Les métropoles, avenir économique de la France ?

Vous pensez peut-être que l’essentiel du travail d’un chercheur consiste à produire des connaissances nouvelles ? Hélas non : il faut aussi rappeler que certaines connaissances communes, véhiculées parfois par des collègues eux-mêmes chercheurs, sont stupides contestables.

Exemple parmi d’autres : l’idée que la croissance économique passe nécessairement par la concentration des activités dans quelques métropoles, dans le cas de la France : l’Ile de France, avec comme argument en apparence imparable le fait que le PIB par habitant de la région capitale est nettement supérieur à la moyenne des région, preuve d’une évidente sur-productivité.

Michel Grossetti vient de publier un petit billet sur le sujet, dont je recommande vivement la lecture (en complément, voir aussi ce billet que j’avais écrit il y a quelques temps). Ce qui est cocasse, dans l’histoire, c’est que Laurent Davezies, qui est l’un des premiers à avoir critiqué l’utilisation de cet indicateur comme mesure de la performance des régions (page 3 et suivantes), tombe à pieds joints dans les travers qu’il dénonçait. Le côté schizophrène des chercheurs, sans doute (plus vraisemblablement son côté parisien).

Qu’on ne se méprenne pas, il ne s’agit pas que d’une bataille entre chercheurs : j’ai été invité à réagir la semaine dernière aux travaux de la Datar relatifs aux “villes intermédiaires” dans le cadre du travail de prospective “Territoires 2040”, j’ai pu constater que ce discours sur “les métropoles sont l’avenir de la France” et “L’Ile de France est la région la plus productive” imprégnait méchamment les esprits, des gens de la Datar, tout au moins. Dans le même sens, ce qui se prépare côté lois de décentralisation repose aussi très largement sur cette idée reçue.

Sur un sujet proche (“Vive la concentration!”), je recommande la lecture de cette interview de Christine Musselin sur la création des communautés d’Universités. On comprend l’intérêt du Ministère, qui veut réduire le nombre d’interlocuteurs. Croire dans le même temps qu’un nombre réduit de sites permettra d’augmenter la performance du système est une idée aussi stupide contestable que la précédente (voir cet autre billet de Michel Grossetti).

La première idée, comme la deuxième, ne tiennent pas la route empiriquement. J’insiste : elles ne tiennent pas la route empiriquement. Ce ne serait donc pas mal que les politiques publiques qui sont en train d’être définies évitent de reposer sur des idées invalides, je trouve…

5 commentaires sur “Les métropoles, avenir économique de la France ?

    • A ce compte on devrait tous travailler en rhénanie, parler allemand, et faire du reste de l’europe une colonie agricole et minière. Ce serait tellement plus efficace. Bien sûr dit comme ça, ca rappelle de mauvais souvenirs…

  1. Merci pour cet article, non seulement le tout-métropole (voire le tout-paris) à marche forcée repose sur des idées fausses mais sera couteux en problème sociaux et politiques.
    On ne peut faire une politique publique uniquement pour 40% de la population qui travaille dans les grandes métropoles (en fait surtout les 20% d’ile de france), et abandonner les 60% restants, d’autant plus que ces 60% concentrent ouvriers et employés en difficulté du fait de la mondialisation et qui n’auront aucune perspective d’ascension sociale car trop éloignés des métropoles “qui comptent”. Les gens ne sont pas des pions mobiles et remodelables à l’infini, dépourvus de toute attache territoriale et à leur mode de vie.

    Malheureusement c’est le chemin que prend le PS (et ses alliés), le tout porté non seulement par l’argument (faux) d’efficacité mais aussi par un discours écologiste de circonstance. Je suis un CSP+ parisien, et pourtant tout cela m’inquiète…

    • Précision: à mon avis la droite à aussi les mêmes idées reçues, sa méthode sera peut être plus lente (pour raisons électorales car les métropoles auront basculé à gauche) c’est tout.

  2. Evidemment qu’il y a eu un emballement sur les métropoles, considérées comme le fer de lance d’une mondialisation heureuses. Les analyses basées sur des mesures du PIB local, indicateur fortement biaisé ne peuvent être satisfaisantes. Pourtant la tendance à la métropolisation en Europe est bien là. De plus la qualité de vie dans ces métropoles semble pour beaucoup moins bonne que dans les villes moyennes. Impression qui mériterait d’être analysée, mais qui explique le succès médiatique des thèses de L. Davesies auprès des métropolitains. Une jeune MC nommé à Paris a intérêt à savoir bien gérer son budget, à Carcassonne c’est plus facile pour lui.

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