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Albert Pomme de Mirimonde, Sainte-Cécile, métamorphoses d’un thème musical, 1974.

Sainte-Cécile, métamorphoses d’un thème musical est un ouvrage écrit par Albert Pomme de Mirimonde, traitant du thème de l’iconographie musicale de la Sainte martyre. Sainte-Cécile incarne la patronne des musiciens, et des faiseurs d’instruments de musique.

Ecole romaine, suiveur d'Artemisia Gentileschi, Sainte-Cécile, s. d., 166 x 113 cm

Ecole ROMAINE du XVIIe siècle, suiveur d’Artemisia
GENTILESCHI, Sainte-Cécile.
source de l’image : http://catalogue.drouot.com/ref-drouot/lot-ventes-aux-encheres-drouot.jsp?id=1932080

Albert Pomme de Mirimonde (1897-1985) était un haut magistrat, collectionneur d’art, passionné d’histoire de l’art et un critique d’art français. Albert Pomme de Mirimonde, auteur très peu connu, a écrit de nombreux ouvrages sur les thématiques de l’iconographie musicale et des instruments de musique. Florence Gétreau définit l’iconographie musicale en ces termes :
« Il s’agit de l’étude des représentations figurées de la musique dans les arts visuels, quelle qu’en soit la technique ».

Le récit de la vie de sainte-Cécile est relaté dans la Légende dorée de Jacques de Voragine. Il s’agit d’une jeune vierge romaine issue d’une famille noble. Cécile veut rester vierge pour servir Dieu. Or, ses parents la marient de force. Vivant sous l’empereur Alexandre Sévère, Sainte-Cécile, très pieuse, est persécutée à cause de sa foi puis condamnée à être décapitée après un supplice de 3 jours. Cette jeune martyre a converti un grand nombre de fidèles à la religion catholique, et a demandé au pape Urbain de consacrer sa maison pour qu’elle devienne une Église afin d’accueillir des fidèles. Sa légende se transmet de siècle en siècle.

Comment cette jeune martyre est-elle devenue la patronne des musiciens ? Le choix d’un ou d’une sainte n’est pas le fruit du hasard. Au début de la Renaissance, il est d’usage de trouver un patronage pour chaque corps de métier. Cécile a été choisie pour représenter la patronne des musiciens car durant la cérémonie de son mariage, elle « unissait … le son des instruments à sa voix pour chanter les louanges de Dieu » dans son cœur pour que son corps et son cœur demeurent purs.

L’iconographie de Sainte-Cécile jouant d’un instrument de musique apparaît vers le XVsiècle, et l’orgue devient son attribut. La représentation de l’orgue est due à la mauvaise traduction du terme organis. L’expression d’origine était in corde suo organis. Or, l’usage n’a retenu qu’organis. De ce fait, Sainte-Cécile est représentée avec son orgue. Il symbolise la prière que l’Église adresse à Dieu. Au XVIe siècle, le thème de Sainte-Cécile accompagnée des anges jouant d’un instrument est un thème très prisé des peintres d’Italie et de Flandre. Les représentations de Sainte-Cécile jouant de la musique traduisent à la fois son culte et la théorie de l’art sonore. Les peintres la montrent jouant du clavecin, du virginal, de l’épinette, et du clavicorde.

sainte-cecile-guido-reni
Guido Reni (1575-1642), Sainte Cécile, 1606, huile sur toile, 96 x 76 cm, Pasadena.
Oeuvre commandée par le cardinal Paolo Sfondrato.
 http://www.artliste.com/guido-reni/sainte-cecile-110.html

Aux XVIe-XVIIe siècles, apparaît l’image de Sainte-Cécile jouant du luth qui est l’instrument roi à ces époques. Elisabeth Burwell a écrit un ouvrage intitulé Lute Tutor, v. 1665 pour affirmer que les « anges sachant en jouer avaient été admis à assister à la naissance du Sauveur ». Cependant, Sainte-Cécile luthiste est rarement peinte car cet instrument est perçu comme aphrodisiaque par l’Église. Il en est de même pour le violon ainsi que les percussions.

Gramatica Antiveduto  (1571-1626), attribué à Pellegrino Tibaldi (1527-1596),  Sainte-Cécile chantant entre deux anges instrumentistes,  1620-25, huile sur toile, Kunsthistorisches Museum, Vienne.

Gramatica Antiveduto (1571-1626), attribué à Pellegrino Tibaldi (1527-1596),
Sainte-Cécile chantant entre deux anges instrumentistes,
1620-25, huile sur toile, Kunsthistorisches Museum, Vienne.

 

 

 

 

 

 

 

 

L’ouvrage d’Albert Pomme de Mirimonde est intéressant pour plusieurs raisons. Il s’agit d’une sorte de catalogue monographique qui peut s’adresser à tous les lecteurs. En effet, son style est clair et concis. De plus, les illustrations accompagnées de commentaires succincts mettent en scène les

différentes étapes de la vie de la jeune sainte martyre en commençant par son mariage en passant par son martyr et se terminant par son ascension. L’auteur joue sur la relation étroite entre les images et le texte.

