier à avoir donné la bonne réponse (sans citer le nom, mais la preuve apportée était suffisante). Les propos repris sont tirés d’une interview dans les Echos datée du 8 janvier 2007, p. 16. Je les ai trouvés plutôt surprenants dans sa bouche, d’où le petit jeu proposé. Mais bon, d’un autre côté, les propos d’Alain Minc ne sont souvent que surprenants, si vous voyez ce que je veux dire… Dans la même interview, par exemple, il réussit l’exploit de nous dire qu’en 2002 il avait voté Bayrou, que si DSK s’était présenté, il aurait voté pour lui en 2007, et que finalement, il va opter pour … Nicolas Sarkozy. Et pourquoi Sarkozy plutôt que Bayrou? Parce que ce dernier est devenu trop …populiste (oui, oui, Bayrou, pas Sarkozy)!

Sigmund Chirac



Lu dans le JDD hier, cette affirmation de Denis Tillinac, écrivain corrézien proche de Chirac :

Si l’on sentait, dans l’inconscient collectif, un besoin de Chirac, il se représenterait. Pour le moment, ce besoin on ne le perçoit pas. Mais cela pourrait advenir à la faveur d’un aléa comme une crise internationale ou si Le Pen n’avait pas ses 500 signatures.

Vu que 81% de conscients français ne souhaitent pas que Chirac se représente (même source), notre président prépare une réforme pour faire voter les inconscients. En Corse, les morts votent bien, remarquez…

Amis lecteurs, je vous propose de mettre vos inconscients en veilleuse pendant deux ou trois mois.

Qui a dit (#5) ?

Qui a dit…

Une partie de nos problèmes macroéconomiques découle de [la faiblesse des syndicats] : la répartition de la valeur ajoutée dans les entreprises pourrait être plus favorable aux salariés, mais comme il n’y a plus de dialectique sociale, il ne reste plus que l’arme de la grève. Chaque grève salariale dans le privé devrait être saluée comme une bonne nouvelle. Malheureusement, il y en a très peu…
[plus loin]
Quand le prix de revient usine comporte 15% de coût du travail, qu’on ne me dise pas qu’on ne peut pas accorder 4% d’augmentation salariale au lieu de 2%! Les patrons ont été tellement formés à la désinflation compétitive que l’idée d’augmenter les salaires leur paraît aujourd’hui obscène.


… ce qui n’est pas totalement sans lien avec les billets précédents

EADS délocalise en zone dollar

 Louis Gallois a annoncé devoir délocaliser en zone dollar, compte tenu de l’évolution du taux de change euro/dollar. Les Echos du 4 décembre titrent
précisément : “L’Euro fort oblige Airbus à produire hors d’Europe”. Quelques remarques à ce sujet.

Première remarque : EADS dit souffrir de la hausse de l’euro, car l’essentiel des coûts sont libellés en euros, pendant que l’essentiel des ventes est libellé
en dollar.
L’appréciation de l’euro par rapport au dollar réduit donc mécaniquement les recettes du groupe, ce qui pèse sur les profits de
l’entreprise. On oberve effectivement un décalage important entre la géographie de la production de l’Airbus (76% des achats en Europe, 21% en Amérique du Nord et 3% dans le reste du
monde) et la géographie de la demande (39% du carnet de commande en Europe, 28% en Asie, 19% en Amérique du Nord et 14% dans le reste du monde). Décalage qui résulte, soit dit en
passant, des choix passés du groupe, pas de l’évolution des devises.

Deuxième remarque : les dirigeants du groupe ont conscience depuis quelques temps déjà de ce décalage, et certains affirment que “Dassault comme Airbus imposent à leurs fournisseurs, y compris français, d’être payés
en dollars. Si bien qu’aujourd’hui, au moins 65 % des pièces d’un Airbus sont payées en dollars.” Qui croire sur le sujet? Sans plus d’information, difficile de se prononcer… On ne peut que
souhaiter un peu plus de transparence de la part du groupe, afin de savoir précisément ce qui est payé en euros et en dollars.
Un représentant de la CFDT
Airbus, qui a adressé cette demande à la direction, indique que jusqu’à présent elle “nous l’a toujours refusé”.

