Document Insee Première n°1162 particulièrement intéressant sur les niveaux de vie
et la pauvreté en France, par région et par département. Les différences de niveaux de vie permettent de repérer les régions « riches » et les régions « pauvres ».
L’indicateur retenu est le niveau de vie médian. Le rapport inter-décile entre le niveau de vie plancher des 10 % d’individus les plus aisés et le niveau de vie plafond des 10 % les
plus pauvres permet de mesurer l’ampleur des inégalités, et de distinguer des régions « inégalitaires » et des régions « égalitaires ».
Si l’on s’accorde sur l’idée que l’objectif économique essentiel de tout territoire est d’assurer à l’ensemble des habitants un niveau de vie élevé et croissant, ces données
permettent de repérer les régions qui atteignent mieux que d’autres cet objectif, étant entendu que quatre possibilités existent : régions riches égalitaires, régions pauvres égalitaires,
régions riches inégalitaires, régions pauvres inégalitaires.
Les quelques calculs que j’ai pu effectuer sur les données Insee disponibles en ligne montrent que la corrélation entre niveaux de vie et degré d’inégalités est mauvaise, au niveau des régions
comme au niveau des départements : le R² au niveau des régions est de 0,1351, la corrélation est faiblement positive (plus on est riche, plus on est inégalitaire). Si on enlève l’Ile de
France, le R² tombe à 0,0945, la corrélation est cette fois faiblement négative. Résultats à interpréter avec précaution, puisque la population est de 22 régions (21 quand on enlève l’Ile de
France). Au niveau des départements, le R² est de 0,3193, corrélation positive. Mais quand on enlève les deux départements les plus riches (75-Paris et 92-Haut de Seine), le R² tombe à 0,0928.
Bref, corrélations mauvaises, on a des territoires dans les quatre situations.
Pour compléter un peu, j’ai donc construit un tableau croisé régions riches/pauvres en ligne (niveau de vie supérieur/inférieur à la moyenne simple), et régions égalitaires/inégalitaires en
colonne (rapport interdécile D9/D1 inférieur/supérieur à la moyenne simple). On obtient le tableau suivant :
Régions |
« Egalitaires »
|
« Inégalitaires »
|
« Pauvres »
|
Auvergne
Champagne-Ardenne
Picardie
Limousin
Poitou-Charentes
Basse-Normandie
Bourgogne
Pays de la Loire
Lorraine
|
Corse
Languedoc-Roussillon
Midi-Pyrénées
Nord-Pas-de-Calais
|
« Riches »
|
Aquitaine
Bretagne
Franche-Comté
Haute-Normandie
Centre
Alsace
|
Ile-de-France
Provence-Alpes-Côte d’Azur
Rhône-Alpes
|
Aquitaine, Bretagne, Franche-Comté, Haute-Normandie, Centre et Alsace sont, sur la base de ces calculs, les régions les plus performantes. La Corse, le
Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et Nord-Pas-de-Calais, en revanche…
Intéressant votre tableau, mais heureusement que vous avez mis des guillemets à “égalitaires” ! Je suis ici dans la zone d’emploi de Châteaubriant où le revenu fiscal moyen est de 10 430 €/an , inférieur de 27 % au revenu fiscal moyen de la Loire-Atlantique (qui est de 14 365 €). – Voir ici : http://www.journal-la-mee-2.info/article.php3?id_article=6866Nous faisons donc partie des territoires pauvres dans une région pauvre ! Youpiii !Vous n’auriez pas par hasard, le revenu fiscal moyen des 340 (ou 348 je ne sais plus) zones d’emploi de France ?Merci de votre blog, je le lis régulièrementB.Poiraud
Interessant. Mais, au dela du simple constat, cette approche est elle réellement pertinente ? Les régions égalitaires ou inégalitaires le sont elles de leur propre fait ou cela dépend il de facteurs sur lesquelles elles n’ont pas de prise ?
Comment comprendre ces résultats ?
@ B. Poiraud : il y a 348 ZE en France, mais je n’ai pas les données à cette échelle, je ne crois pas qu’on puisse les avoir en ligne. Sinon: il est vrai que les disparités spatiales sont fortes à l’échelle des ZE, plus fortes qu’entre les régions. Il y a en partie un effet statistique (plus l’échelle d’observation est fine, plus les inégalités sont fortes), mais pas seulement. Cf. sur ce point l’article de Davezie et Veltz mis en lien dans ce billet : http://obouba.over-blog.com/article-2216678.html@ Finky : ce type de calcul permet d’évaluer l’ampleur des disparités spatiales. On peut ensuite s’interroger sur les modalités de réduction de ces disparités. Bien sûr, les Conseils Régionaux ou autres collectivités territoriales ne peuvent pas tout, mais il ne faut pas croire qu’elles ne peuvent rien. A minima, le suivi des indicateurs “niveau de vie” et rapport interdécile pourrait être un bon moyen pour juger de l’efficacité des politiques publiques mises en oeuvre sur les territoires…
Bonjour,Il serait intéressant de croiser ces résultats avec ceux de la dernière élection présidentielle, le rapprochement de données économiques et sociales avec des données politiques peut donner du sens à l’analyse.