Les artistes n’hésitent pas à multiplier les représentations de la sainte martyre chantant parmi des anges, jouant des instruments de musique (orgue, clavecin, épinette, clavicorde, luth et harpe) et en compagnie d’autres saintes martyres.

harpe
Sainte-Cécile

Carlo Saraceni (1585-1620), Sainte Cécile et l'ange, 1620, huile sur toile, 172 x 139 cm, Galleria Nazionale d'Arte Antica, Rome.

Carlo Saraceni (1585-1620), Sainte Cécile et l’ange, 1620, huile sur toile, 172 x 139 cm,
Galleria Nazionale d’Arte Antica, Rome.

Benvenuto da Garofalo (1481-1550), Sainte Cécile renonçant à la musique instrumentale, ancienne coll. Edward Habich.

Benvenuto da Garofalo (1481-1550), Sainte Cécile renonçant à la musique instrumentale, s. d., ancienne coll. Edward Habich.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans l’ouvrage, nous notons que les références historiques et hagiographiques sont incomplètes et voire inexactes. L’auteur se focalise davantage sur l’aspect iconographique musicale et il accorde une place minime à la chronologie et au contexte historique. Il en est de même pour les références des tableaux (dimensions, dates, techniques et lieu de conservation). Enfin, la bibliographie demeure peu étoffée pour un sujet de cette ampleur.

Après une brève lecture critique, nous pouvons dire qu’Albert Pomme de Mirimonde, l’auteur de Sainte-Cécile, métamorphoses d’un thème musical (1974), nous fait découvrir l’histoire de la Sainte martyre, Cécile, qui est très peu connue dans l’hagiographie. L’ouvrage dispose d’un riche répertoire iconographique musical qui a été très précieux pour notre étude. Néanmoins, ce livre ne peut constituer une source littéraire sûre pour des spécialistes en raison de certaines lacunes citées précédemment.

Phuong Tran

Percussion Instruments of the Middle Ages and Renaissance : Their History in Literature and Painting

BLADES James, Percussion Instruments of the Middle Ages and Renaissance :Their History in Literature and Painting, Early Music, vol1,n°1, janv. 1973, 11-18.

James Blades, percussionniste anglais, est l’auteur de plusieurs livres sur la percussion.
Dans son article, il présente les instruments de percussion du Moyen-âge et de la Renaissance en faisant référence à des textes ou iconographies :
Hamlet, le Psautier de Luttrel, peintures de Holbein, sculptures des cathédrales de Worcester, Beverley.

Les timbales.
Les timbales trouvent leur origine dans les nacaires. Les nacaires sont de petits tambours en forme de bouilloire suspendus par une sangle autour de la taille ou des épaules. Elles étaient jouées par les Croisés avant d’être adoptées par les musiques militaires européennes sous la forme de timbales de cavalerie.
Le fût des timbales, recouvert d’une peau, peut-être en cuivre, bois ou argile. On les joue avec une baguette dans chaque main.
La signification change suivant la personne qui les joue. Jouées par des hommes, elles sont principalement utilisées à des fins militaires. Jouées par des femmes, elles deviennent des instruments délicats pour accompagner des instruments aux tons doux.

Le tambour et la caisse-claire.
La forme la plus courante de percussion dans l’Europe médiévale est le tambour.
Le tambour médiéval n’est pas standardisé : sa taille et sa forme diffère selon les régions et les époques.
Il ya de nombreuses preuves de l’utilisation généralisée du tambour dans toute l’Europe.
Par exemple :
Le manuscrit du Saint John’s College de Cambridge (12ème siècle).
• La fresque serbe « The Mocking of Christ » (début 14ème siècle).
• Les sculptures de la cathédrale Lincoln.
• Les tambours à cette époque étaient associés à la musique profane.

Durant le 13ème siècle, une forme plus grande de tambour apparait et adoptée par les armées de l’Europe occidentale. Dans son Orchésographie (1588), Thoinot Arbeau renseigne la taille du tambour militaire : « 1 mesure de 60cm de longueur et 30cm de diamètre. Les tambours utilisés pour la danse folklorique sont plus petit que le tambour militaire. La caisse-claire est utilisée comme un instrument d’orchestre à partir du 18ème siècle.

Le triangle.
Le triangle médiéval est souvent illustré avec des anneaux enfilés à la barre inférieure.
La forme varie considérablement. Il peut-être soit équilatéral avec une fin ouverte ou fermée, soit de forme trapézoïdale semblable à un étrier. Le son ressemble à celui d’une ancienne sistre.
Même si le triangle est souvent illustré avec des anneaux, la plus ancienne mention de l’instrument (dans un manuscrit du 10 ème siècle) se réfère à un instrument sans anneaux.

Le tambourin.
Le tambourin est très populaire dans toute l’Europe au Moyen-Age.
Le type de tambourin de l’époque médiéval est proche de celui que nous connaissons aujourd’hui et encore plus proche des instruments turcs du 19ème siècle.
Ils sont généralement composés de 4 ou plus paires de cymbalettes disposées de manière équidistante. Les cymbalettes sont concaves et sont plus grandes et épaisses que les modernes.
C’est la forme qui apparait le plus souvent dans les peintures et les sculptures dans les églises et les manuscrits enluminés à partir du 11ème siècle.
Dans plusieurs cas, il est représenté avec un ou plusieurs timbres. Le tambourin est tenu en hauteur et joué avec les doigts. Parfois, l’instrument n’a pas de cymbalettes.
Le tambourin est souvent illustré dans des mains d’anges mais à bien des égards, il est un instrument rustique associé aux troubadours, jongleurs et forains.
A la fin du Moyen-âge, il a un rôle dans la musique concertante. Il reste un ingrédient essentiel de la musique rythmique.

