Dans son ouvrage Vibrato, respiration, posture: quelle pédagogie aujourd’hui? ( Observatoire Musical Français, série Didactique de la musique n.6 Juin 1997), Hillary Hacquoil évoque les contradictions entre le discours de célèbres flûtistes français du début du XXe siècle, faisant office de références musicales, en confrontation directe avec les interprétations de ces flûtistes, puisqu’il existe des documents sonores d’époque. Ces documents sont assez peu fiables en raison de leur piètre qualité sonore, mais une écoute attentive permet toutefois d’affirmer que le vibrato était utilisé par ces interprètes.
Marcel Moyse (1889-1984) est probablement le plus virulent sur cette question : « Je n’ai jamais été partisan de ce distingué passe-partout expressif (Cache-Misère). Mais si tel avait été mon cas, j’aurais plutôt recommandé à mes élèves d’aller vivre pendant quelques mois en haute montagne au milieu des chèvres et des brebis. Le bêlement y règne en Maître absolu, constant, puissant et varié ». (MOYSE Marcel, Comment j’ai pu maintenir ma forme, Brattleboro, 1974)
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=3jcAtsR1pWc[/youtube]
Georges Barrère (1876-1944): « Depuis les cinquante ans que je travaille mon instrument, mon souci quotidien a été d’éviter le vibrato » (AHMAD, Patricia Joan, The Flute Professors of the Paris Conservatoire, North State University, p.111)
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=dl_bBi1wbYQ[/youtube]
Philippe Gaubert (1879-1941) : » On s’interdira donc absolument le vibrato ou chevrotement, artifice qu’il faut laisser aux instrumentistes inférieurs. Le vibrato, dénaturant le caractère naturel de l’instrument et faussant son expression, fatigue très vite une oreille délicate. C’est une faute grave, un impardonnable manque de goût, que de traduire par des moyens vulgaires les pensées des plus hautes intelligences musicales »
Bach Badinerie played by Philippe Gaubert in 1919
Pourquoi un tel décalage entre le discours de ces flûtistes et leur pratique? Outre la réticence en ce début de siècle à analyser les aspects techniques du jeu, selon H.Hacquoil ce curieux décalage s’explique probablement par une confusion terminologique. Il se pourrait donc que ce léger vibrato fasse partie de la sonorité des flûtistes français depuis la fin du XIXe siècle, et qu’en comparaison avec le vibrato plus large et marqué des pays nordiques, il apparaissait neutre…