Bien sur l’étude est intéressante puisqu’elle permet une typologie audacieuse des régions. Cependant, il me semble olivier qu’on pourrait aller plus loin en s’intéressant plus particulièrement à la qualité de vie qui règne dans ces régions.Bien sur je défend un peu ma paroisse ici, mais l’approche monétaire stricto sensu n’est pas le reflet de la qualité de vie des habitants. Tout au plus permet-elle de rendre compte de certains disparités. Il serait égalment opportun de s’interroger sur l’existence de variables macro-économiques et macro-sociales permettant de considérer autre chose que le niveau de revenu pour juger des performances régionales.Si tu te lances dans ce travail je suis partant pour t’apporter ma maigre science et mes quelques connaissances pour aboutir à des résultats sympathiques… Je reste à ta disposition si le coeur t’en dit
@ Aalexandre : sujet forcément intéressant. A mon avis, une bonne stratégie consisterait à partir de l’analyse de Fleurbaey et Gaulier (voir ici : http://sceco.univ-poitiers.fr/teir/olivier/pdf/fleurbaey.pdf), voir si on peut appliquer aux régions… Je garde ta proposition dans un coin, à suivre…
Votre analyse est intéressante et je vous suis globalement lorsque vous écrivez que “l’objectif économique essentiel de tout territoire est d’assurer à l’ensemble des habitants un niveau de vie élevé et croissant”. Mais j’ai envie de poser deux limites à votre analyse. La première tient, bien sûr, à celle de l’indicateur retenu : le niveau de vie. Est-il porteur de tout le sens qu’on peut lui donner ? Vivre en dessous de 15 000 euros – calculé à partir du revenu disponible – n’est pas équivalent en Dordogne en milieu rural, et dans le département du Nord en milieu urbain. Comment intégrer les consommations hors marché ? Comment tenir compte des externalités positives et négatives ?
La seconde limite bien sûr c’est la croissance de ce niveau de vie. Dépenser toujours plus pour être plus heureux ?
Merci par avance de vos réactions.
@ Michel Beaumont : i) ce serait déjà bien que les collectivités suivent l’évolution des niveaux de vie et des inégalités sur leurs territoires, de manière un peu systématique, ce que, à ma connaissance, elles ne font pas.ii) sinon, bien sûr, on peut aller plus loin. Ce que vous dites rejoins les remarques d’Aalexandre, même réponse : il existe des méthodologies permettant de dérouler une analyse plus complète, par exemple celle de Fleurbaey et Gaulier
@ Olivier : merci pour la référence de Marc. J’avoue quej’étais un peu passé à côté, mais je vais imprimer tout cela et lire attentivement.L’introduction de variables non-économiques au sens strict du terme est tout à fait possible dès lors que l’on possède les données à ce sujet. La construction d’indicateurs ne pose non plus pas de problèmes.De même, si les données existent il pourrait être intéressant de mettre en perspective l’approche par le revenu, l’approche par les conditions de vie (disons) et une approche en termes de satisfaction de la vie (life satisfaction), même si cette dernière est soumise à pas mal de critiques et de problèmes.Enfin voilà, comme je te le disais précédemment, je reste à ta disposition.voici mon adresse courriel : alexandrebertin31@gmail.com
En dehors des cas particuliers de la Corse et du Languedoc-Roussillon, les régions “inégalitaires” sont toutes des régions “métropolitaines” abritant les 6 plus grandes aglomérations françaises. Ces différences entre régions ne reflètent-elles pas plutôt un clivage métropoles / zones rurales ? D’ailleurs, l’Ile-de-France n’est-elle pas beaucoup plus inégalitaire que les autres ?
@ Yom : très bonne remarque s’il en est. En effet, il semble que les inégalité soient plus criantes dans les zones métropolitaines que dans les zones rurales.Il me semble que ce résultat est le produit de la mixité sociale plus importante dans le triptique hyper-centre/périurbain/banlieues que dans les zones plus rurales. Les différences de revenu sont plus importantes dans ces zones qu’à la campagne, même s’il est difficile de généraliser.Un modèle économétrique nous permettrait de mettre en évidence les effets de la localisation géographique des ménages sur les inégalités de revenu.Cependant, et je reviens à mes premiers commentaires, il serait également pertinent de mesurer l’impact de la localisation géographique sur la qualité de vie (en déterminant des critères cohérents comparables entre les deux milieux)… Pour cela je suis partant !