Les cymbales.
Les cymbales restent inchangées tout au long du Moyen-âge et ressemblent aux instruments utilisés par les grecs et les romains. Instruments « bruyants » et souvent représentés joués à la manière des cymbales antiques par des femmes et des anges, les cymbales semblent être épaisse et avoir environ 15 à 25 cm de diamètre.
Il ya des preuves pour des cymbales plus grandes (environ 30 cm de diamètre) et plus minces dans de nombreuses parties de l’Europe. Ces cymbales sont jouées verticalement et utilisées pour le rite chrétien.
Les petites cymbales sont associées aux anges et utilisées par les danseurs.
Les cymbales sont introduites à l’orchestre en 1680 par Stungk dans son opéra Esther.

Les castagnettes.
Les castagnettes servent à accompagner les cymbales. En effet, les cymbales produisent des battements métaliques auxquels sont associés des claquements joués par des castagnettes ou pièces de bois ou d’os.
Mersenne confirme la popularité des castagnettes au Moyen-âge dans son Harmonie Universelle (1636) en parlant de « tous les petits os et bâtons en bois qui peut se manipuler de façon rapide et agile ». Il dit qu’elles devraient être en bois de résonnance comme le prunier ou l’hêtre. Il pointe l’importance des castagnettes en tant qu’instrument de musique, particulièrement en Espagne.
Les castagnettes telles que nous les connaissons aujourd’hui apparaissent rarement dans l’art médiéval. Cette utilisation reste confinée à l’Espagne.
Il existe différentes formes de castagnettes :
Castagnettes composées de petites cymbales sur les extrémités.
Castagnettes dans les semelles de chaussures selon la coutume grecque et romaine (créer une sorte d’applaudissement)
Triccabullacca Napolitaine est constituée de 3 ou plus castagnettes reliées entre elles.
Tric-trac espagnol/horloge-clac/ la plaque de hochet : un ou plusieurs marteaux pivotés oscillant sur un socle de bois. Les instruments de ce type sont utilisés comme pétards et bruiteurs pendant la semaine sainte.

La crécelle.
Les crécelles, sous diverses formes, ont été liées à la vie religieuse et laïque du moyen-âge et de la renaissance. La crécelle est un hochet à crémaillère qui est tournoyé sur une roue dentée de plusieurs langues de bois robustes.
Elle est utilisée comme signal d’alarme ou épouvantail.
Elle est également utilisée lors de cérémonies religieuses, en particulier le jeudi saint et vendredi saint.

Le tambour à friction.
Aussi appelé « rommelpot », cet « instrument paysan » lié aux pays bas est l’ancêtre du tambour à corde (Lion’s roar).
C’est un corps constitué d’un réceptacle en bois ou en argile avec une tête de parchemin dans lequel est apposé un bâton court.
Il est associé à des occasions festives comme le puttiputi italien ou le zambomba espagnol.
Un autre type de tambour à frottement est le Waldteufel où le baton central est remplacé par un cordon.

Le tympanon.
Les instruments à percussion accordés au Moyen âge sont les cloches, le xylophone et le tympanon.
Virdung parle d’un instrument à 6 cordes joué avec « des fouets en forme de cuillère ». C’est une sorte de tambour à cordes, instrument composé de 6 cordes en boyau tendu sur une caisse de résonnance en bois et accordé.
Il existe une représentation d’un tympanon sur la tapisserie d’Angers (1380) et sur un relief de la cathédrale de Santiago de Compostela (1184).

Le xylophone.
Le xylophone est mentionné pour la première fois en 1511 par l’organiste Arnold Schlick comme « hultze glechter » (percussions de bois).
En 1528, Martin Agricola illustre une série de 25 lames de bois.
Un siècle plus tard, Praetorius illustre une série de 15 lames diatoniques de 38 à 53 cm de longueur en forme de pyramide.
Holbein donne un excellent exemple de xylophone au 16ème siècle dans son cycle de gravure de bois « la danse de la mort » où il représente un squelette jouant sur un petit xylophone.
Le xylophone du Moyen-âge, en général, est un instrument simple très utilisé par les musiciens vagabonds. Les lames de bois sont en bandoulière ou reposent sur des cordes de paille donnant lieu à la dénomination « violon de paille ».

Les cloches de carillon.
Beaucoup de musique de danse du Moyen-âge étaient imprégnées par des murmures rythmiques de petites cloches ou tintement.
Les instruments les plus réputés de percussion ont été les véritables cloches.
Les cloches apparaissent fréquemment sur des illustrations du 10 au 15 ème siècle. Le roi David est presque toujours représenté avec des cloches. Elles sont habituellement vues en petit nombre, de 4 à 5 ou 8 à 9 dans un ensemble unique. Elles sont frappées avec un marteau ou 2 marteaux (un dans chaque main).
La musique authentique de ces instruments est difficile à trouver. Peut-être que les cloches ont été utilisées pour distinguer les intervalles dans l’enseignement de la musique, marquer les débuts des phrases ou faire un déchant lorsque cela est possible.

