Spécification UE-SAT-UE Communication

Nous allons maintenant présenter la solution proposée par la 3GPP pour la mise en oeuvre de la fonction de communication Direct-UE communication, c’est à dire un appel audio/vidéo entre 2 UE via un satellite.

Cet article nécessite une relecture, merci de m’informer si vous notez des erreurs ou des incohérences. J’ai exploité les spécifications TS23.501 TS23.502 et TS23.228 pour écrire cet article et plus précisément la section 5-4.14 de la spécification TS 23.501 de la R.19 (celle-ci n’existe pas dans la R.18) et l’annexe AE1 de la TS 23.228.

Pour comprendre cet article, il est nécesaire de lire l’article précédent.

Cet article se limite à la gestion de la session média sans détailler l’apport du réseau IMS. Toutefois, le P-CSCF est l’entité qui sélectionne la fonction IMS AGW au sol et si la communication par satellite est possible, le P-CSCF relâche l’IMS AGW au sol et sélectionne l’IMS AGW du satellite.

Lors d’un appel IMS, le P-CSCF négocie le codec avec le PCF. Dans le cas d’un appel provenant d’un UE via satellite, le PCF communique au P-CSCF l’identifiant du satellite qui couvre l’UE, et il reçoit de la part du P-CSCF de l’appelé, l’identifiant du satellite qui couvre l’appelé. C’est à partir de ces informations que le P-CSCF détermine s’il peut ou non activer un routage média optimisé (UE-SAT-UE). C’est également le PCF qui informe le P-CSCF en cas de changement de satellite.

Enfin, la spécification 23.501 R.19-j40 propose une procédure d’appel entre 2 UE qui appartiennent au même HPLMN et n’autorise pas l’appel entre deux terminaux sur le même PLMN dont un est en roaming. Ces évolutions seront proposées ultèrieurement mais à la date d’écriture de cet article, la spécification ne prend pas en compte les autres cas d’usage.

Communication UE-Satellite-UE dans les réseaux 5G : Architecture et Mécanismes

Introduction

La communication UE-Satellite-UE (User Equipment-Satellite-User Equipment) représente une avancée significative dans l’évolution des réseaux 5G, permettant des communications directes entre équipements utilisateurs via des satellites. Cette technologie ouvre de nouvelles perspectives pour les services de communication dans des zones géographiques difficiles d’accès ou lors de situations d’urgence.

Figure 1 : UE-SAT-UE communication

Architecture de référence

Déploiement des fonctions réseau

Pour supporter la communication UE-Satellite-UE, la fonction UPF (User Plane Function) doit être déployée directement à bord des satellites en plus du gNB (architecture regénérative). Ces satellites assurent la liaison de service vers les deux équipements utilisateurs impliqués dans la communication.

La signalisation IMS est supportée par le coeur de réseau IMS de l’opérateur sur terre, et la fonction UPF va permettre de gérer le flux RTP de l’UE1 vers l’UE2 sans passer par le coeur de réseau pour que la latence soit tolérable.

Figure 2 : Optimisation du plan média IMS pour un appel via satellite

Contraintes et limitations actuelles

Dans cette première version de la spécification, plusieurs limitations importantes sont à noter :

  • Services supportés : Seuls les services IMS voix/vidéo sont pris en charge
  • Périmètre réseau : Les communications sont limitées aux UE appartenant au même PLMN (Public Land Mobile Network)
  • Mobilité : Seuls les scénarios de non-itinérance sont considérés
  • Types de satellites : Uniquement les satellites LEO (Low Earth Orbit) et MEO (Medium Earth Orbit) sont supportés

Mécanismes de fonctionnement

Établissement de session

Pour maintenir l’adresse IP de l’UE inchangée lors des services IMS, une approche hybride est adoptée :

  1. Sélection UPF au sol : Un UPF terrestre est sélectionné comme PSA UPF (Packet Data Network Session Anchor UPF) durant la procédure d’établissement de session PDU
  2. UPF satellite : L’UPF embarqué sur le satellite ne sert que comme UL CL/BP (Uplink Classifier/Branching Point) et PSA local pour router le trafic IMS

L’adresse IP allouée à l’UE est fournie par l’UPF au sol (nommée aussi PSA (PDU Session Anchor). Ainsi l’@IP de l’UE ne change pas si on change de satellite.

Gestion des informations satellites

L’AMF (Access and Mobility Management Function) joue un rôle central en rapportant l’identifiant du satellite desservant l’UE au SMF (Session Management Function) lors des procédures d’établissement et de mise à jour de session PDU (PDU Session establishment).

Le processus implique également :

  • La souscription du PCF (Policy Control Function) aux rapports d’informations du réseau d’accès
  • La transmission de l’identifiant du satellite via les rapports d’informations du réseau d’accès
  • L’utilisation de ces informations par l’IMS pour déterminer l’activation possible de la communication UE-Satellite-UE

En effet, l’appel IMS est établi par une requête SIP INVITE. Le P-CSCF a besoin de connaitre l’identifiant du satellite qui couvre l’UE. Il fait donc sa demande au PCF, qui ne dispose pas de cette information. Le PCF va donc interroger le SMF. Le SMF récupère cette information auprès de l’AMF, qui lui, contient cette information. Le DNAI, pour le routage, est dérivé à partir de l’identifiant du satellite.

Gestion de la mobilité satellitaire

Changement de satellite desservant

Lorsque le satellite desservant un UE change (dû au mouvement de l’UE ou du satellite), plusieurs mécanismes sont mis en œuvre :

  1. Procédure de handover : Une procédure de handover basée sur Xn/N2 peut être effectuée pour changer le gNB desservant du satellite source vers le satellite cible
  2. Décision de routage : Le SMF décide si le trafic IMS doit être :
    • Routé vers le PSA au sol
    • Maintenu sur l’UL CL/L-PSA satellite

Scénarios de continuité

Routage vers le sol : Si le SMF décide de router le trafic vers le PSA au sol, une notification précoce sans ID satellite est envoyée au PCF, indiquant que le plan utilisateur 5GC doit basculer vers le sol.

Maintien sur satellite : Si le SMF décide de conserver l’UL CL/L-PSA sur le satellite, il fournit une notification précoce avec l’ID du satellite cible. L’IMS informe alors le 5GC si la communication UE-SAT-UE peut continuer ou non :

  • Continuation possible : Allocation d’UL CL/BP et L-PSA sur le satellite cible avec mise à jour des règles de transport
  • Continuation impossible : Suppression de l’UL CL/BP et L-PSA sur le satellite source

Implications et perspectives

Avantages technologiques

Cette architecture offre plusieurs avantages significatifs :

  • Réduction de latence : Traitement direct du trafic dans l’espace
  • Couverture étendue : Desserte de zones géographiques difficiles d’accès
  • Résilience : Continuité de service même en cas de défaillance des infrastructures terrestres

Défis techniques

Les principaux défis incluent :

  • Complexité de gestion : Coordination entre systèmes terrestres et spatiaux
  • Mobilité dynamique : Gestion des handovers entre satellites en mouvement
  • Ressources embarquées : Limitations de puissance et de traitement des satellites

Conclusion

La communication UE-Satellite-UE représente une évolution majeure des réseaux 5G, ouvrant la voie à des services de communication ubiquitaires. Bien que cette première implémentation soit limitée aux services IMS voix/vidéo dans des scénarios spécifiques, elle pose les fondations pour des développements futurs plus ambitieux.

L’intégration réussie de cette technologie nécessite une coordination étroite entre les composants terrestres et spatiaux du réseau, ainsi qu’une gestion intelligente de la mobilité des satellites et des utilisateurs. Cette approche hybride sol-espace annonce une nouvelle ère pour les télécommunications mobiles globales.

 

Les acronymes

  • UL CL (Uplink Classifier)
  • BP (Branching Point)
  • L-PSA (Local Packet Data Network Session Anchor),
  • DNAI (DN Access Identifier).

DNN et DNAI – Cas du MEC et du satellite

Introduction

Pour se connecter à un service (Internet, IMS, VPN entreprise), l’UE établit une session PDU. Avec l’avènement du Multi-Access Edge Computing (MEC), il devient crucial de pouvoir connecter l’utilisateur non seulement au bon réseau, mais aussi à l’instance locale de ce réseau la plus proche. Cela repose sur deux identifiants clés : le DNN et le DNAI.

DNN (Data Network Name)

Le DNN est l’identifiant qui spécifie le réseau de données auquel un équipement utilisateur (UE) souhaite se connecter. En 5G, les réseaux de données sont spécifiquement identifiés en utilisant un DNN, qui prend typiquement la forme d’un APN (Access Point Name). Cela peut être Internet, l’IMS, un VPN auquel l’UE souhaite se connecter (ex: « internet.mon-operator.com » ou « vpn-entreprise.com »).

