J’avais pourtant dit : « Jamais de blog » !!!

Je suis très attentif aux usages des outils de communication en réseau. Mon métier de chercheur m’invite à cette curiosité. Je travaille essentiellement sur l’appropriation de ces technologies numériques par les différents acteurs individuels et institutionnels du champ de l’éducation.

Comme citoyen également, je suis intrigué par la place prise par les technologies numériques dans notre société et notre culture. Mon point de vue alterne alors entre un enthousiasme parfois teinté de naïveté et des craintes souvent légitimes.

Mon regard de chercheur procède bien sûr d’une autre logique. C’est la distance critique qui prévaut et le souci de comprendre les comportements observés en fonction de modèles scientifiques qu’il convient d’améliorer et de confronter aux évolutions des pratiques individuelles et sociales.

S’agissant des blogs, je suis un « néophyte connaisseur ».

Ce billet est pour moi inaugural. Je consulte régulièrement certains blogs, il m’est souvent arrivé de poster des commentaires dans des blogs (amis ou non) mais je n’ai jamais fait l’expérience d’être l’auteur d’un blog. « Mon » blog ! En revanche, j’ai contribué à différentes recherches sur les usages de cet artefact singulier, le plus souvent en accompagnant les travaux de mes étudiants.

Le temps passe si vite que l’on a oublié que l’histoire des blogs est très récente. Qui se souvient que les premiers blogs, à la fin des années 90 ne s’appelaient pas des blogs mais des « web logs », soit des journaux de bord sur le web ? Je me souviens de reportages télévisés de cette époque vantant la valorisation de la figure de l’auteur, la révolution des circuits éditoriaux, la prise de pouvoir de citoyen libre sur le système autoritaire. Il en va des blogs comme de l’espèce humaine : les spécialistes peinent à remonter jusqu’aux origines. Pourtant, des sites web comme The Obvious de Michael Sippey en 1995 ou Robotwisdom de Jorn Barger en 1997 sont souvent signalés comme les pionniers du genre et beaucoup s’accordent pour reconnaître que Peter Merholz est le premier a avoir utilisé le terme de blog pour qualifier son site Peterme dès 1999.

Au-delà de ces blogs de geeks, c’est l’ouverture de plateformes comme Livejournal et Bloggers en 1999 qui a suscité la multiplication des blogs. En 2002, alors que certaines radios de la bande FM françaises s’ouvrent massivement à l’audience adolescente avec des émissions dites « de libre antenne« , Skyrock propose la création de blogs gratuits, les skyblogs. Succès considérable avec près de 30 millions de blogs ouverts en quelques années seulement (en France et dans plusieurs autres pays).

Pourtant, dès 2006, une enquête du cabinet américain de prospective Gartner montre le déclin notable du nombre de blogs. C’est la chronique d’une mort annoncée.

Dans le même temps ou presque, l’étude de l’un de mes étudiants, Nicolas Bouchez, souligne combien les skyblogs des adolescents sont stéréotypés. Quelques photos, une présentation de soi très succincte et de rares textes retracent brièvement des scènes de la vie quotidienne et des états d’âme. Des commentaires souvent lapidaires accusent lecture et expriment le plus souvent l’adhésion au billet d’un ami. Finalement, l’usage du blog par ces adolescents préfigurait les plate-formes de réseaux sociaux… Et la migration des adolescents vers Facebook le confirme.

Quant aux blogs qui subsistent, tous ou presque sont réalisés en respectant des exigences de qualité importantes tant en ce qui concerne les contenus que la fréquence de publication.

Fort de cette analyse, je me disais que je n’allais sans doute pas me livrer à l’expérience du blog adolescent (j’ai mon compte Facebook pour le livrer à ce jeu là) et que je n’aurai ni le temps ni les compétences pour publier un blog bien réfléchi et bien nourri.

Finalement Charlotte (« Community manager » de l’Université de Poitiers) m’a convaincu du contraire.