Nadia Bendjaballah

« Lute tablature instructions in Italy: a survey of the regole from 1507 to 1759″ un article de Dinko Fabris.

Dinko Fabris est luthiste et musicologue, professeur d’histoire de la musique au Conservatoire de Bari et à l’Université de Basilicata. Il est le principal représentant de l’Italie dans la Société Internationale de Musicologie. Ses recherches concernent principalement la musique de luth à Naples entre 1500 et 1800. Il est l’auteur de près de quatre-vingt articles et d’une dizaine d’ouvrages.

Cet article fait un parcours chronologique des instructions pour le luth en Italie entre 1507 et 1759. Les premières sources de ce type contiennent des informations très basiques, pour la plus part incomplètes et insuffisantes. Plus le temps passe, plus les instructions sont riches en informations, prenant souvent compte des références antérieures.

Dans les sources de luth, les manuscrits et les imprimés sont quasiment contemporains. Ainsi, la tablature semble avoir été utilisée en Italie dès les dernières années du XVe siècle . Dans les traités vénitiens apparus entre 1490 et 1500 on trouve un diagramme du luth, représentant 6 chœurs et 8 frettes.

En 1507 a lieu la publication du premier livre de luth d’Ottaviano Petrucci, contenant des pièces de plus de dix compositeurs. Dans la préface nous trouvons les Regole per quelli che non sonno cantare, mais on ignore si Petrucci en est l’auteur. Il s’agit de quelques règles basiques destinées au musicien amateur afin qu’il puisse exécuter les pièces du livre. Ces règles sont cependant insuffisantes et, selon Fabris, elles doivent être considérées comme une réduction de la théorie musical de l’époque, adressée à ceux qui de savaient pas chanter. La simplicité de cette instruction suggère qu’en ce moment la tablature était encore un système méconnu.

Ces mêmes règles apparaissent, avec peu de modifications, dans presque tous les livres de luth des quarante premières années du siècle. Nous pouvons les résumer ainsi :

– Le relation entre les six lignes de la tablature et les six chœurs du luth. La disposition de la tablature italienne représentant la chanterelle sur la ligne inférieure.
– La relation entre les chiffres de la tablature et les frettes du luth (jusqu’à douze frettes).
– Explication des symboles des rythmes placés au-dessus de la tablature.
– Technique de main droite: le point sous le chiffre indique le jeu avec l’index et l’absence de point, le jeu avec le pouce.
– Technique de main gauche: symboles d’ornements, notamment legato, trille, et appogiatura.

Les règles enseignées par Vincenzo Capirola sont transcrites par l’un de ses élèves, appelé Vidal, et apparaissent dans le Ms de 1517. L’indication d’un aspect nouveau dans la technique de main gauche en est remarquable: séparation du chœur avec le doigt 4 (l’auriculaire) ; il faut pincer uniquement un de deux cordes et laisser l’autre à vide. Il insiste sur l’importance du jeu legato et propre, l’utilisation du barré et l’apprentissage de la technique à travers l’observation.

A partir de 1546 nous trouvons des nouvelles règles rédigées par Melchiore de Barberiis et d’autres par Joan Maria da Crema. Les points innovateurs de celles-ci sont:

– Explication de la mise en tablature des pièces vocales ayant de 1 à 4 voix principalement (jusqu’à 5 et 6).
– Explication détaillée de certains ornements, surtout le legato.
– Explication méticuleuse de l’alternance des doigts de la main droite dans les diminutions.

Dans la deuxième moitié du siècle, les « règles pour ceux qui ne savent pas chanter » disparaissent presque complétement et sont quelques fois remplacées par des courtes instructions pour accorder l’instrument. Au début du XVIIe siècle, suite aux changements organologiques et techniques, l’inclusion des règles devient encore nécessaire.

Pour la guitare la situation a été similaire: pendant plusieurs décennies, la plupart des publications étaient accompagnées d’un set de règles sur la manière d’accorder, la lecture de l’alphabet et contenant d’autres indications pratiques simples.

Laura Torres

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« Regole per quelli que non sanno cantare » Ottaviano Petrucci 1507

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=Xj6r8Nz1vPA[/youtube]

« Le développement de la pratique du luth dans la société française »

C’est ainsi que s’intitule le premier chapitre de l’ouvrage La musique du luth en France au XVIe siècle, la publication de la thèse de doctorat de Jean Michel Vaccaro en 1981. Jean Michel Vaccaro (1938-1998) est un musicologue français spécialiste du XVIe siècle. Il travailla dans la constitution d’un corpus de luthistes français comprenant l’œuvre d’Adrian Le Roy, Robert Ballard, Pinel, les Dubout et Guillaume Morlaye. Il s’intéressa également à d’autres périodes et à des compositeurs tels que Schütz, Schönberg et Stravinsky.

Cet ouvrage est agencé en quatre grandes parties. La première concerne le luth dans la société française au XVIe siècle (généralités, facture, diffusion, sources, traités). La deuxième partie s’intéresse à la mise en tablature de modèles vocaux. La troisième étudie la musique de luth et le répertoire des danses et la quatrième les préludes et les fantaisies.