  • Rôle : Utilisé conjointement avec le S-NSSAI (identifiant de tranche de réseau network slice), il permet à l’AMF de sélectionner le SMF approprié et au SMF de sélectionner les UPF qui donneront accès à ce réseau.

Caractéristiques du DNN :

  • Une session PDU (Protocol Data Unit) est associée à un S-NSSAI et un DNN (Data Network Name)
  • Il remplace le concept d’APN utilisé en 4G
  • Il est utilisé conjointement avec le S-NSSAI pour sélectionner les fonctions réseau appropriées
  • Le SMF utilise le DNN et le S-NSSAI pour la sélection des UPF

 

DNAI (Data Network Access Identifier)

Le DNAI est un identifiant défini par l’opérateur qui spécifie un point d’accès local à un réseau de données, typiquement pour supporter des applications MEC.

  • Rôle : Il ne remplace pas le DNN mais vient s’y superposer pour aiguiller le trafic vers une instance locale optimale. Alors que le DNN répond « vers quel réseau ?« , le DNAI répond « par quel point d’accès local ?« .

  • Format : Une chaîne de type URI ou FQDN (ex: « mec.edge8.city3.region1.5g.example.com »).

Caractéristiques du DNAI :

  • Le DNAI sert d’étiquette unique pour l’accès du plan utilisateur et identifie les réseaux de données spécifiques où résident les applications
  • Il permet au réseau 5G de diriger le trafic vers le serveur local (initialement MEC) approprié, basé sur le réseau d’accès aux données auquel l’UE se connecte
  • Le DNAI est crucial pour la sélection du SMF (Session Management Function) basée sur l’identifiant d’accès au réseau de données. Le DNAI est simplement un identifiant. Il ne représente pas le DN lui-même, mais un point d’accès à un DN.
  • Il est typiquement représenté sous forme de chaîne, similaire à un URI ou un FQDN

Différences principales :

  1. Niveau d’abstraction :
    • DNN : Identifie le réseau de données de destination
    • DNAI : Identifie le point d’accès spécifique à ce réseau
  2. Usage :
    • DNN : Utilisé pour l’établissement de session et la sélection de services
    • DNAI : Utilisé pour l’optimisation du routage et le support MEC
  3. Granularité :
    • DNN : Plus global, identifie le service ou le réseau
    • DNAI : Plus spécifique, identifie le point d’accès local optimal

Pour résumer :

  • DNAI = Identifiant d’un point d’accès réseau de données où sont les applications.
  • UPF = Fonction réseau qui route le trafic vers ce point d’accès
  • MEC = Applications déployées à ce point d’accès

Clarification importante : Le DNAI ne remplace pas le DNN, mais vient s’y superposer pour aiguiller le trafic vers un accès local optimisé dans un contexte MEC.

Procédure d’établissement de session

  1. Initiation : L’UE envoie une demande d’établissement de session PDU (message NAS) à l’AMF, incluant le DNN et le S-NSSAI.

  2. Sélection du SMF : L’AMF sélectionne un SMF responsable de la gestion de la session (ancrage, adresse IP).

  3. Influence de l’Application (MEC) : Pour du trafic Edge, le serveur MEC (vu comme un AF) communique ses exigences (latence, DNAI cible) au PCF via le NEF. Le PCF génère alors des règles PCC (Policy and Charging Control) et les envoie au SMF.

  4. Sélection de l’UPF et routage : Le SMF utilise le DNN et, si applicable, le DNAI fourni par le PCF pour sélectionner l’UPF optimal qui pourra router le trafic utilisateur vers le point d’accès réseau local (DNAI) désiré.

La configuration/provision des DNAI

L’opérateur configure ses équipements réseau via ses systèmes d’exploitation et de maintenance (O&M – Operation and Maintenance) et son système de support opérationnel (OSS – Operational Support System).

Les DNAI sont publiés via le NRF et connus des SMF, I-SMF, AMF et du PCF

Le MEC (vu comme un AF) s’enregistre auprès du NEF avec ses capacités (latence, bande passante, services disponibles) ou communique directement avec le PCF les informations suivantes :

  • Exigences de QoS / latence (par ex. contraintes de délai E2E).

  • Filtres de trafic (IP, Ethernet, Flow Descriptions) pour identifier les flux applicatifs.

  • DNAI cible (via « AF Influence on Traffic Routing ») : l’AF peut demander un routage vers un point d’accès réseau spécifique où réside l’application (MEC).

  • Priorité de service ou contraintes de bande passante.

Une fois que le PCF reçoit les informations du MEC/AF (via éventuellement le NEF), il gère la :

  1. Création des règles PCC : Le PCF génère des règles PCC basées sur les demandes AF : informations de filtre IP ou informations de filtre de paquets Ethernet pour identifier le flux de données de service pour le contrôle de politique et/ou la tarification différenciée ; exigences de bande passante média/application pour le contrôle QoS
  2. Transmission au SMF/I-SMF : Npcf et Nsmf permettent au PCF d’avoir un contrôle dynamique sur le comportement de politique et de tarification au niveau du SMF

L’I-SMF est un SMF intermédiaire inséré entre l’AMF et le SMF principal quand :

  • L’UE est en dehors de la zone de service SMF, ou le SMF actuel ne peut pas servir le DNAI cible pour le routage du trafic pour l’accès local au DN
  • Le SMF principal ne peut pas contrôler directement certains UPF locaux

L’AMF (Access and Mobility Management Function) peut fournir au SMF des informations de localisation qui permettent de déterminer le DNAI approprié :

  • Informations de la cellule radio (Cell ID)
  • Zone de routage (Routing Area)
  • Zone de localisation (Tracking Area)

Exemple pratique

  1. Insertion I-SMF : L’UE se déplace vers une zone où le SMF principal ne peut pas servir localement
  2. Annonce capacités : L’I-SMF dit au SMF : « Je peux servir les DNAI A, B, C dans cette zone »
  3. Sélection intelligente : Le SMF répond : « Pour cette session PDU, utilise le DNAI B car l’application MEC de l’UE s’y trouve »
  4. Implémentation locale : L’I-SMF configure les UPF locaux pour router le trafic vers le DNAI B

Mécanismes officiels selon 3GPP

1. Via l’I-SMF (Intermediate SMF)

L’I-SMF fournit la liste des DNAI qu’il supporte au SMF : « Voici tous les points d’accès locaux que je peux gérer dans ma zone : DNAI-A, DNAI-B, DNAI-C« .

Le SMF fait ensuite son choix : le SMF fournit le ou les DNAI d’intérêt pour cette session PDU à l’I-SMF basé sur les informations de liste DNAI reçues de l’I-SMF. « Pour cette session spécifique, parmi ta liste, utilise le DNAI-B car c’est là que se trouve l’application MEC dont l’UE a besoin« 

Cet échange se fait lors de l’établissement de session ou de la mobilité.

2. Via les règles PCC (Policy and Charging Control)

Selon les règles PCC relatives au mécanisme d’influence du trafic AF concernant les DNAI, le SMF détermine le DNAI cible qui est applicable à la localisation UE actuelle. Le PCF (Policy Control Function) peut fournir des règles PCC contenant des informations DNAI.

3. Via l’AMF pour la sélection I-SMF

L’AMF est responsable de détecter quand ajouter ou supprimer un I-SMF ou V-SMF pour une session PDU. À cette fin, l’AMF obtient du NRF des informations sur la zone de service et les DNAI supportés des SMF.

4. Sélection UPF basée sur DNAI

Les informations concernant les terminaisons de plan utilisateur correspondant aux DNAI sont considérées par le SMF pour la sélection UPF, permettant au SMF de connaître quels UPF peuvent servir quels DNAI.

Processus de notification

Si le SMF sélectionné ne peut pas servir le DNAI cible demandé par la règle PCC, le SMF émet un Nsmf_PDUSession_SMContextStatusNotify pour fournir les informations DNAI cible à l’AMF, qui sélectionne alors un I-SMF approprié.

La découverte et gestion des DNAI s’appuie donc sur l’interaction entre SMF, I-SMF, AMF et PCF via les interfaces standardisées N11, N16a et N7, avec une coordination via le NRF pour la découverte des capacités.

Application au satellite

La gestion de la mobilité et du routage dans un contexte satellite (NTN) repose sur un mapping dynamique entre la cellule radio et la zone géographique.

  • Configuration du réseau cœur (O&M) : L’opérateur configure statiquement dans l’AMF (et éventuellement le NRF) une table de correspondance qui associe des plages d’identifiants de cellules (Cell ID) à des DNAI. Ce DNAI représente le point d’accès au réseau de données localisé dans la zone géographique couverte par la cellule satellite.

