Ai-ce que le nivo bèsse?

Document intéressant de l’Insee sur l’évolution des difficultés à l’écrit et en calcul de différentes classes d’âge.

A l’écrit, les compétences s’améliorent, pour preuve ce graphique (en abscisse, les années de naissance) :

Amélioration qui s’explique notamment par le “développement de l’accès à l’enseignement secondaire : très faible pour les générations nées avant-guerre, il s’est généralisé dans les années 1960.”

Côté calcul, c’est moin bon :

On remarque d’abord que l’évolution des scores entre 2004 et 2011 par classe d’âge est très négative pour les plus anciens, ce que l’Insee interprète comme le signe du veillissement de de l’éloignement progressif du système scolaire. Pour les générations les plus récentes, la dégradation s’expliquerait par “l’usage de plus en plus répandu d’outils micro-informatiques dans la vie quotidienne (ordinateur, calculatrice, smartphone…) [qui] amoindrit sans doute chez les plus jeunes l’intérêt à maîtriser parfaitement les règles de base du calcul”. Côté calcul, les jeunes sont rationnels, donc.

En complément, je renvoie à ce vieux billet (2006), qui explique par un petit exemple le décalage entre l’évolution du niveau perçu par les enseignants à chaque niveau d’étude et l’évolution globale du niveau de la population. Le coupable? La massification de l’enseignement.

Et je reposte ces quelques citations qui traversent l’histoire de France (source) :

“Le niveau baisse, mais les coûts de l’école augmentent” (Un député fribourgeois, La Liberté 29.10.2001).
«Nous sommes préoccupés du maigre résultat obtenu, dans les examens, par l’analphabétisme secondaire… »«La décadence est réelle, elle n’est pas une chimère: il est banal de trouver vingt fautes d’orthographe dans une même dissertation des classes terminales.» (Noël, Deska, 1956).
«Avec les copies d’une session de baccalauréat, on composerait un sottisier d’une grande richesse…»«L’enseignement secondaire se primarise…» (Lemonnier, 1929).
«J’estime que les trois quarts des bacheliers ne savent pas l’orthographe.» (Bérard, 1899).
«D’où vient qu’une partie des élèves qui ont achevé leurs études, bien loin d’être habiles dans leur langue maternelle, ne peuvent même pas écrire correctement l’orthographe?» (Lacombe, 1835)

9 commentaires sur “Ai-ce que le nivo bèsse?

  1. Donc, en résumé, cher collègue, d’après vous le niveau baisse effectivement en moyenne chez ceux qui ont été scolarisés dans le secondaire, mais c’est tout simplement parce qu’avant il y avait beaucoup moins de gens scolarisés dans le secondaire (les autres partaient travailler à 16 ans etc.) ?

      • 1) Je ne suis pas sociologue 2) je n’ai pas les études en main, donc je ne marque ni approbation ni improbation.

        Est-ce que cette diversification des publics ne suggère pas une nécessité de diversification des cursus et des rythmes, alors que les politiques menées (collège unique etc.) sont allé dans l’autre sens, et qu’on n’a en revanche rien mis en place ou presque pour favoriser les reprises d’études ?

        • des cursus, des rythmes, des méthodes pédagogiques, plus enocre. A l’Université, on continue à faire comme si dispenser des contenus suffisait, alors que la majorité des étudiants ont besoin d’être accompagnés pour pouvoir s’approprier ces contenus. Mais on n’a pas le temps, les compétences, ni les incitations pour faire cela. Y’a du boulot, quoi…

  2. Je soupçonne notre cher professeur de pratiquer la provocation en publiant ce billet. Bien évidemment, le niveau général ne baisse pas. Chaque nouvelle génération est plus éduquée en moyenne et c”est très majoritairement l’effet massification de l’enseignement qui joue.
    Il reste la question d’une meilleure qualité de l’enseignement pour tous à laquelle tous les exercices de déni ou de cynisme, tant ancrés dans la mentalité nationale, ne pourront empêcher de devoir y répondre un jour.

  3. Malheureusement, nous ne pouvons plus soutenir le raisonnement que vous rappelez, et qui était celui de Baudelot et Establet dans leur livre du début des années 1990, Le Niveau monte.

    On dispose d’une série d’indicateurs qui montrent une dégradation des compétences en lecture et en orthographe après 4 ans de scolarité et à 15 ans (grâce notamment à l’enquête PISA). Voir cet article de l’INSEE qui résume très efficacement ces évolutions : http://insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ref/FPORSOC11l_D1_Eleves.pdf

    Par ailleurs, actuellement, la proportion d’élèves qui vont dans le supérieur stagne. Bref, si l’enquête de l’INSEE que vous citez avait des classes d’âge plus fines (pas 18-29 ans), il est probable que l’on verrait apparaître un recul, ou une stagnation.

    Ce qui est certain est que les professeurs de collège, et de tous les niveaux antérieurs, qui disent constater une baisse du niveau ont raison de le dire, alors même que cette baisse n’est plus le produit de la massification, qui est largement achevée à ces niveaux du système depuis plus de 20 ans. La baisse est réelle, et elle est attestée par une série d’enquêtes aux résultats convergents, portant sur tous les individus de la génération, et non pas sur les seuls scolarisés.

    Pour le dire différemment : c’est maintenant à l’université de compenser cette baisse des niveaux antérieurs en procédant à une vague de massification. Mais il y a des résistances…

    On pourrait bien sûr faire également en sorte que les niveaux antérieurs améliorent leur efficacité, mais 10 ans de politiques éducatives débiles (notamment les 5 dernières), cela laisse des traces. Lez difficultés de recrutement sont, de ce point de vue, le signe que ces politiques vont avoir des conséquences durables (voir notamment ces données très inquiétantes : http://www.education.gouv.fr/cid60943/donnees-statistiques-capes-session-2012.html (il faut faire attention à tous les postes non pourvus, en raison du trop faible niveau des candidats, que l’on voit en comparant le nombre de postes et le nombre d’admis)).

  4. Résumé intéressant. Mais je me permets, avec du retard, une remarque et une question.
    1. Il serait utile de légender les graphiques. Il m’a fallu aller chercher dans le document original pour comprendre que l’ordonnée de l’un représentait le contraire de celle de l’autre. (Mais c’était peut-être pédagogique)
    2. Dans quelle mesure la “hausse de niveau” peut-elle être expliquée par un vieillissement ? Le graphique 2 montre qu’avec le temps, la même classe d’âge “oublie”. Le plus faible niveau des plus âgés du graphique 1 pourrait donc s’expliquer en partie par leur vieillissement et non par un niveau moyen plus faible à âge égal. Les courbes 2004 et 2011 montrent un peu ce phénomène, mais peut-on extrapoler aux décennies précédentes ?

    • pour les graphiques, je plaide coupable, j’ai repris ceux de l’Insee dans leur doc, sans préciser outre mesure dans mon billet, c’est vrai. Sur le reste, vu les données, on ne peut pas trancher sur cette seule base, disons qu’il s’agit de deux hypothèses explicatives plutôt complémentaires.

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