Au XVIe siècle, la pratique d’un instrument devient un trait caractéristique de la culture personnelle de l’homme occidental moderne. Pour sa part, la pratique du luth reste dans la tradition vocale jusqu’à l’extrême fin du XVe siècle, bien que son existence soit attestée par l’iconographie dès le VIIIe siècle. Auparavant, la pratique instrumentale était marginale et réservée aux jongleurs et aux ménestrels. C’est à travers l’imitation du modèle vocal et du remplacement des certaines voix de la polyphonie que la musique de luth commence son développement. Avant le XVe siècle, les luthistes sont confondus avec tous les autres instrumentistes faisant partie des ménestrels et des jongleurs anonymes.

Les premiers statuts corporatifs de la profession datent du début du XVIe siècle. La musique constitue une fonction particulière pour laquelle on reçoit un salaire ou une récompense. Sauf rares exceptions, la pratique personnelle d’un instrument ne fait pas encore partie de la culture individuelle. La cour » consomme » de la musique mais les courtisans ne la pratiquent pas.

La promotion de la pratique instrumentale se fait en France grâce à l’inspiration de l’Italie, pays dans lequel a lieu une transformation progressive de la hiérarchie des divers niveaux culturels de l’activité musicale; reliée au développement du mouvement humaniste. C’est aussi en Italie que le livre de Baldassaire Castiglione, Le Courtisan (1528), est publié. Ce livre fut traduit plusieurs fois en France. Selon Castiglione, le courtisan, au-delà d’un certain nombre de compétences, doit être musicien. Il ne suffit plus d’écouter la musique, il faut la pratiquer. Ceci a deux raisons: une personnelle (liée au réconfort, au délaissement et à l’épanouissement personnel: l’instrument est un confident au même temps qu’il prolonge les facultés d’expression) et une sociale (satisfaire les femmes, recevoir ses convois, consoler les enfants). Le courtisan ne doit pas renoncer à sa virilité de chevalier mais ajouter le raffinement et la délicatesse de l’art musical. Il doit tendre vers un développement de l’homme total.

La popularité qu’eût le luth au sein de cette transformation sociale est en partie due à Castiglione, qui dit « chanter sur le livre… me semble une belle musique… mais encores plus chanter avec le lucz » [sic]. Le luth peut remplacer plusieurs voix de la polyphonie pour accompagner la voix, tout en le permettant articuler en toute clarté la mélodie principale et le texte. L’humanisme cherche une musique nouvelle et de nature expressive, où les effets des sons et des mots doivent se renforcer mutuellement pour émouvoir. La diversité des timbres et d’intensités du luth lui confèrent un succès au XVIe siècle.

Le développement de la pratique du luth eût un impacte dans l’édition de tablatures. L’apprentissage du luth à cette époque se fait par trois moyens: des leçons particulières, des cours en école de musique ou bien de manière autodidacte à l’aide des méthodes adressées aux musiciens amateurs. La conception humaniste de l’éducation, marquée par la pensée néo-platonicienne, contribue à l’essor de la musique du luth en France.

Ainsi, au XVIe siècle le luth n’est pas un instrument réservée uniquement au courtisant français. Il est également pratiqué par des bourgeois, marchands et clercs. Les femmes sont également encouragées à l’apprentissage de cet instrument, car il convient à leur délicatesse et est associé à l’expression amoureuse. Le luth fini par symboliser la vie de la courtisane elle-même.

Laura Torres

Jouer du luth avec un perroquet sur l’épaule

La pratique du luth prend une place très importante en l’Europe Occidentale du XVIe siècle. Dans un contexte humaniste, la pratique instrumentale commence à être considérée comme un élément indispensable au développement de la personnalité et de la sensibilité. Cette évolution est motivée par l’adoption d’un nouveau modèle d’homme idéal, un homme qui doit développer des capacités physiques et intellectuelles mais également des qualités individuelles[1].

N’imaginons pourtant pas que la pratique instrumentale était exclusive aux hommes. Chroniqueurs et poètes parlent des courtisanes qui jouaient du luth. La poétesse Louise Labé, par exemple, semble avoir été une très bonne luthiste et évoque même l’instrument dans sa littérature[2]. Grâce à des leçons particulières, les femmes de l’aristocratie pouvaient maitriser la technique de l’instrument. La pratique instrumentale était également reliée à une dimension sociale : jouer d’un instrument constituait une qualité admirable chez la femme.

La pratique du luth des femmes est aussi attestée par l’iconographie. Mais, pouvons-nous-nous fier complétement à ce type de sources ? Illustrent-elles de manière exacte et claire la technique de jeu et le cadre dans lequel la pratique de cet instrument avait lieu ? Nous allons essayer d’aborder ces deux questions à travers l’observation d’un portrait réalisé par un maître anonyme vers les années 1540s.

Maître des années 1540s,  La joueuse de luth au perroquet,  huile sur bois, 70 x55 cm,  Fondation Custodia, Collection Fritz Lugt.
Maître des années 1540s,
La joueuse de luth au perroquet,
huile sur bois, 70 x55 cm,
Fondation Custodia, Collection Fritz Lugt.

