Le vibrato dans les méthodes de violon publiées entre 1750 et 1798

De nombreuses méthodes de violon et de violoncelle ont été publiées à cette époque. Malheureusement, la plupart sont surtout centrées sur les problèmes de technique de main gauche et de technique d’archet. La question du style, de l’ornementation, en un mot, tout ce qui relève de l’interprétation, n’est pas abordée.

Les seules méthodes qui parlent du vibrato sont, à notre connaissance, celles de Geminiani, Tartini et Mozart, mais aussi celle de Corette, Bailleux et Cambini.

The art of playing the violin. Francesco Geminiani. (1751)

Le vibrato, appelé « close shake »V1  est considéré comme un ornement. Pour le réaliser, le violoniste doit « presser fortement la corde » et faire un mouvement d’avant en arrière avec le poignet. Joué sur de longues notes avec une nuance Forte, il exprimera la majesté, la dignité. Réalisé avec douceur, il pourra exprimer la peur, la tristesse etc…. Geminiani nous indique également que l’on peut vibrer sur des notes courtes car cela « contribue à rendre le son plus agréable » et c’est pour cette raison que l’on doit utiliser le vibrato aussi souvent que possible.[1]

Traité des agréments. Giuseppe Tartini. (1775) [2]

Appelé Tremolo ou tremblement dans la version Française, le vibrato se réalise en produisant « artificiellement sur le violon, sur la viole et sur le violoncelle, ce tremblement avec un doigt qu’on tient sur la corde, en imprimant ce tremblement à ce doigt par la force du poignet, sans que ce doigt quitte la corde quoique on le soulève un peu ».

Pour Tartini, il existe trois vitesses de vibrato :V2

Comme chez Geminiani, le vibrato est considéré comme un agrément et peut être utilisé lors de « la note finale d’une phrase musicale, quand cette note est longue » mais également sur « les notes longues de tel chant que ce soit et quelle que soit la mesure, quand les notes sont arrangées de la manière suivante. »

V3

Pour ce genre de passage, le vibrato devra être « toujours égal et exécuté […] régulièrement ».

Méthode de violon. Léopold Mozart. (1770) [3]

Pour Mozart, le « Balancement, en Italien, Tremolo est un agrément qui dérive de la nature même et dont on se sert pour orner une note finale ou une tenuë. Pour obtenir le Balancement sur le Violon, il faut appuyer ferme avec les doigts sur la corde, et faire avec la main, de petits mouvemens en avant vers le chevalet et en arrière contre la touche »

Il y a trois manières d’exécuter le vibrato :

V4

Il semblerait que le vibrato chez Mozart soit très contrôlé et d’une vitesse modérée car les lignes placées au dessus des notes dans l’exemple précédent représentent le nombre de battements pour une ronde. « Les lignes les plus longues représentent des simples croches, et les petites des doubles croches. Il faut faire autant de mouvemens avec la main qu’il y a de lignes »

On retrouve cette idée de vibrato contrôlé dans les exemples suivants qui ne sont pas sans rappeler les exemples donnés par Tartini :

V5

D’après Mozart, on pourra vibrer les notes tenues ainsi que les finales mais également « sur la première note de chaque temps et dans les pièces de vivacité […] sur la 1ère note de chaque demi- tems »ainsi que les points d’orgue. Pour ce cas de figure, le violoniste, en plus du vibrato, s’aidera de l’archet en faisant une mezza di voce.

V6

Les dernières méthodes que nous allons étudier sont des méthodes Françaises. La question du vibrato est abordée mais de manière beaucoup moins précise que les autres méthodes que nous avons vues plus haut.

Pour Corrette, le vibrato doit se jouer sur une note tenue et va de pair avec un geste spécifique de l’archet : « Pour enfler le son sur une note longue, il faut commencer par conduire avec douceur l’archet sur la corde, ensuite le fortifier au milieu […] et finir comme on a commencé en balançant un peu le doigt sur la corde »[4]

Dans la méthode de Bailleux [5], il existe deux types de vibrato:

  •   le vibrato de main gauche :

« Du flatté

Le flatté est une espèce de balancement qui se fait sur une finale ou une tenue. Pour produire le balancement sur le violon, il faut appuyer ferme avec le doigt sur la corde et faire avec la main des petits mouvements ».V7

  •  Le vibrato d’archet :

« Du balancement

Le balancement que les Italiens appellent Tremolo, produit l’effet du tremblement de l’orgue ; c’est plusieurs notes de la même valeur, sur le même degré, liées ensemble, que l’on fait d’un seul coup d’archet, sans quitter la corde » V8

 

Pour terminer ce premier article sur le vibrato dans les méthodes de violon et de violoncelle entre 1750 et 1798, ajoutons qu’on trouve des exemples de vibrato dans les méthodes de clavicordes de D.G. Türk et C.P.E. Bach.

Pour Türk, « le vibrato (français balancement, italien tremolo) ne peut s’exécuter avec succès que sur des notes longues, en particulier dans des morceaux de caractère triste. On a l’habitude de le noter par le signe en a), ou par le mot tremolo. L’exécution devrait être à-peu-près comme en c) ou d).V9

On laisse en effet le doigt sur la touche toute la durée écrite de la note, et on essaie d’amplifier le son par une douce pression répétée sur la touche. Il est superflu de dire qu’on relâche un peu le doigt après chaque pression, mais qu’on ne le relève pas tout-à-fait de la touche. De plus tout le monde sait que cet ornement n’est à exécuter que sur le seul clavicorde, et même seulement sur un très bon clavicorde. Il faut se garder de vibratos fréquents, et quand on les exécute, d’une exagération laide du son par des accents trop énergiques. Une erreur dont j’ai déjà eu l’occasion de mettre en garde. »

Dans la méthode de Bach, il est mentionné qu’ « une note longue et affectueuse s’accommode bien d’un vibrato, étant donné qu’on fait en quelque sorte osciller le doigt qui reste sur la touche. En voici la notation :V10

Le meilleur endroit pour commencer un vibrato est le milieu de la durée de la note ».

Jean-Baptiste Valfré



[1] Geminiani, Francesco. The art of playing the violin. p. 8

[2] Tartini, Giuseppe. Traité des agrémens de la musique. p. 27-32.

[3] Mozart, Léopold. Méthode de violon. p. 62-63.

[4] Corrette, Michel. L’art de se perfectionner dans le violon où l’on donne à étudier des leçons sur toutes les positions des quatre cordes du violon et les différents coups d’archet. p. 248.

[5] Bailleux, Antoine. Méthode raisonnée pour apprendre à jouer du violon. p. 11.

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