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Présentation du projet

Le film qui va intéresser notre étude dans le cadre de ce blog est La Nouvelle Babylone de Léonid Trauberg et Grigori Kozintsev, sorti en 1929 en URSS.

La Nouvelle Babylone est un film muet soviétique de 1929, réalisé par Grigori Kozintsev et Leonid Trauberg, et dont la bande son fut écrite par le compositeur Dimitri Chostakovitch.

Ce film traite le thème de la commune de Paris de 1871, du point de vue des employés d’un grand magasin appelé « Nouvelle Babylone ». Lorsque la vendeuse Louise apprend que l’armée française a été battue, et que les Prussiens marchent sur Paris, elle décide de se rendre à Montmartre aux côtés des femmes du peuple, afin de persuader les militaires de se battre contre l’ennemi. De son côté, le soldat Jean, bien-aimé de Louise, ne réalise pas très bien ce qu’il se passe, et suit les chefs militaires de Versailles. Le peuple se rebelle et entreprend d’organiser un gouvernement de la Commune de Paris. La révolte est réprimée dans le sang, et les insurgés sont jugés. Louise est condamnée à mort.

Les deux réalisateurs font partie d’un groupe de réalisateurs, la FEKS (Fabrique de l’acteur excentrique), qui peut être présenté comme un collectif artistique soviétique d’avant-garde dont le but était d’anéantir l’art bourgeois par le biais d’arts folkloriques et originaux.

Le sujet traité, la Commune de Paris, par les deux réalisateurs russes soulève des interrogations et des questionnements. L’héritage de cet épisode historique complexe en fait un sujet difficile à étudier tant les récupérations politiques par la propagande socialiste et anarchiste ont été nombreuses. La Commune de Paris est un épisode éminemment politique et s’inscrit dans ce que les historiens ont pu appeler la « Légende noire de la République ».

Pour réaliser leur film, les deux auteurs russes se sont rendus à Paris afin de prendre des plans et s’imprégner de l’atmosphère parisienne de l’époque. Le résultat final est impressionnant, plus qu’une oeuvre uniquement à caractère politique, la Nouvelle Babylone livre une partition complexe de la vie parisienne de l’époque, on assiste à un véritable opéra, une chorégraphie entrainant à la fois la haute bourgeoisie de l’époque et le petit peuple parisien dans une oeuvre aux allures grotesques et comiques.

L’utilisation de références littéraires comme Emile Zola, d’images impressionnistes, de clairs-obscurs, de lumière diffuse, de techniques filmiques particulières et finalement d’une bande-son originale composée par Dimitri Chostakovitch laissent une impression diffuse et étrange au spectateur.

Pour notre étude, nous allons essayer de déconstruire la trame narrative et artistique des deux réalisateurs. En d’autres termes, de mettre en avant les procédés musicaux, picturaux et d’analyser le traitement du fait historique afin de découdre le symbolisme et les images mises en scène.

Ces images sont caractérisées par une approche duale et manichéenne de l’épisode historique. Les réalisateurs opposent systématiquement par des procédés artistiques le petit peuple de Paris à la bourgeoisie ou encore les Communards aux Versaillais. La farce et le grotesque sont utilisés comme des métaphores afin d’illustrer dans l’exagération et le pathos la véritable nature des événements. Ainsi, l’utilisation de la caricature, la mise en scène de la fougue patriotique parisienne, la bande-son expérimentale à rebours des normes musicales de l’époque en font une fresque originale et exceptionnelle qui a marqué le cinéma russe et européen.

Ces procédés artistiques créent des figures et diffusent une mythologie qu’il conviendra d’entrevoir du point de vue historique. On sait d’ailleurs qu’une des sources principales des réalisateurs est La Commune de Paris de Karl Marx, ce qui invite à la réflexion sur le caractère politique du film. De même, les auteurs reprennent les images d’Epinal du révolutionnaire parisien communard. Le traitement de ces images nous amènera à démystifier et à expliciter la symbolique entourant ces grandes figures de l’imagerie révolutionnaire communarde.

Finalement, notre but est de réaliser une étude des mécanismes narratifs, esthétiques et musicaux de ce film et d’en préciser le message, la lecture historique et politique.