  • Rôle du gNB-NTN : Le gNB-NTN, alimenté périodiquement par des informations d’éphémérides du satellite utilise ces données pour calculer la position du satellite à tout instant (prédiction continue) et construit un « Cell ID » qui représente la zone géographique couverte par la cellule à un instant t.

    • Cell Global Identity (CGI) pour l’identification unique
    • Tracking Area pour le regroupement géographique
    • Location Area dans certains contextes

Cette cartographie en temps réel permet l’adaptation continue des paramètres radio (timing advance, correction Doppler) et la gestion proactive des handovers inter-faisceaux selon la trajectoire prédictive du satellite.

  • Processus de sélection :

    1. Lors de l’établissement de la session, le gNB transmet ce Cell ID à l’AMF.

    2. L’AMF consulte sa table de configuration pour dériver le DNAI correspondant à ce Cell ID.

    3. L’AMF utilise ensuite ce DNAI comme facteur clé pour sélectionner un SMF dont la zone de service (Service Area) inclut ce DNAI. Ce SMF sera alors responsable de sélectionner l’UPF désigné par le DNAI dans le satellite.

Ainsi, le DNAI n’est pas dérivé directement d’un identifiant de satellite, mais indirectement via le Cell ID mappé fourni par le gNB-NTN, permettant au réseau cœur d’adapter le routage en fonction de la localisation géographique cible de l’UE, malgré la nature non stationnaire de l’accès satellite.

  1. Suivi temps réel :
    • L’AMF utilise ces informations pour déterminer le DNAI optimal
  2. Optimisation dynamique :
    • Pour les satellites en mouvement, l’AMF anticipe les changements de couverture
    • Sélection du DNAI du satellite le plus proche géographiquement
  3. Handover inter-satellites :
    • Quand un satellite sort de la zone de couverture optimale
    • L’AMF initie un handover vers le satellite/DNAI le plus approprié

Les références

Mécanismes DNAI de base :

  • 3GPP TS 23.501 V16.9.0 (Release 16) – clause 5.6.7 (DNAI)
  • 3GPP TS 23.502 V16.9.0 (Release 16) – clause 4.3.2 (PDU Session Establishment)

AF Influence et règles PCC :

  • 3GPP TS 23.503 V16.9.0 (Release 16) – clause 6.1.3.16 (AF influence on traffic routing)
  • 3GPP TS 29.513 V16.9.0 (Release 16) – Npcf_PolicyAuthorization API

I-SMF et mécanismes inter-SMF :

  • 3GPP TS 23.501 V16.9.0 (Release 16) – clause 5.6.9 (Intermediate SMF)
  • 3GPP TS 29.502 V16.9.0 (Release 16) – Nsmf_PDUSession API

NTN et satellites :

  • 3GPP TS 23.501 V17.6.0 (Release 17) – clause 5.6.15 (Non-Terrestrial Networks)
  • 3GPP TS 38.300 V17.2.0 (Release 17) – clause 10 (NTN architecture)

UE-SAT-UE Communication

ATTENTION : Cet article suit une recommandation et non une spécification. C’est donc seulement une étude qui a pour objectif de préparer l’écriture d’un autre article sur la communication UE-UE par satellite mais qui sera défini par la spécification R.19.

Cet article est écrit suite à la publication d’un essai de communication satellitaire 5G-NTN : Ericsson, Qualcomm et Thales Alenia Space franchissent une étape clé dans la connectivité par satellite : « Parmi les applications potentielles, cette technologie pourrait prendre en charge les appels vocaux de haute qualité et les services de streaming vidéo en temps réel. »

https://www.ericsson.com/fr/press-releases/3/2025/ericsson-qualcomm-thales-achieve-space-connectivity-milestone

L’article décrit ici s’appuie sur la recommandation TR 23.700-29.

Cette solution permet la communication directe entre équipements utilisateurs via satellites sans transit par les réseaux terrestres. Elle répond au problème concernant le support de la communication UE-satellite-UE.

I) Architecture et principes

L’architecture déploie des gNB (stations de base 5G) et des **UPF (User Plane Functions) directement sur les satellites. Les UE peuvent être desservis par le même satellite ou par des satellites différents connectés via des liens inter-satellites (ISL).

Principe fondamental : La signalisation des UE transite vers les réseaux 5GC et IMS au sol, mais le trafic utilisateur entre les deux UE est routé uniquement par les satellites.

Ces deux points sont fondamentaux et nécessite des hypothèses importantes :

 Hypothèses principales
– Les deux UE sont servis par le même PLMN (réseau domestique)
– Les deux UE utilisent la même instance SMF ou I/V-SMF
– Le système IMS détermine pendant l’établissement d’appel s’il faut utiliser la communication UE-Satellite-UE
– La passerelle média IMS (IMS AGW) reste au sol, ce qui signifie que le transcodage n’est pas supporté

Sélection intelligente des UPF

Le document décrit un mécanisme d’association de satellites organisés en groupes. Chaque groupe comprend :
– Des satellites avec gNB embarqués
– Un satellite avec UPF embarqué accessible via ISL
– Des DNAI (Data Network Access Identifier) accessibles

Le SMF sélectionne les UL CL/BP/PSA UPF locaux basés sur :
– L’ID du satellite embarquant le gNB
– Les informations d’association de satellites préconfigurées
– Le DNN fourni par l’UE

Gestion de l’itinérance satellite (Section 6.28.2.3)

La procédure I/V-SMF commun au sol traite un cas complexe d’itinérance où UE1 est dans son réseau domestique et UE2 est en itinérance home-routed dans le PLMN de UE1.

Étapes critiques de la procédure :

1. Établissement séparé des sessions PDU : Chaque UE établit sa session avec des UPF terrestres différents (UPFx pour UE1, UPFy pour UE2 en itinérance)

2. Détection de non-service : SMF1 servant UE1 détecte qu’il ne sert pas l’UE pair (UE2) lors de la demande de communication UE-SAT-UE

3. Sélection I-SMF coordonné : Un SMF dédié (I/V-SMF) supportant la communication UE-SAT-UE est sélectionné pour coordonner les deux sessions

4. Insertion UPF satellites : L’I/V-SMF insère UPF1 sur SAT1 pour UE1 et UPF2 sur SAT2 pour UE2

5. Re-sélection V-SMF : Le SMF2 servant UE2 déclenche également la sélection du même I/V-SMF

6. Chemin média optimisé : Le trafic final suit : UE1 ↔ SAT1(gNB1+UPF1) ↔ SAT2(gNB2+UPF2) ↔ UE2

Innovation technique : Cette procédure montre comment maintenir l’optimisation du trafic spatial même dans des scénarios d’itinérance complexes, en utilisant un SMF coordonnateur qui comprend les spécificités satellite.

Gestion des handovers satellite

Quand le satellite de service change, la procédure maintient la communication en :
– Sélectionnant un nouveau UPF sur le satellite cible
– Mettant à jour les chemins de signalisation
– Gérant la libération des ressources source avec un timer de garde pour éviter les pertes de paquets

ATTENTION : Cet article suit une recommandation et non une spécification. C’est donc seulement une étude et rien de spécifié.

Article dans la suite des articles précédents.

Solution Store and Forward (SSF) par Satellite avec Proxies UE et Point Terminal

Vue d’ensemble

Cette solution technique permet aux satellites de fournir des services de communication même sans liaison directe continue avec le réseau terrestre. Le principe est de stocker temporairement les données sur le satellite, puis de les retransmettre quand une connexion avec le réseau terrestre redevient disponible.