Pour commencer, parlons de cette femme. Au XVIe siècle l’aristocratie s’habillait de manière raffinée et luxueuse. Cherchant à amplifier la beauté, hommes et femmes portaient de dentelles, de broderies en relief, de tissus riches et épais ainsi que des bijoux[3]. Mais il s’agit ici d’une tenue luxueuse et raffinée ? En tout cas pas selon les critères de la mode d’aujourd’hui ! Je vous propose donc de regarder quelques portraits des femmes « chic » de l’époque afin de nous faire à une idée plus juste.

Sofonisba Anguissola. Portrait d'Elisabeth de Valois, 1565.
Sofonisba Anguissola.
Portrait d’Elisabeth de Valois, 1565.
Maitre français du XVIe siècle. Portrait de Diane de Poitiers, ca.1550.
Maitre français du XVIe siècle.
Portrait de Diane de Poitiers, ca.1550.
Levina Teerlinc. Portrait d'Elisabeth I d'Angleterre à l'âge de 13 ans, ca. 1546.
Levina Teerlinc.
Portrait d’Elisabeth 1re d’Angleterre à l’âge de 13 ans, ca. 1546.

En effet, il y a quelques points en commun : la forme carrée du décolleté, les cheveux attachés coiffés d’un chapeau, le collier de taille importante, la robe en longueur d’un tissu à l’apparence épais. A première vue, cette femme semble appartenir à une classe sociale plutôt privilégiée et ce n’est pas anodin. Au contraire, l’appartenance sociale de cette femme est une information potentielle concernant le cadre social dans lequel le luth pouvait être pratiqué au milieu du XVIe siècle. Dans ce cas, l’image témoigne de l’existence de la pratique du luth au sein d’une classe privilégiée économiquement parlant. Ça tombe bien, les sources écrites en disent de même !

En ce qui concerne l’instrument, nous trouvons dans ce portrait les principales caractéristiques d’un luth de cette période : caisse de résonnance en forme de goute, fond voûté, rosace, chevalet en angle presque perpendiculaire par rapport au manche. En regardant de près, nous observons des légères lignes suggérant les frettes et nous pouvons conter 11 chevilles, ce qui indiquerait qu’il s’agit d’un luth à 6 chœurs (5 chœurs doubles et 1 simple)[4]. Nous déduisons que c’est un instrument en bois, dont les parties sont faites en variétés de bois différentes en couleur et propriétés.

Regardons maintenant les informations techniques que ce tableau peut nous livrer. La manière de tenir le luth nous indique que probablement cette femme était droitière. Cependant, la fabrication d’instruments pour gauchers est assez récente, entre-autres parce que auparavant le fait d’être gaucher était regardé d’un mauvais œil. On remarque que la main droite est placée conforme aux usages de l’époque, c’est-à-dire avec l’auriculaire sur la table de résonnance. Cependant, en regardant de plus près l’image, l’annulaire semble également être collé à la table, ce qui n’est pas très utile et peut d’ailleurs perturber le mouvement de la main[5].

La main gauche, quant à elle, n’est pas vraiment dans une position de jeu : les doigts sont très près des cordes (ils les touchent probablement) et surtout, aucun des doigts n’est placé sur une case. Il semblerait que cette dame utilise sa main gauche uniquement pour porter l’instrument. Si nous pourrions écouter le son résultant de cette position, il serait sans doute étouffé et très pauvre en mélodie. Nous constatons d’ailleurs que le pouce de la main gauche dépasse la partie supérieure de la touche, ce qui est peu pratique pour avoir une utilisation correcte de la force dans la main et qui est peu confortable pour de petites mains (mais il est difficile de savoir la taille des mains de notre invitée)[6].

Un dernier, et non moins important élément du tableau : le perroquet. Oui, l’apparition de ce petit oiseau sur l’épaule de cette « luthiste » nous laisse cois. En effet, je n’ai trouvé dans aucune source des informations concernant la pratique du luth avec perroquet sur l’épaule. Il semblerait d’ailleurs que ce soit un exercice difficile, car jouer du luth implique un mouvement du corps humain. Bien que la luthiste n’était pas obligée de se secouer pour jouer, l’animal aurait sans doute été dérangé avec le va et vien de l’épaule. Il est probable que le perroquet soit un élément ajouté a posteriori et qu’il ne fasse donc pas partie de la scène « modèle ». Il fait portant partie de la scène du tableau, ce qui confirmerait qu’un tableau est composé par des éléments réels et des éléments fictifs dont les proportions sont différentes pour chaque oeuvre.

Quoi qu’il en soit, après une observation de ce portrait, je suis entre ces trois conclusions : 1) soit cette dame n’est pas vraiment une luthiste, elle ne connait pas la technique du jeu et suis seulement les indications du peintre quant à la position à adopter (avec ou sans perroquet) ; 2) soit elle débute le luth et ne maitrise pas assez son art (ce qui explique les incohérences quant à la position) ; 3) soit notre invitée est une vrai luthiste plus préoccupée pour le résultat du tableau, ou bien dans une positions beaucoup trop encombrante (elle a quand même un perroquet sur l’épaule !) pour bien disposer ses mains sur l’instrument.

