Au XVIe siècle, le luth est synonyme de raffinement, délicatesse, sensibilité et émotion. En Europe Occidentale, il est pratiqué par hommes et femmes appartenant notamment aux classes nobles. En Espagne, c’est la vihuela qui remplace le luth quant à cette description, et dans le cadre d’une valorisation de la pratique instrumentale individuelle, d’autres instruments de la même famille sont devenus populaires. C’est le cas de la guitare, du cistre et de la mandore.
Heureusement, quelques exemplaires des instruments de cette époque sont aujourd’hui conservés dans des musés et des collections publiques et privées. Leur existence permet non seulement une fabrication instrumentale plus précise car informée, mais une mise au point des éléments organologiques exposés dans l’iconographie. Si certains chercheurs se méfient des informations livrées par les sources visuelles d’autres, au contraire, considèrent que celles-ci peuvent permettre d’affiner la connaissance d’un instrument, son évolution, son mode de jeu, etc.
Florence Gétreau fait partie de ce dernier groupe. Aujourd’hui directrice de l’IRPMF au CNRS, l’organologie et l’iconographie musicale en Occident constitue un des thèmes de ces recherches. Étant responsable du Département de la musique et de la parole au Musée National des Arts et Traditions populaires de Paris, Gétreau dirige l’Unité de recherche associée du CNRS « Organologie et iconographie musicale » (1992-1995). À l’issue de cette expérience elle crée en 1995 la revue annuelle Musique.Images.Instruments publiée d’abord par Klincksieck puis par CNRS Éditions.
En ce qui concerne les instruments à cordes pincées de la famille du luth, les travaux de Gétreau évoquent le cistre, la vihuela et le luth. Elle est persuadée que les portraits de musiciens sont généralement une reproduction de la réalité et une indication de leur place dans la hiérarchie sociale et intellectuelle. D’après elle, certains des cistres de la Renaissance italienne qui sont aujourd’hui conservés, sont presque identiques à des modèles que l’on trouve dans la peinture de la même école. Ces instruments sont présentés dans des scènes parfois très symboliques, la plupart de temps entre les mains des musiciens. Elle nous explique que ces scènes renforcent la dualité de l’instrument : nous distinguons de modèles populaires (dans des scènes de cabaret, par exemple) et de modèles au frettage complexe (reliés à l’utilisation des cercles raffinés. Elle insiste sur le fait que même dans le cadre d’une scène hautement fictive, l’image des instruments peut être extrêmement fidèle à la réalité.
Par rapport à la vihuela, les travaux de Gétreau montrent qu’en dehors de l’iconographie espagnole religieuse, il est rare de trouver des scènes mettant l’instrument en situation réelle. La dimension symbolique de cette instrument est, d’après elle, comparable à celle du cistre et « certaines représentations de la Renaissance italienne proviennent en fait de monuments antiques retravaillés, modernisés en fonction des pratiques contemporaines ».
Les recherches de Florence Gétreau concernant le luth portent notamment sur l’instrument et ses représentations au XVIIe siècle. Dans ces dernières, il est fréquent de trouver une représentation du luthiste entouré d’une petite assemble, ce à quoi Gétreau donne le nom de « genre à la française ». Ces scènes sont, d’après elle, symbole d’amitié et d’harmonie, permettant également d’évoquer les tempéraments.
Voici quelques travaux de Gétreau qui peuvent être intéressantes pour notre sujet :
– « Corps, mais et visages de musiciens sous les crayons de Watteau », Antoine Watteau (1684-1721). La leçon de musique, Florence Raymond (dir.), Bruxelles, Bozar Books, Hannibal, 2013, p.39-43.
– Direction de « La musique aux Expositions universelles : entre industries et cultures. Musique-Images-Instruments », Revue française d’organologie et d’iconographie 13, CNRS Éditions, 2012.
– Direction de « Orchestres aux XVIIIe et XIXe siècles : composition, disposition, direction, représentation. Musique-Images-Instruments », Revue française d’organologie et d’iconographie musicale 12, CNRS Éditions, 2011.
– Voir la musique, Les sujets musicaux dans les œuvres d’art du XVIe au XXe siècle, Carcassonne, Musée des Beaux-Arts, 2009.
– Direction de « Iconographie musicale : enjeux, méthodes et résultats. Musique-Inages-Instruments », Revue française d’organologie et d’iconographie musicale 10, CNRS Éditions, 2008.
– « Tableaux de musique. L’art de représenter la musique sous Louis XV », Le sentiment musical en France au temps de Louis XV, Jean Duron (éd.), Mardaga, 2007, p.1-29.
– « L’iconographie de la vihuela », Aux origines de la guitare : la vihuela da mano, Joël Dugot (dir.), Paris, Les Cahiers du musée de la Musique 5, 2004, p.41-19.
– « Concerts et assemblées avec luthiste : un genre « à la française » et ses variantes », actes du colloque Luths et luthistes en Occident, Paris, Cité de la musique, 1999, p.295-304.
– Aux origines du Musée de la Musique : les collections instrumentales du Conservatoire de París. 1793-1993, Paris, Klincksieck/Réunion des Musées Nationaux, 1996.
Laura Torres