Principe de fonctionnement

Mode Store and Forward (SSF)

  • Stockage : Le satellite reçoit et stocke les données des utilisateurs
  • Retransmission : Plus tard, quand le satellite a accès au réseau terrestre, il transmet toutes les données stockées
  • Communication différée : Les messages n’arrivent pas instantanément mais avec un délai

Architecture principale

UE (Téléphone) ↔ Satellite en mode SSF ↔ Centre SSF ↔ Destinataire final

Composants clés

1. Satellite en mode SSF

Le satellite contient :

  • Fonctions RAN (comme une antenne-relais classique)
  • Cœur de réseau embarqué (CN)
  • Proxy de point terminal : stocke les données et simule les réponses

2. Centre SSF (SSFC)

Station au sol qui contient :

  • Proxy UE : simule la présence de l’utilisateur sur le réseau
  • Serveurs de stockage pour les données en attente

Processus détaillé

Phase 1 : Communication UE → Satellite

  1. Connexion initiale
    • Le satellite diffuse un indicateur SSF dans ses signaux
    • L’UE se connecte en mode SSF (comme une connexion réseau normale)
    • Authentification sécurisée avec clés spéciales
  2. Envoi de données (MO = Mobile Originated)
    • L’utilisateur envoie : SMS, données, messages vocaux, requêtes internet
    • Le satellite stocke tout dans son « proxy de point terminal »
    • Le satellite renvoie des réponses automatiques pour éviter les timeouts
  3. Perte de couverture
    • Avant de perdre le contact, le satellite déconnecte proprement l’UE
    • Toutes les données restent stockées dans le satellite

Phase 2 : Satellite → Réseau terrestre

  1. Connexion au réseau terrestre
    • Quand le satellite a accès à une liaison terrestre
    • Il transfère toutes les données UE vers le Centre SSF
  2. Simulation de présence UE
    • Le « proxy UE » du Centre SSF se connecte au réseau comme si c’était l’utilisateur réel
    • Il envoie tous les messages stockés vers leurs destinataires

Phase 3 : Réponses et retour

  1. Réception des réponses
    • Les destinataires peuvent répondre
    • Le Centre SSF stocke ces réponses (MT = Mobile Terminated)
  2. Retour vers l’UE
    • Le Centre SSF envoie les réponses vers des satellites qui passeront près de l’UE
    • Quand l’UE se reconnecte à un satellite, elle reçoit ses messages

Types de communications supportées

✅ Services compatibles

  • SMS (avec délai)
  • Messages vocaux unidirectionnels
  • Transfert de données (fichiers, images)
  • Requêtes HTTP (navigation internet basique)

❌ Limitations

  • Pas d’appels téléphoniques en temps réel
  • Pas de vidéoconférence
  • Pas de navigation internet interactive
  • Communication principalement unidirectionnelle

Aspects de sécurité

Solution IOPS (Interoperator Security)

  • Clés de sécurité spéciales (K*) dérivées de la clé principale
  • Cartes SIM adaptées ou cartes SIM duales
  • Double authentification : sur le satellite ET sur le réseau terrestre
  • Protection de la clé maître contre l’exposition

Optimisations pour la couverture discontinue

Regroupement de données

  • Packaging : Combiner plusieurs messages en un seul paquet
  • Transmission rapide pendant les courtes fenêtres de couverture
  • Dépackaging automatique à la réception

Liste de surveillance S&F

  • L’UE peut spécifier ses préférences de satellites
  • Économie d’énergie : surveiller seulement certains satellites
  • Optimisation des transmissions selon la position et les besoins

Avantages

  1. Couverture étendue : Service même sans infrastructure terrestre
  2. Fiabilité : Les messages finissent par arriver
  3. Zones isolées : Communication possible partout
  4. Efficacité énergétique : Optimisation de la consommation UE

Inconvénients

  1. Délais importants : Pas de communication temps réel
  2. Complexité : Architecture technique sophistiquée
  3. Limitations fonctionnelles : Services restreints
  4. Coût : Infrastructure satellite et centres SSF

Cas d’usage typiques

  • Zones polaires ou océaniques sans couverture
  • Situations d’urgence où les réseaux terrestres sont défaillants
  • Communications IoT dans des zones isolées
  • Messages de sécurité pour les transports maritimes/aériens

Cette solution représente un compromis intelligent entre couverture universelle et limitations techniques, permettant des communications basiques mais fiables partout sur Terre.

Split MME – NTN : La solution Store and Forward (S&F)

ATTENTION : Cet article suit une recommandation et non une spécification. C’est donc seulement une étude et rien de spécifié.

Pour rappel, le satellite et l’UE communique via le lien de Service. Le satellite est connecté au coeur de réseau via une passerelle terrestre.

Dans l’article précédent, l’architecture NTN est dite regénératice. La station de base est embarquée dans le satellite. La connexion avec la passerelle terrestre, le lien feeder transporte l’interface NG (vers l’AMF ou vers l’UPF).

Dans l’article précédent, nous avons vu comment suspendre cette interface lorsque le satellite survole une zone ou l’on sait que la connexion avec la passerelle n’est pas possible : l’AMF suspend sa connexion avec le gNB puis le reprend ultérieurement.

L’avantage de suspendre l’interfaca (au lieu de la déconnecter) permet de conserver les informations de connexion des UE au lieu de supprimer les contextes au niveau de l’AMF.

Nnous allons présenter ici une autre solution pour sauvegarder les données (Store) et les transmettre plus tard (Forward) mais en apportant des fonctionnalités du MME au niveau du satellite. C’est un point crucial à comprendre car dans la suite, le lien Feeder transporte une nouvelle interface entre le MME non terrestre (MME-NT) et le MME-T

La spécification 3GPP propose dans la TR 23.700-29 d’intégrer au niveau du satellite des fonctionnalités MME en plus du gNB.

Le MME est séparé en deux parties :

  • MME-NT : Non Terrestrial embarqué dans le satellité
  • MME-T : Le point d’ancrage au sol.

Le standard propose cette solution pour tout message transmis au MME, cela concerne la signalisation NAS, les SMS et les données IoT dans le cas de l’optimisation de contrôle EPC. Dans ce cas, les données sont sauvegardées dans le SGW et transmis au MME-T lorsque le lien MME-T <-> MME-NT est construit.

La solution proposée est de découper les fonctions du MME en deux parties, nous allons dans un premier temps rappelé ses fonctions.

I –  Le Rôle Traditionnel du MME

Pour bien comprendre la division, il faut d’abord rappeler le rôle du MME (Mobility Management Entity) dans un réseau terrestre classique (LTE/4G) :

  • Gestion de la Mobilité : Il suit la localisation de l’UE (User Equipment – votre smartphone) et gère les procédures de « handover » (transfert d’une antenne à une autre).
  • Point d’ancrage du plan de contrôle : C’est le point fixe dans le réseau cœur pour la signalisation. Même si l’UE se déplace, son point d’attache pour la gestion de la mobilité reste le MME.
  • Sécurité : Il est responsable de l’authentification de l’UE et gère le contexte de sécurité (clés de chiffrement, algorithmes).
  • Gestion des Sessions : Il établit les tunnels (bearer / canaux de données) en interagissant avec le SGW (Serving Gateway).
  • Signalisation NAS : Il traite les messages Non-Access Stratum (NAS), qui sont les messages de signalisation de haut niveau entre l’UE et le réseau cœur (ex: requêtes d’attachement, requêtes de service).

2 – L’Intégration Satellite

Les liaisons satellite introduisent des défis majeurs :

  • Latence Très Élevée : Un aller-retour entre la Terre et un satellite en orbite basse (LEO) peut prendre plusieurs dizaines de millisecondes.
  • Liaisons Intermittentes : L’UE n’est pas toujours en vue d’un satellite ; la connexion peut être coupée fréquemment.
  • Bande Passante Limitée : La capacité de liaison radio est une ressource précieuse et chère.

Faire transiter tous les messages de signalisation (NAS) jusqu’au sol pour être traités par un MME terrestre classique aggraverait considérablement la latence et rendrait le réseau inefficace.

3 –  Le découpage du MME « Split MME »

La proposition consiste à « diviser » les fonctions du MME traditionnel en deux entités pour s’adapter aux contraintes du satellite :

Figure 1 : Découpage du MME (extrait : TR 23.700-29h 06/2024)

3-1. MME-NT (MME on board satellite – « Non Terrestre »)

C’est la partie du MME qui est embarquée sur le satellite ou dans une station proche du satellite.

Fonctions détaillées

  • Maintenance de la Connexion S1 vers le RAN : Il gère la connexion S1-AP (le protocole entre la station de base – eNodeB/gNodeB – et le réseau cœur) pour le nœud d’accès radio (RAN) du satellite.
  • Proxy NAS (Encodeur/Décodeur) : Il ne déchiffre pas le message NAS
    • Vers le RAN : Il reçoit les messages NAS déjà chiffrés et préparés par le MME-T, et les encapsule simplement dans un message S1-AP pour les envoyer à l’UE via le RAN.
    • Vers le MME-T: Il reçoit les messages S1-AP du RAN, en extrait la payload NAS (chiffrée), et la transmet au MME-T pour traitement.
  • Store and Forward (Stockage et Transmission)** : C’est une fonction cruciale. Comme la liaison entre le satellite et le MME-T au sol peut être intermittente, le MME-NT peut stocker temporairement les messages en attente de les « transmettre » vers le sol dès que la liaison est rétablie. Il fait de même dans l’autre sens (du sol vers l’UE). C’est la « combinaison de deux steps not concurrent in time » (stockage puis transmission, pas simultanément).

3-2. MME-T (MME Terrestrial – « Terrestre »)

C’est la cheffe d’orchestre. L’entité MME est située au sol dans le réseau cœur traditionnel. Elle détient toute l’intelligence pour le contrôle des flux.