Vous me direz que les pirates se promenaient avec un perroquet sur l’épaule…

Laura Torres



[1] VACCARO Jean –Michel, La musique de luth en France au XVIe siècle, Paris, Éditions du C.N.R.S,  1981.
[2] Pour plus d’information concernant la pratique du luth des femmes de l’aristocratie Française, voir le premier chapitre en VACCARO Jean-Michel, op.cit.
[3] À propos de la mode au XVIe siècle, voir le blog de Dona Rodrigue http://un-certain-regard.eklablog.com [consulté le 19 janvier 2014].
[4] Pour plus de précisions concernant l’organologie du luth voir BOQUET Pascale, Le luth de A à Z, Paris (France) Société Française de Luth, 2007.
[5] Au sujet de la technique de la main droite au luth voir BEIER Paul, « Right Hand Position in Renaissance Luth Technique », Journal of the Luth Society of America 12, 1979, p.5-29.
[6]  Pour plus d’information concernant la technique de la main gauche au luth voir FABRIS Dinko, « Lute tablature instructions in Italy : a survey of regole from 1507 to 1759 », Performance on luth, guitar and vihuela (Victor Anad Coelho dir.), Cambridge, Cambridge University Press, 2005, p.16-46.

Le luth est aux anges!

Les images de personnages fictifs qui jouent d’un instrument sont récurrentes dans l’iconographie musicale. Mais quelque soit la part de fiction de ces images, elles présentent aussi des éléments qui relèvent du réel. Une lecture critique de l’image nous permet d’identifier ces éléments constituant une source potentielle d’information pour le musicologue.

A cette occasion nous allons étudier un tableau représentant à Sainte Cécile en train de chanter accompagnée de deux anges:

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Ce tableau, attribué à Pellegrino Tibaldi, a été peint entre 1620 et 1625. Ils nous présente trois personnages réunis autour d’une table pour faire de la musique. Au milieu de la scène, Sainte Cécile porte une partition et semble s’occuper du chant. Portée par sa main gauche, cette partition est au centre de son regard ainsi que de celui de l’ange jouant du luth. Sainte Cécile lève sa main droite, peut-être pour conduire l’ensemble, peut-être comme geste faisant partie d’une expression transportée.  Elle chante mais sa bouche n’est que très discrètement ouverte… Ce personnage est au centre de l’image mais elle n’est pas devant. C’est derrière une table accueillant plusieurs instruments de musique (l’un d’entre eux étant joué à l’instant même) que Sainte Cécile est présentée. Dans ce sens, ce sont les instruments qui sont au coeur de l’image, mis en avant par cette disposition.

Sur la table reposent une flûte, un instrument de percussion (similaire à un pandero), un violon et un luth soprano.Nous distinguons 7 chevilles sur le chevalet du luth, ce qu’indiquerait qu’il s’agit d’un instrument à 4 choeurs, 3 doubles et 1 simple. Le luth est posé de manière à ce que la table de résonance touche en même temps la table et un livre de musique. Il est d’ailleurs difficile de savoir s’il s’agit d’une partition ou d’une tablature.

L’ange qui se trouve à droite de Sainte Cécile, soit à gauche du spectateur, est placé à la fois derrière elle et derrière la table. Il est donc le personnage le plus loin par rapport au spectateur. Son regard se dirige vers l’autre côté du tableau, sans s’intéresser vraiment à la partition portée par Sainte Cécile. Ces doigts effleurent les cordes d’un harpe, mais ce personnage reste tout fois le moins impliqué dans la scéne musical, il est placé derrière et ne semble pas très investi.

D’autre part, nous remarquons que le personnage qui se trouve placé le plus devant de la scène exécute un instrument: un luth Son regard se dirige vers l’arrière de la scène, vers la partition plus précisément. Mais son corps laisse apparaître le luth dans toute sa splendeur. Il s’agit ici d’un luth à caractéristiques régulières: caisse de résonance en bois, fond voûté, rosace, manche fretté et chevalet en angle. Il est impossible d’établir de nombre de chœurs de l’instrument, mais par la dernière caractéristique cité, il est possible qu’il s’agisse d’un luth de la Renaissance. Les mains de l’ange sont disposées de telle manière qu’on peut imaginer qu’il en joue vraiment. Pourtant, un ange reste une figure imaginaire…à partir de quel modèle a été peint ce tableau?

En regardant de plus près, nous remarquons que la main droite n’est pas tout à fait « en situation ». Si bien l’auriculaire est placé sur la table, geste technique typique de cet instrument, l’index, le majeur et l’annulaire sont beaucoup trop repliés sur la paume de la main. Dans cette position-là ils sont presque inutilisables, le mouvement pour les rapprocher des cordes étant très grand.  Sa main gauche nous montre d’un côté un pouce bien placé mais le reste de doigts bien plus étirés qu’il le faudrait pour se placer sur les touches. D’accord, il joue peut-être qu’une ou deux notes… mais n’oublions pas que le luth est du XVIe siècle un instrument polyphonique. Pour jouer plusieurs voix au luth et pouvoir faire du contrepoint il faut bien évidement utiliser les doigts, que dans la main gauche, vont aller se placer sur les touches. Pas très crédible comme situation alors!