Troisième remarque : ce problème de parité euro/dollar touche certains secteurs d’activité, mais pas tous les secteurs : l’essentiel des échanges extérieurs de
la France se fait avec des pays européens, ce problème de change ne se pose pas. Une autre partie se fait aussi avec des pays tiers, où le dollar n’intervient pas.  Wyplosz explique ainsi que “en moyenne vis-à-vis d’un large de panier de devises, l’euro ne
s’est apprécié que de 28% depuis son point bas en octobre 2000, et de moins de 10% depuis le début de l’année”. Attention donc à ne pas généraliser trop rapidement le problème à tous les secteurs
d’activité, comme l’a fait encore récemment Jean Arthuis, en
expliquant que
“c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase”, que d’autres secteurs d’activité vont suivre, et que, au final, “c’est la politique économique européenne qui est en
cause”.

Quatrième remarque : le dollar est faible actuellement, on sait qu’il remontera, le problème est que l’on ne sait pas quand. Autrement dit, la seule certitude qu’on
puisse avoir, c’est qu’il y a de l’incertitude. Délocaliser en zone dollar, autrement dit s’engager dans des investissements de long terme (on ne va pas s’amuser à déplacer les établissements
tous les 6 mois), en accusant le niveau actuel du taux de change dont l’évolution à moyen terme est non anticipable est donc plutôt étrange (voir les propos de Pascal Lamy sur ce point, ainsi que ceux de Gilles Le Blanc).

Cinquième remarque : EADS a connu ces derniers temps des problèmes importants, de différentes natures, qui sont analysés de manière détaillée dans ce document de travail
de 
Damien Talbot (2007) : i) des problèmes de gouvernance, d’abord : présidence bicéphale, reporting croisé (le dirigeant français d’une filiale dépend d’un dirigeant allemand de la maison mère et
réciproquement), succession de dirigeants à la tête du groupe, soupçon de délits d’initié, … ii) des problèmes de division spatiale du travail, ensuite, pilotée initialement par des Etats
soucieux d’accueillir en leur sein une partie de l’activité du groupe européen, et d’assurer au travers de l’implantation précise des sites leur politique d’aménagement du territoire. D’où des
complications et des coûts logistiques importants, et un éparpillement peu rationnel de certaines fonctions (l’assemblage notamment). iii) des problèmes de coordination productive enfin
: “La complexité de l’A380 l’a fait éclater, avec les problèmes de câblage qui ont été révélateur de l’incohérence du processus industriel Airbus : incompatibilité des systèmes de CFAO entre
Toulouse et les usines allemandes, refus d’utiliser le standard universel Catia (…) et absence de maquette numérique” (Air & Cosmos, 22 décembre 2006 cité par Talbot (2007, p. 11). Ces
problèmes, qui n’ont pas empêchés EADS de produire des avions de qualité et de conquérir des parts de marché conséquentes (comme le disent les ingénieurs toulousains : “Et pourtant, il
vole”!), obligent le groupe à se lancer dans un vaste plan de réorganisation de l’activité productive et de transformation des modes de gouvernance, dont l’engagement en zone dollar est une
des faces.

Conclusion : invoquer l’évolution d’un déterminant exogène (le taux de change euro/dollar) pour justifier les choix de réorganisation du groupe est abusif : la
réorganisation se justifie avant tout par les choix passés, parfois peu rationnels, du groupe lui-même. Bien sûr, l’externalisation de la faute permet de mieux faire passer la pilule auprès
des parties prenantes du groupe. Ces déclarations permettent sans doute aussi de relayer le lobbying de certains de nos politiques pour faire pression sur la politique de la
BCE.