Fonctions détaillées :

  • Gestion Contexte UE : C’est le maître des données. Il stocke tout le contexte de l’UE (son état, ses abonnements, ses capacités).
  • Gestion de la Sécurité :
    • Contexte de Sécurité : Il génère et stocke les clés de sécurité racines.
    • Chiffrement/Déchiffrement NAS : Il est le seul à pouvoir déchiffrer les messages NAS entrants de l’UE et à chiffrer les messages NAS sortants. Le MME-NT ne fait que passer des messages opaques.
    • Protection d’Intégrité : Il vérifie que les messages NAS n’ont pas été altérés.
    • Authentification de l’UE : Il interagit avec le HSS (Home Subscriber Server, la base de données des abonnés) pour authentifier l’UE.
  • Gestion de la Mobilité « Macro »: Bien que le MME-NT gère la mobilité entre satellites, le MME-T est responsable des changements de « pool » MME ou de mobilité à plus grande échelle.

3-3) Pour comprendre par analogie :  Le Courrier Diplomatique

Imaginez un ambassadeur (l’UE) dans un pays éloigné qui communique avec son gouvernement (le réseau cœur).

Le MME-T est le ministère des Affaires étrangères au siège. Il comprend le contenu sensible, prend les décisions, et détient tous les dossiers.
Le MME-NT est l’ambassade locale. Elle fournit un point de contact stable pour l’ambassadeur. Elle reçoit les messages chiffrés du ministère, les met dans une enveloppe officielle (S1-AP) et les remet à l’ambassadeur. Inversement, elle reçoit les messages de l’ambassadeur, retire l’enveloppe externe, et envoie le message chiffré interne au ministère.

L’ambassade ne peut pas lire le message, elle ne fait que relayer le paquet scellé. Si la ligne de communication est coupée, l’ambassade stocke les messages en attendant de pouvoir les envoyer.

4- Avantages de cette Architecture

1. Réduction de la Latence quand le lien Feeder fonctionne : En ayant une ancre de mobilité (MME-NT) proche de l’UE, les procédures de handover entre satellites sont beaucoup plus rapides.
2. Resilience aux Intermittences : La fonction « Store and Forward » du MME-NT compense les périodes où le satellite n’est pas connecté à sa station sol.

La fonction S&F Store and Forward permet de conserver des messages du plan utilisateurs lorsque le circuit Feeder (Satellite/Station terrestre) est coupée. L’entité MME-NT gère la sauvegarde des données et la transmission lorsque le lien est à nouveau rétabli.

FIgure 2 : Couverture du satellite

Dans le mode Store & Forward (S&F), le MME-NT situé dans le satellite gère la fonction de stockage et retransmission.

  • T1 (10h00 – 10h20), le satellite blanc couvre Rennes et il est connecté à la station terreste

  • T2 (10h40 – 11h00)  Le satellite blanc couvre Châtellerault , l’UE et le satellite communique mais il n’y a plus de lien Feeder. Les données UL sont conservées par la fonctoin S&F

  • T3 : Le satellite blanc se synchronise avec le MME-T à Orléans et transmets les données qui ont été sauvegardées.

Optimisation de la mobilité pour l’’architecture régénérative

ATTENTION : Cet article suit une recommandation et non une spécification. C’est donc seulement une étude et rien de spécifié.

Réseaux Mobiles par Satellite : Défis et Solutions Innovantes

Avec l’arrivée des futurs réseaux 5G/6G satellitaires, nos communications ne se limiteront plus aux antennes terrestres. Mais connecter un smartphone via un satellite en orbite basse n’est pas si simple. Les satellites se déplacent à environ 27 000 km/h, ce qui bouleverse totalement l’architecture classique des réseaux mobiles.

Dans cet article, nous allons expliquer trois défis majeurs rencontrés par les réseaux mobiles par satellite, et les recommandations proposées par la 3GPP (TR 23.700-29).


1. Identifier les Zones de Couverture (TAI/CGI Report)

Sur Terre : le cas d’un gNB fixe

Dans un réseau mobile terrestre, lorsqu’un gNB (antenne 5G) s’allume, il se connecte au coeur de réseau et démarre la procédure de demande d’établissement.

  1. Le gNB s’allume et initie la procédure NG Setup.
  2. Il envoie un message NG SETUP REQUEST à l’AMF (Access and Mobility Management Function).
  3. Ce message contient :
    • L’identifiant global du gNB (Global gNB ID)
    • Les informations sur les cellules qu’il dessert (list of served cells)
    • Pour chaque cellule : la ou les TAI (Tracking Area Identity) associées
    • D’autres paramètres de configuration (comme les PLMN pris en charge)
  4. L’AMF répond par un NG SETUP RESPONSE (ou un FAILURE si quelque chose ne va pas).

Pour être plus précis :

1. Identification de chaque cellule :

  • NR Cell Identity (NCI) – identifiant unique de la cellule
  • Physical Cell ID (PCI) – identifiant physique pour la couche radio
  • TAC (Tracking Area Code) – zone de localisation

2. Caractéristiques radio :

  • Fréquences supportées (bandes de fréquences)
  • Largeur de bande (bandwidth)
  • Mode duplex (FDD/TDD)
  • Configuration des antennes

3. Capacités de la cellule :

  • Types de services supportés (eMBB, URLLC, mMTC)
  • Nombre maximum d’UE supportés
  • Débit maximum

Exemple pratique : Un gNB peut desservir :

  • Cellule 1 : Fréquence 3.5 GHz, TAC 100, PCI 1
  • Cellule 2 : Fréquence 28 GHz, TAC 100, PCI 2
  • Cellule 3 : Fréquence 700 MHz, TAC 101, PCI 3

Pourquoi c’est important :

  • L’AMF doit connaître toutes les cellules pour router correctement les UE
  • Permet la planification de la mobilité entre cellules
  • Nécessaire pour la gestion des handovers
  • Aide à l’optimisation du réseau

Dans l’espace : une couverture mouvante

Un satellite, contrairement à une antenne terrestre, change de zone toutes les quelques minutes :

  • À 10h00 : Paris, Lyon, Marseille
  • À 10h15 : Madrid, Barcelone
  • À 10h30 : Lisbonne, Porto

Dans ce cas, si on applique le même mécanisme que pour un gNB fixe, le satellite devrait :

  • Répéter une procédure de type « NG Setup Update » à chaque changement de zone
  • Envoyer en permanence une nouvelle liste de TAI correspondant aux régions qu’il survole

Avec des centaines de satellites, cela créerait un déluge de signalisation impossible à gérer pour le cœur de réseau.


La solution : le concept de Fixed Earth TAI

Pour contourner ce problème, on dissocie les TAI des satellites eux-mêmes et on les rattache directement à des zones fixes au sol.

  • Ancien fonctionnement (fixe ou mobile sans optimisation) :
    • Cellule = « Satellite-A-Cell-1 »
    • Les TAI changent au fur et à mesure que le satellite se déplace → signalisation énorme
  • Nouveau fonctionnement (Fixed Earth TAI) :
    • Cellule = « Zone-Europe-Paris-Nord »
    • Cette zone garde toujours le même TAI, quel que soit le satellite qui la couvre

La clé : la table de correspondance TAI ↔ zones au sol

Pour que cela fonctionne :

  • L’opérateur définit une table de correspondance entre les TAI et les zones géographiques fixes (Paris-Nord, Lyon-Centre, Madrid, etc.)
  • Le satellite, connaissant sa position et sa zone de couverture, sélectionne automatiquement le bon TAI dans cette table lorsqu’il survole une région

Ainsi, côté cœur de réseau, la vision reste stable et cohérente : il voit toujours les mêmes TAI fixes, même si en réalité ce sont des satellites qui se succèdent pour assurer la couverture.

Avantages :

  • Signalisation fortement réduite
  • Simplification pour l’AMF/MME qui n’a plus à gérer des mises à jour permanentes
  • Meilleure évolutivité pour supporter des constellations massives

2. Garder les Connexions Actives (TNL Connection Suspending)

Le problème

Lorsqu’un satellite sort de la zone de couverture, la connexion avec le réseau se coupe. Le protocole utilisé (SCTP) ferme automatiquement la session après 30 à 60 secondes sans signal.

Conséquences :

  • Connexion interrompue brutalement
  • Lors du retour du satellite, tout doit être réinitialisé (procédure lourde)
  • Avec une constellation entière, cela provoque une surcharge du réseau

La solution : suspendre plutôt que couper

Avant de sortir de couverture, le satellite envoie au CN : « Je pars, mais je reviendrai ».

  • La connexion est mise en pause plutôt que fermée
  • Le réseau sauvegarde le contexte : sécurité, sessions utilisateurs, paramètres actifs
  • Les minuteries sont allongées (par exemple, 10 minutes au lieu de 60 secondes)
  • Quand le satellite revient, la connexion reprend immédiatement

Résultat : continuité de service, moins de signalisation, meilleure fluidité pour l’utilisateur.