Laura Torres

Florence Gétreau et l’iconographie du luth

Au XVIe siècle, le luth est synonyme de raffinement, délicatesse, sensibilité et émotion. En Europe Occidentale, il est pratiqué par hommes et femmes appartenant notamment aux classes nobles. En Espagne, c’est la vihuela qui remplace le luth quant à cette description, et dans le cadre d’une valorisation de la pratique instrumentale individuelle, d’autres instruments de la même famille sont devenus populaires. C’est le cas de la guitare, du cistre et de la mandore.

Heureusement, quelques exemplaires des instruments de cette époque sont aujourd’hui conservés dans des musés et des collections publiques et privées. Leur existence permet non seulement une fabrication instrumentale plus précise car informée, mais une mise au point des éléments organologiques exposés dans l’iconographie. Si certains chercheurs se méfient des informations livrées par les sources visuelles d’autres, au contraire, considèrent que celles-ci peuvent permettre d’affiner la connaissance d’un instrument, son évolution, son mode de jeu, etc.

Florence Gétreau fait partie de ce dernier groupe. Aujourd’hui directrice de l’IRPMF au CNRS, l’organologie et l’iconographie musicale en Occident constitue un des thèmes de ces recherches. Étant responsable du Département de la musique et de la parole au Musée National des Arts et Traditions populaires de Paris, Gétreau dirige l’Unité de recherche associée du CNRS « Organologie et iconographie musicale » (1992-1995). À l’issue de cette expérience elle crée en 1995 la revue annuelle Musique.Images.Instruments publiée d’abord par Klincksieck puis par CNRS Éditions.

En ce qui concerne les instruments à cordes pincées de la famille du luth, les travaux de Gétreau évoquent le cistre, la vihuela et le luth. Elle est persuadée que les portraits de musiciens sont généralement une reproduction de la réalité et une indication de leur place dans la hiérarchie sociale et intellectuelle. D’après elle, certains des cistres de la Renaissance italienne qui sont aujourd’hui conservés, sont presque identiques à des modèles que l’on trouve dans la peinture de la même école. Ces instruments sont présentés dans des scènes parfois très symboliques, la plupart de temps entre les mains des musiciens. Elle nous explique que ces scènes renforcent la dualité de l’instrument : nous distinguons de modèles populaires (dans des scènes de cabaret, par exemple) et de modèles au frettage complexe (reliés à l’utilisation des cercles raffinés. Elle insiste sur le fait que même dans le cadre d’une scène hautement fictive, l’image des instruments peut être extrêmement fidèle à la réalité.

Par rapport à la vihuela, les travaux de Gétreau montrent qu’en dehors de l’iconographie espagnole religieuse, il est rare de trouver des scènes mettant l’instrument en situation réelle. La dimension symbolique de cette instrument est, d’après elle, comparable à celle du cistre et « certaines représentations de la Renaissance italienne proviennent en fait de monuments antiques retravaillés, modernisés en fonction des pratiques contemporaines ».
Les recherches de Florence Gétreau concernant le luth portent notamment sur l’instrument et ses représentations au XVIIe siècle. Dans ces dernières, il est fréquent de trouver une représentation du luthiste entouré d’une petite assemble, ce à quoi Gétreau donne le nom de « genre à la française ». Ces scènes sont, d’après elle, symbole d’amitié et d’harmonie, permettant également d’évoquer les tempéraments.

Voici quelques travaux de Gétreau qui peuvent être intéressantes pour notre sujet :

– « Corps, mais et visages de musiciens sous les crayons de Watteau », Antoine Watteau (1684-1721). La leçon de musique, Florence Raymond (dir.), Bruxelles, Bozar Books, Hannibal, 2013, p.39-43.
– Direction de « La musique aux Expositions universelles : entre industries et cultures. Musique-Images-Instruments », Revue française d’organologie et d’iconographie 13, CNRS Éditions, 2012.
– Direction de « Orchestres aux XVIIIe et XIXe siècles : composition, disposition, direction, représentation. Musique-Images-Instruments », Revue française d’organologie et d’iconographie musicale 12, CNRS Éditions, 2011.
– Voir la musique, Les sujets musicaux dans les œuvres d’art du XVIe au XXe siècle, Carcassonne, Musée des Beaux-Arts, 2009.
– Direction de « Iconographie musicale : enjeux, méthodes et résultats. Musique-Inages-Instruments », Revue française d’organologie et d’iconographie musicale 10, CNRS Éditions, 2008.
– « Tableaux de musique. L’art de représenter la musique sous Louis XV », Le sentiment musical en France au temps de Louis XV, Jean Duron (éd.), Mardaga, 2007, p.1-29.
– « L’iconographie de la vihuela », Aux origines de la guitare : la vihuela da mano, Joël Dugot (dir.), Paris, Les Cahiers du musée de la Musique 5, 2004, p.41-19.
– « Concerts et assemblées avec luthiste : un genre « à la française » et ses variantes », actes du colloque Luths et luthistes en Occident, Paris, Cité de la musique, 1999, p.295-304.
– Aux origines du Musée de la Musique : les collections instrumentales du Conservatoire de París. 1793-1993, Paris, Klincksieck/Réunion des Musées Nationaux, 1996.

Laura Torres