Anatomie en couleur au XVIIIe siècle

Du 7 novembre au 16 décembre est exposée à la BU Médecine-Pharmacie l’Anatomie de la tête de Jacques Fabien Gautier d’Agoty (Paris, 1748). Ce livre provient de l’École de médecine de Poitiers.

Anatomie de la tête / Jacques Fabien Gautier d’Agoty.- Paris, 1748 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Service du Livre ancien, Méd. 40/01)

Les illustrations des livres d’anatomie à l’époque moderne

Pour les planches d’anatomie, l’artiste et le savant s’allient afin de redonner forme aux objets détruits par la dissection. Certaines conquêtes artistiques de la Renaissance, comme la perspective, la proportion, le relief et le modelé, furent très utiles dans cette discipline et Vésale (1515-1564) transforma le statut de l’image anatomique : il pensait que la médiation esthétique était indispensable pour que le savoir scientifique soit bien compris et retenu.

La couleur donne vie, pensait-on à l’époque moderne : il était donc tout à fait légitime que l’anatomie s’emparât de la couleur. Les artistes essayaient de représenter des corps vivants en leur donnant une pose ou un visage expressif, en ajoutant un accessoire, en plaçant délicatement un rabat de peau : cela apaisait la conscience des auteurs des dissections et permettait de réhabiliter les corps des pauvres hères et des vagabonds suppliciés. Cette recherche de la vie traduisait aussi une quête esthétique, présente dans toutes les gravures de l’époque moderne. Lire la suite

L’héraldique dans le livre ancien

Recherches historiques et genealogiques des grands d’Espagne / Jacques Guillaume Imhof.- Amsterdam : Zacharias Chatelain, 1707 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, 49460)

La couleur dans l’héraldique

Depuis leur apparition au milieu du XIIe siècle, les armoiries sont toujours en couleur. Les plus connues, celles des grandes familles par exemple, pouvaient être restituées de mémoire en couleur à partir d’une image en noir et blanc ; mais ce n’était pas le cas pour la plupart des armes : sans indication sur la couleur, il y avait des risques d’erreurs de lecture.

Dans les livres d’histoire ou de généalogie se trouvaient beaucoup d’armoiries. Or le livre ancien était presque toujours en noir et blanc parce que la couleur, ne pouvant être produite en série dans le livre de manière simple, devait être ajoutée à la main, parfois à l’aide d’un pochoir, ce qui était fastidieux.

Histoire dogmatique de la religion sous la loy naturelle.- Paris : Florentin Delaulne ; Nancy : Dominique Gaydon, 1712-1714 (Poitiers, Bibliothèques universitaires , Fonds ancien, m 7122)

Un code mis au point au XVIIe siècle

Pour éviter cette étape de mise en couleur longue et pouvant engendrer bien des erreurs, un code fut mis en place au XVIIsiècle, après des tâtonnements qui avaient conduit à utiliser des lettres, des signes typographiques ou des figures. Ce système nécessitait de pouvoir produire des traits fins et précis, ce qui devint possible avec la diffusion de la gravure sur cuivre au XVIIsiècle.

Iter extaticum coeleste / Athanasius Kircher.- Würzburg, Nürnberg : Johann Andreas Endter & les héritiers de Wolfgang Endter, 1671 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, 71963)

Les hachures, guillochures et points apparurent d’abord pour des armoiries figurées sur des cartes géographiques, mais la codification employée était alors toujours propre à une ville ou à un atelier. Vers 1630, le père jésuite Silvestro da Petra Santa, probablement le compilateur et non l’inventeur de ce code, présenta un système de hachures héraldiques qui finit par l’emporter. A chaque couleur correspondait un sens : horizontal pour l’azur (bleu), vertical pour le gueules (rouge), vertical et horizontal pour le sable (noir),  descendant de gauche à droite pour le sinople (vert) et de droite à gauche pour le pourpre (violet). De plus, les pointillés remplaçaient l’or et on figurait l’argent par une surface vide.

Diffusion

Très simple et efficace, ce système fut peu à peu diffusé et utilisé dans toute l’Europe, en France d’abord puis ailleurs, en particulier grâce à des ouvrages comme celui du père Claude-François Ménestrier (BM de Lyon) à la fin du XVIIe siècle. Il pouvait servir dans le livre (gravure) et sur le livre (reliure) ; il fut également utilisé pour la pierre et le métal, qui pouvaient pourtant être aisément colorés.

Dell’imprese pastorali / Carlo Labia.- Venezia : Nicolò Pezzana, 1685 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, FAM 1410)

Les lundi 23 mai à 18h et vendredi 27 mai à 12h, lors d’une Heure du Livre ancien au Service du Livre ancien, Laurent Hablot présentera l’héraldique à l’époque moderne.

Entrée libre sur inscription préalable.

Pour aller plus loin

Claude-François Ménestrier : les jésuites et le monde des images [Colloque international d’octobre 2005 à Grenoble] / sous la direction de Gérard Sabatier.- Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, DL 2009.- 1 vol. (335 p.-[32] p. de pl.) : ill. en noir et en coul., couv. ill. en coul. ; 24 cm + 1 CD audio.- (La Pierre et l’écrit, 1248-9166)

Jeux de cartes et jeux de l’oie héraldiques aux XVIIe et XVIIIe siècles : une pédagogie ludique en France sous l’Ancien Régime / Philippe Palasi ; préf. de Michel Pastoureau.- Paris : Picard, 2000.- 300 p. : ill. en noir et en coul., jaquette ill. en coul. ; 28 x 23 cm

Noir : histoire d’une couleur / Michel Pastoureau.- Paris : Seuil, 2008.- 1 vol. (210 p.) : ill. en noir et en coul. ; 25 cm

Quelle est la place de la couleur dans le livre ancien ?

À l’époque médiévale, les illustrations des manuscrits sont presque toujours colorées, le plus souvent enluminées. La couleur aide à structurer le texte et rares sont les livres entièrement bi-chromes, brun (la couleur de l’encre) et jaune (la couleur du parchemin).

Les bouleversements introduits par l’imprimerie

Poitiers, Bibliothèques universitares, Fonds ancien, XVI 751

Orlando furioso / L’Arioste.- Lyon, 1556

L’apparition de la xylographie en Occident au XIVe siècle et sa diffusion ont pour conséquence la multiplication des œuvres en noir et blanc. C’est l’invention de l’imprimerie qui entraîne vraiment un basculement dans un monde de l’écrit noir et blanc. Jusque dans les années 1520-1530, on continue à colorer les images gravées pour qu’elles ressemblent à des enluminures, mais la production des images est bientôt trop importante pour que les ateliers puissent toutes les mettre en couleur. De plus en plus d’images sont créées par des graveurs qui ne cherchent pas à imiter l’enluminure et ne souhaitent pas qu’elles soient colorées.

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