3. Retrouver un Utilisateur (Paging)

Le problème

Jean utilise son téléphone via un satellite au-dessus de Lyon. Puis il devient inactif. Deux heures plus tard, quelqu’un l’appelle. Mais le satellite initial est déjà au-dessus de l’Espagne !

Où chercher Jean ?

Le fonctionnement terrestre

Dans un réseau classique, le CN envoie un message de paging (appel général) à toutes les antennes d’une zone. Mais avec les satellites, les zones changent sans cesse → cela reviendrait à solliciter toute la constellation.

La solution : un paging intelligent

  1. On connaît la dernière position de Jean (ex. Zone Lyon Centre à 12h00).
  2. On connaît les trajectoires satellites : à 14h00, la zone « Lyon Centre » est couverte par Satellite-C et Satellite-D.
  3. On envoie le paging uniquement à ces deux satellites, pas à toute la flotte.

Et si Jean s’est déplacé ? Le réseau calcule une zone de probabilité selon :

  • Sa vitesse possible (train, voiture, avion)
  • Son historique de mobilité
  • Les zones adjacentes couvertes

Résultat : recherche ciblée, moins de messages, et appel plus rapide.


Bénéfices Globaux

Ces solutions apportent :

  • Réduction massive de la signalisation (jusqu’à 90 % en moins)
  • Moins de congestion dans le réseau
  • Temps de réponse améliorés pour les utilisateurs
  • Scalabilité : gestion possible de milliers de satellites

En clair, elles posent les bases d’un futur où nos téléphones pourront communiquer directement avec des satellites, sans rupture de service.

 

La Déconnexion de l’Interface N2/S1 NTN

ATTENTION : Cet article suit une recommandation et non une spécification. C’est donc seulement une étude et rien de spécifié.

L’enjeu des réseaux hybrides terrestres-satellites dans l’écosystème 5G

Contexte technique et défis architecturaux

Les satellites LEO évoluent à des vitesses orbitales de 27 000 km/h,. Dans l’architecture regénératives, elles embarquent des stations de base mobiles (gNodeB ou gNB en 5G ou eNB en 4G) qui doivent maintenir une connectivité constante avec le cœur de réseau 5G (5GC) ou 4G (EPC) situé au sol.

La problématique centrale réside dans la nature dynamique de ces liaisons : lorsqu’un satellite sort de la zone de couverture d’une station terrienne (le feeder link, c’est à dire le lien entre le satellite et la station satellitaire terreste), la connexion sur l’interface N2 (protocole NGAP – Next Generation Application Protocol) entre le gNB satellite et l’AMF (Access and Mobility Management Function) est brutalement interrompue (ou sur l’interface S1, protocole S1AP entre l’eNB et le MME).

Impact sur les performances réseau

Cette déconnexion non contrôlée génère des dysfonctionnements opérationnels significatifs. Lorsqu’un terminal utilisateur se trouve en état de veille (RRC_IDLE) et qu’un appel entrant doit être acheminé, l’AMF consulte sa base de données de localisation et initie une procédure de radiodiffusion (paging) vers toutes les stations de base de la zone de routage, incluant le gNB/eNB satellite désormais inaccessible.

Cette situation engendre des délais d’attente (timeout) pouvant atteindre plusieurs secondes, dégradant significativement la qualité d’expérience (QoE) et l’efficacité spectrale du réseau. L’impact est d’autant plus critique que ces délais se multiplient proportionnellement au nombre de satellites déconnectés de manière non contrôlée.

Ce délai d’attente est le temps d’attendre une réponse du satellite qui n’arrivera pas.

La solution standardisée : Déconnexion Gracieuse de l’Interface N2

Principe de fonctionnement

La spécification 3GPP a défini une procédure élégante pour résoudre cette problématique : la « N2/S1 Interface Graceful Disconnection ». Cette méthode exploite la capacité prédictive des satellites à anticiper leur perte de connectivité grâce à leurs données éphémérides précises.

Séquence protocolaire détaillée

La procédure s’articule autour de quatre étapes critiques :

Phase 1 – Préparation et transferts d’urgence Le gNB satellite identifie sa prochaine déconnexion imminente et exécute les procédures de handover nécessaires pour transférer tous les utilisateurs actifs vers des stations de base alternatives, garantissant la continuité de service.

Phase 2 – Signalisation de déconnexion Le gNB émet un message N2 DISCONNECT REQUEST vers l’AMF, poue la demande de déconnexion contrôlée.

Phase 3 – Acquittement réseau L’AMF répond par un message N2 DISCONNECT RESPONSE, confirmant l’acceptation de déconnexion.

Phase 4 – Mise à jour de la topologie réseau L’AMF procède immédiatement à la mise à jour de ses tables de routage internes, supprimant le gNB satellite de la liste des points d’accès actifs pour la zone géographique concernée.

Figure 1 : Procédure de déconnexion N2/S1

Bénéfices opérationnels et techniques

L’implémentation de cette procédure apporte des améliorations mesurables :

  • Réduction des délais de paging : Élimination des timeouts liés aux tentatives de contact avec des gNB inaccessibles.
  • Optimisation des ressources réseau : Concentration des requêtes de radiodiffusion uniquement sur les stations actives
  • Amélioration de la réactivité : Détection quasi-instantanée de l’absence d’un terminal dans une zone donnée
  • Scalabilité : Adaptation efficace aux architectures à grande échelle avec de multiples satellites

Lorsque l’AMF envoie les requêtes de paging aux gNB, ceux-ci émettent la paging sur le lien radio et répond très rapidement à l’AMF si aucun UE ne répond au paging.

Mais, si l’AMF pense que le gNB est toujours connecté, il va attendre longtemps la réponse du gNB. C’est cette attente qui génère un délai important.

 

Les réseaux non-terrestres 5G : Configuration TAI, cartographie des faisceaux et localisation d’urgence

Introduction : Rappel sur le TAC (Tracking Area Code) :  Le Code Postal de l’Espace

Sur un réseau mobile terrestre classique (4G/5G), le **TAC (Tracking Area Code)** est un identifiant crucial. Imaginez-le comme un **code postal pour votre smartphone**. Le réseau regroupe plusieurs cellules (antennes) dans une même « zone de tracking » identifiée par un TAC. Votre terminal n’a pas besoin de signaliser sa position (« je suis là ! ») à chaque changement de cellule, seulement quand il passe d’un TAC à un autre. Cela permet d’économiser énormément la batterie du terminal et les ressources du réseau.

La question centrale pour les NTN (Non-Terrestrial Networks) est : comment gérer ce concept de « zone géographique fixe » lorsque l’antenne (le satellite) se déplace à plus de 27 000 km/h ? La réponse est aussi élégante que complexe.

Le Défi du Satellite Mobile

Sur un réseau satellitaire en orbite basse (LEO), la cellule (ou le faisceau) projetée au sol par le satellite se déplace très rapidement. Si on utilisait un TAC statique pour un faisceau, sa « zone de couverture » au sol défilerait à plusieurs centaines de km/h. Votre téléphone, immobile, verrait le TAC changer toutes les minutes, voire toutes les secondes ! Il déclencherait des procédures de mise à jour de localisation en permanence, rendant le réseau totalement inefficace et le terminal incapable de rester connecté.

La solution, définie par le 3GPP dès la Release 17, est de découpler le faisceau physique du satellite de la zone de tracking logique au sol.

La Solution : Le « TAC Géofixe ou Earth-fixed tracking areas » (zones de suivi fixes par rapport à la Terre) et le Network Orchestrator

Contrairement au réseau terrestre où un TAC est lié à une antenne physique fixe, en NTN, le TAC est associé à une zone géographique fixe au sol. On parle de TAI (Tracking Area Identity) géofixe.

Comment cela fonctionne-t-il ?

1. Le Réseau est Omniscient : Le segment spatial (les satellites) et le segment terrestre (les stations de gateway et le cœur de réseau 5G – 5GC) connaissent en temps réel la position précise de chaque satellite et l’orientation de chacun de ses faisceaux.

2. La Table de Mapping Dynamique : Il existe bien une table de correspondance, mais elle n’est pas stockée dans le satellite. Elle est gérée de manière centralisée par une entité d’orchestration du réseau (souvent appelée Network Orchestrator ou NTN Management Function). Cette table dynamique fait le lien entre :

  • L’identifiant du faisceau satellite (ex: Beam ID #15 du Satellite « A »)
  • La position géographique actuelle de ce faisceau sur Terre (sa « footprint »)
  • Le **TAC géofixe** qui correspond à cette zone géographique.

