Le classement des villes universitaires où il fait bon étudier (“L’Etudiant” bashing)

Je ne connais pas la progression des ventes ou des visites du site du magazine l’Etudiant, mais à mon avis, c’est plutôt positif. Il faut dire qu’ils se sont mis sur un créneau porteur : produire des classements. Des lycées, des écoles d’ingénieurs, des écoles de commerce, des prépas Math spé, des prépas commerciales, etc.

Dernier exemple en date : le classement des villes universitaires où il fait bon étudier. Classement toutes catégories, classement métropole, classement grandes villes, classement villes moyennes.

Je te vois venir, lecteur perfide : tu te dis que, “ça y est, encore un chercheur mécontent du rang de la ville universitaire où il travaille, qui va dénigrer bêtement le classement produit mais en fait c’est parce qu’il n’est pas content, tout ça, tout ça”. Ben non : L’Etudiant titre justement “la consécration pour Toulouse, Montpellier et Poitiers”. Poitiers est au premier rang des villes de taille moyenne. Youpi…

Ce n’est donc pas le problème. Le problème, c’est que ce classement, c’est du grand n’importe quoi. Il suffit de jeter un oeil sur la méthodologie et de mobiliser quelques neurones (un ou deux peuvent suffire) pour s’en convaincre :

  • 37 critères sont retenus cette année (tiens, l’an passé c’était 39 critères?!), classés en 9 thèmes. 37 critères auxquels sont appliqués des coefficients de 1 à 4 (on ne connait pas les coefficients appliqués), ce qui permet de définir 4 catégories… Critères, thèmes, catégories, coefficient… Vous suivez? Peu importe : seul le classement compte, on fait confiance à la déontologie du producteur du classement pour le reste…
  • liste des critères ensuite, avec, à l’évidence, plusieurs corrélés entre eux : nombre d’étudiants, nombre de fauteuils de cinéma, nombre de bars, nombre de formations supérieures. Plein de fois la même information, donc, et je vous dis pas avec le jeu des coef. ce que ça donne…
  • critères corrélés entre eux, mais, de plus, corrélés avec la taille des villes et/ou des Universités. Big is beautiful, apparemment (pour le lecteur non informé, je rappelle que le nombre d’étudiants à Harvard est le même que le nombre d’étudiants à l’Université de Poitiers),
  • un classement avec des évolutions radicales : Poitiers est passé du rang 3 au rang 1 des villes moyennes en 1 an, Bordeaux à gagné 5 places, Nancy, 6 places, Dijon en a perdu 5, etc. Quand vous vous intéressez à des éléments structurels, qui bougent lentement par définition, et que vous vous apercevez que le classement change très vite, une conclusion s’impose : votre “thermomètre” est pourri. Si vous voulez faire un meilleur boulot, il faut changer de thermomètre. Si les ventes sont bonnes, il faut le conserver.
Invité l’an dernier à intervenir lors d’une journée sur l’attractivité et le rayonnement des villes universitaires, j’avais déjà commencé mon topo sur ce classement pour faire les mêmes remarques. En amont de la préparation de mon intervention, en expliquant à l’un des organisateurs tout le bien que je pensais de ce classement, je m’étais exposé à la remarque classique “ah oui, comme vous êtes mal classés, etc” (d’où ma digression ci-dessus). J’avais également envoyé un mail à L’Etudiant, afin qu’ils me transmettent leurs données de base. Mail resté sans réponse.
Lors de la conférence, après mon intervention, la personne de l’Etudiant qui produit ce classement a réagi (elle était présente dans la salle, je ne savais pas). Pour me dire que oui, sans doute, ce classement avait des limites, mais que c’était juste de l’information donnée aux lecteurs, que c’était sans prétention, que les gens pouvaient ensuite en faire ce qu’ils voulaient, etc. Un côté naïf presque touchant, je dirais.
Bon, c’est pas tout ça, faut que je vous laisse : un article à réviser pour publication, histoire de faire monter mon Université dans le classement de Shangaï…

5 commentaires sur “Le classement des villes universitaires où il fait bon étudier (“L’Etudiant” bashing)

  1. Cher OBO, il me semble que lorsque vous vous agacez “Si on peut m’expliquer le rapport entre le nombre de visites au Parc du Futuroscope et la qualité des études à l’Université de Poitiers, je prends.”, vous perdez de vue le titre-même du classement : “… où il FAIT BON étudier” (et non “où les études sont de qualité.”)
    En l’occurrence, il me semble que des attractions touristiques qui ont du succès n’est pas un critère si farfelu que ça pour l’ “agréabilité” de la vie d’un étudiant.

    Signé : un fidèle lecteur habitant la ville classée n° 2 😉

    • Ça se voit que vous n’êtes jamais allé au Futuroscope 😉

      Je plaisante, vous avez raison, j’ai supprimé cet argument de ma liste des critiques.

  2. Bonjour.

    J’ajouterais que la répartition entre villes moyennes et grandes villes me paraît des plus fantaisistes…

    Exemples : Avignon (183 000 habitants) et Valenciennes (190 000 hab) classées dans les grandes villes, mais Le Mans (184 000 hab) et Caen (215 000) dans les villes moyennes…

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