3. La Diffusion en Temps Réel : Le satellite, ou plus précisément la station de gateway qui le contrôle, modifie le contenu du message système SIB (System Information Block). Conformément à la spécification 3GPP TS 38.331, le SIB contient entre autres le TAC. Grâce à la table de mapping, le réseau injecte dans le SIB le TAC géofixe correspondant à la zone survolée à cet instant précis par le faisceau

Exemple Concret

Imaginons que le TAC `0x5A01` soit attribué à la région de Paris.
À l’instant T1 : Le faisceau du Satellite A survole Paris. Le Network Orchestrator lui dit : Diffuse le TAC `0x5A01` dans ton SIB.

À l’instant T2 (10 min plus tard) : Le Satellite A a avancé et son faisceau survole maintenant la Bourgogne, attribuée au TAC `0x5B02`. L’Orchestrator met à jour l’info : Maintenant, diffuse le TAC `0x5B02`.

Pendant ce temps, à l’instant T2 : Le Satellite B arrive au-dessus de Paris. L’Orchestrator lui ordonne : « Toi, diffuse le TAC `0x5A01` ».

Résultat : Un terminal immobile à Paris verra toujours le même TAC `0x5A01`,
peu importe le satellite ou le faisceau qui le sert. Il ne déclenchera une mise à jour de localisation que s’il se déplace hors de la zone de Paris, vers un autre TAC.

 

La spécification et les choix de l’opérateur

Question 1 : Est-ce la même valeur de TAC que celle diffusée par les cellules sur terre ?

Ca dépend de l’opérateur et de l’intégration, mais c’est techniquement possible et même probable. Rien n’empêche un opérateur comme Orange ou SpaceX (via des partenariats) d’attribuer le même TAC à une zone géographique, qu’elle soit couverte par une antenne terrestre ou par un satellite. Cette approche d’intégration transparente (Transparent NTN ») est un objectif clé de la 5G avancée.

Avantages :

Pour le terminal : Il est incapable de faire la différence. Il voit un TAC, point final. Cela garantit une compatibilité maximale avec les terminaux existants (avec les firmwares appropriés).
Pour le réseau cœur (5GC) : La gestion de la mobilité entre la Terre et l’Espace devient beaucoup plus simple. Le 5GC voit un terminal qui passe d’une cellule TAC `0x5A01` (terrestre) à une autre cellule TAC `0x5A01` (satellite). Cela peut être traité comme un simple handover intra-cellule, sans déclencher de procédure de « Tracking Area Update ».

Cependant, un opérateur purement satellitaire pourrait aussi choisir une plage de TACs distincte pour son réseau NTN pour des raisons de gestion interne.

Conclusion : Une Danse Orchestrée depuis le Sol

La politique de diffusion des TAC en 5G NTN n’est donc pas une table statique embarquée dans le satellite, mais bien **un mapping dynamique et centralisé, piloté en temps réel par l’intelligence du réseau.

Le satellite devient un « exécutant » qui projette une identité logique (le TAC) sur une zone géographique prédéfinie. Cette abstraction est la clé de voûte qui permet de faire cohabiter des réseaux cellulaires fixes et des constellations de satellites mobiles dans un écosystème 5G unifié et efficace.

 

Pour Aller Plus Loin :

Source 3GPP TS 38.413 : Cette spécification décrit les procédures du NG-RAN et mentionne comment le système peut gérer la mobilité et les associations entre cellules NTN et zones de tracking.

3GPP TR 38.821 : « Solutions for NR to support non-terrestrial networks (NTN) » – Le document fondateur.

3GPP TS 23.122 :** « Non-Access-Stratum (NAS) functions related to Mobile Station (MS) in idle mode » – Décrit les procédures de Tracking Area.

5G NTN – Le Dilemme des Cellules : Fixes au Sol ou Mobiles avec le Satellite ?

Deux Philosophies pour Résoudre un Problème

Le défi de base est simple : un satellite (surtout en orbite basse – LEO) se déplace très vite par rapport à la Terre. Comment projeter une couverture cellulaire stable depuis un objet en mouvement ?

Le 3GPP a standardisé deux réponses radicalement différentes à cette question, donnant naissance aux deux scénarios que vous mentionnez :

1. Earth-Fixed Cell (EFC) : La cellule est « scotchée » au sol.
2. Earth-Moving Cell (EMC) : La cellule est « scotchée » au satellite.

1. Earth-Fixed Cell (EFC) – La Cellule « Géofixe »

C’est le scénario le plus complexe à gérer pour le réseau mais le plus transparent et simple pour l’utilisateur. C’est aussi le plus courant dans les discussions initiales de la 5G NTN.

Concept : Le réseau découpe la surface de la Terre en cellules virtuelles et fixes, comme un réseau terrestre. La mission du système satellitaire est de projeter dynamiquement la couverture de ces cellules fixes, peu importe quel satellite est au-dessus.

Comment ça marche ?

Une cellule au sol a un identifiant unique (Cell ID) et est associée à une zone de tracking fixe (TAC géofixe), comme expliqué précédemment.

Les faisceaux des satellites sont très agiles. Le réseau (l’Orchestrator) calcule en temps réel la position de chaque satellite et steer son faisceau pour que la projection au sol (« footprint ») de ce faisceau coïncide PARFAITEMENT avec les limites de la cellule géofixe.

Lorsque le satellite s’éloigne, le faisceau est déformé et dirigé pour continuer à couvrir exactement la même zone géographique fixe. Au moment où il ne peut plus le faire, un handover parfait est effectué vers le satellite suivant, qui prend le relais pour couvrir cette même cellule fixe.

Analogie : Imaginez un groupe de projecteurs (les satellites) en mouvement au-dessus d’un stade. Chaque projecteur est assigné à éclairer un même marquage au sol (la cellule fixe) pendant un moment. Ils bougent leur faisceau de lumière pour le garder parfaitement aligné sur la cible, et se passent le relais pour que la zone soit toujours éclairée.

Avantages :
Transparence totale pour le terminal : Le téléphone ne voit aucune différence avec un réseau terrestre. La cellule (Cell ID) et la zone de tracking (TAC) ne changent pas tant qu’il est immobile.
Pas de mobilité pour l’utilisateur immobile : Un capteur IoT fixe n’aura jamais à mettre à jour sa localisation.
Intégration facilitée avec les réseaux terrestres : On peut utiliser exactement les mêmes TACs.

Inconvénients :
Extrêmement complexe : Nécessite des satellites avec des antennes très agiles (phased-array antennas) et un Network Orchestrator ultra-performant pour calculer et piloter tout cela en temps réel.

Coût élevé.

Exemples de systèmes visant ce scénario :** Le projet **AST SpaceMobile**.

2. Earth-Moving Cell (EMC) – La Cellule « Mobile »**

C’est le scénario historique des constellations comme Iridium ou Globalstar. C’est plus simple pour le réseau mais plus complexe pour le terminal.

Concept :,La cellule est rigidement attachée au satellite. Le faisceau pointe dans une direction fixe par rapport au satellite. Par conséquent, la cellule « défile » sur la surface de la Terre à la vitesse du satellite (environ 27,000 km/h pour un LEO).

Comment ça marche ?  La cellule a un identifiant (Cell ID) et un TAC qui lui sont propres, mais ils ne sont pas liés à une zone géographique.
Un utilisateur immobile verra défiler les cellules très rapidement : une cellule (du satellite A) arrive, le terminal s’y connecte, puis elle s’éloigne et le terminal doit en chercher une nouvelle (souvent du satellite B).
Le terminal subit des handovers très fréquents (toutes les quelques minutes, voire secondes) alors même qu’il est immobile.

Analogie : Reprenons les projecteurs, mais cette fois, chacun pointe droit vers le bas, fixement. La tache de lumière (la cellule) traverse le stade à grande vitesse. Les spectateurs (les terminaux) voient une lumière arriver, les illuminer, puis repartir, pour être illuminés par la tache de lumière du projecteur suivant.

Avantages :

Beaucoup plus simple pour le satellite : Les antennes peuvent être plus simples (moins d’agilité de faisceau requise). La gestion du réseau est simplifiée car elle suit la mécanique orbitale naturelle.
Moins coûteux à mettre en œuvre (conception heritage des systèmes comme Iridium).

Inconvénients :
Très pénalisant pour les terminaux : Ils doivent être constamment en recherche de nouvelle cellule et effectuer des handovers très fréquents, ce qui consomme énormément de batterie. C’est rédhibitoire pour les capteurs IoT qui doivent fonctionner 10 ans sur une pile.

Conclusion : Qui Va Gagner ?

Le choix du scénario dépend entièrement de l’usage cible :

Pour du haut débit mobile (smartphones) et de l’IoT basse consommation, le scénario Earth-Fixed Cell (EFC) est indispensable. C’est la voie privilégiée pour la véritable intégration « sans couture » de la 5G NTN.

Le scénario Earth-Moving Cell (EMC) reste pertinent pour des applications spécialisées (e.g., tracking de containers, systèmes militaires) ou pour des constellations héritées qui cherchent à moderniser leur service sans changer radicalement leur architecture spatiale.

La grande majorité des développements récents en 5G NTN (Release 17 et au-delà) se concentre sur le scénario Earth-Fixed Cell, car il offre l’expérience utilisateur la plus proche de la promesse 5G : une connectivité omniprésente et transparente, que vous soyez connecté à une antenne sur un toit ou à un satellite dans le ciel.

Mais dans les deux cas, il y a mise à jour du TAC

IRIS² : La constellation européenne et l’avenir des communications spatiales

Introduction : L’Europe dans la course spatiale

Après les succès de Galileo (navigation) et Copernicus (observation de la Terre), l’Europe franchit une nouvelle étape avec IRIS² (Infrastructure de résilience, d’interconnectivité et de sécurité par satellite). Cette constellation de satellites de télécommunications, qui sera déployée en 2030, représente bien plus qu’un simple projet technologique : elle incarne la volonté européenne d’autonomie stratégique face à la domination actuelle des acteurs extra-européens.

Qu’est-ce qu’IRIS² ?

IRIS² est la réponse européenne aux méga-constellations de satellites qui révolutionnent actuellement le marché des télécommunications spatiales. Le projet se compose de :

  • 264 satellites en orbite basse (LEO – 1 200 km d’altitude)
  • 18 satellites en orbite moyenne (MEO – 8 000 km d’altitude)
  • Un budget de 10,6 milliards d’euros (60% de fonds publics, 40% privés)
  • Un consortium SpaceRISE formé par Eutelsat, SES et Hispasat

Contrairement à Starlink qui compte déjà 7 000 satellites et vise les 42 000, IRIS² n’est pas une méga-constellation pure mais privilégie une approche équilibrée entre besoins gouvernementaux et services commerciaux.

Les défis technologiques d’IRIS² : la révolution 5G NTN

La 5G NTN (Non-Terrestrial Networks) représente l’intégration des réseaux satellitaires dans l’écosystème 5G standard. Concrètement, cela signifie que votre smartphone pourra se connecter directement aux satellites comme il le fait actuellement avec les antennes terrestres, sans modification ni équipement spécial.

Cette technologie, déjà expliquée dans ce blog, permet :

  • Une couverture universelle : Internet haut débit même dans les zones les plus isolées
  • Une continuité de service : Basculement automatique entre réseaux terrestres et satellitaires
  • Des communications d’urgence : Connectivité maintenue lors de catastrophes naturelles
  • Support IoT global : Objets connectés fonctionnant partout sur la planète

Les innovations techniques d’IRIS²

IRIS² intègre plusieurs technologies de pointe :

Communication inter-satellite par laser : Les données transitent entre satellites via des liens optiques à très haut débit, réduisant la dépendance aux infrastructures terrestres.

Miniaturisation électronique avancée : Utilisation de puces gravées en 7 nm, une première en Europe, permettant des satellites entièrement reprogrammables.

Compatibilité 5G native : Transition fluide vers la 6G prévue grâce à la reprogrammabilité des satellites.

Sécurisation renforcée : Seulement 5 points de présence au sol, tous en territoire européen, pour un contrôle total des communications.

Le paysage concurrentiel : qui sont les autres acteurs ?

Les géants américains

SpaceX Starlink : Le leader incontesté avec plus de 7 000 satellites opérationnels et 5 millions d’utilisateurs dans 125 pays. Starlink vise 42 000 satellites et développe des services Direct-to-Cell avec T-Mobile, permettant aux smartphones de communiquer directement avec les satellites.

Amazon Project Kuiper : 3 236 satellites planifiés, premiers lancements opérationnels en avril 2025. Amazon mise sur l’intégration avec AWS et ses partenariats avec Verizon et Vodafone. Service commercial prévu vers 2026.

OneWeb (Eutelsat) : 648 satellites actifs en orbite polaire, focus sur les marchés B2B, gouvernementaux et maritimes. Racheté par Eutelsat en 2023, OneWeb privilégie la qualité de service sur des marchés de niche.

Les constellations chinoises : la montée en puissance

La Chine développe trois projets majeurs qui pourraient bouleverser le marché :

Qianfan (G60) : 12 000 satellites planifiés par Shanghai Spacecom Satellite Technology, avec un financement de 943 millions de dollars. Premier lancement de 18 satellites en août 2024, objectif de 600 satellites d’ici fin 2025 et service global d’ici 2030.

Guowang : Le projet gouvernemental le plus ambitieux avec 13 000 satellites prévus, directement contrôlé par l’État chinois via China Satellite Network Group.

Honghu-3 : 10 000 satellites développés par Landspace, une entreprise privée chinoise qui développe aussi des fusées réutilisables comparables au Falcon 9 de SpaceX.

Autres acteurs significatifs

Telesat Lightspeed (Canada) : 300 satellites en orbite polaire haute (1 325 km), focus sur les entreprises et gouvernements avec des garanties de performance contractuelles.

Viasat : Spécialiste des satellites géostationnaires haute capacité, 600 000 abonnés actuels.

SES O3b mPOWER : Constellation en orbite moyenne (8 000 km) intégrée à IRIS².

Les enjeux géopolitiques et stratégiques

Autonomie européenne

IRIS² répond à un impératif de souveraineté numérique. La guerre en Ukraine a démontré l’importance stratégique des communications satellitaires, Starlink étant devenu un outil géopolitique majeur. L’Europe ne peut dépendre d’acteurs extra-européens pour ses besoins critiques.

La bataille des fréquences

L’Europe possède un avantage considérable : IRIS² hériteront des droits fréquentiels d’OneWeb (prioritaire sur Starlink en orbite basse) et d’O3b mPOWER. La bande Ka militaire européenne bénéficie également d’excellents droits de priorité.

Concurrence et coopération paradoxale

Paradoxalement, les concurrents collaborent parfois : OneWeb a utilisé les fusées SpaceX après l’arrêt des lancements russes Soyuz suite aux sanctions. Cette interdépendance révèle la complexité du marché spatial actuel.

L’écosystème technologique de la 5G NTN

Les standards 3GPP

La 5G NTN s’appuie sur les standards 3GPP (3rd Generation Partnership Project) :

  • Release 17-18 : Architecture « transparente » où les satellites agissent comme répéteurs
  • Release 19 : Introduction des charges utiles « régénératives » avec stations de base complètes embarquées
  • Release 20-21 : Optimisations et nouvelles capacités avancées

Types d’orbites et applications

LEO (Low Earth Orbit – 300-2000 km) :

  • Latence faible (20-40 ms)
  • Couverture mobile nécessitant de nombreux satellites
  • Idéal pour Internet haut débit et communications temps réel

MEO (Medium Earth Orbit – 8000-20000 km) :

  • Compromis latence/couverture
  • Moins de satellites nécessaires
  • Applications spécialisées

GEO (Geostationary Orbit – 35 786 km) :

  • Couverture fixe continue
  • Latence élevée (600+ ms)
  • Broadcasting et services IoT

Défis et perspectives d’avenir

Débris spatiaux et durabilité

Avec potentiellement plus de 100 000 satellites en orbite d’ici 2030, la gestion des débris spatiaux devient critique. IRIS² mise sur la durabilité avec seulement 282 satellites sur 10 ans, contrastant avec les méga-constellations concurrentes.

Impact astronomique

Les constellations affectent l’observation astronomique. IRIS² développe des satellites « non-émissifs » pour préserver l’astronomie, un engagement que tous les concurrents ne prennent pas.

Intégration terrestrial-spatial

L’avenir appartient aux réseaux hybrides combinant infrastructures terrestres et spatiales. La 5G NTN permettra un basculement transparent entre les deux, ouvrant la voie aux applications 6G futures.

Chronologie et déploiement

2024-2025 : Phase de développement, premiers tests 2026-2027 : Début des lancements IRIS² 2028-2030 : Déploiement opérationnel complet 2030+ : Services commerciaux pleinement opérationnels

Parallèlement, la concurrence s’intensifie :

  • Kuiper : Service commercial dès 2026
  • Qianfan : 600 satellites d’ici fin 2025
  • Starlink : Expansion continue vers 42 000 satellites

Conclusion : vers un internet spatial multipolaire

IRIS² représente plus qu’une constellation satellitaire : c’est un pari sur l’avenir d’un internet spatial européen souverain. Face à la domination américaine de Starlink et à l’émergence des constellations chinoises, l’Europe trace sa propre voie, privilégiant la durabilité et la sécurité.

La révolution 5G NTN transformera fondamentalement nos communications, rendant l’internet spatial accessible à tous via nos équipements actuels. Dans ce nouveau monde connecté, la maîtrise des technologies spatiales devient un enjeu de souveraineté nationale.