Heures supplémentaires supplémentaires

C’est aujourd’hui que la
détaxation des heures supplémentaires entre en vigueur
. L’objectif, je vous le rappelle, est de faire en sorte que les salariés puissent travailler plus pour gagner plus.

Bon, apparemment, il y a eu un léger problème d’évaluation du
coût de la mesure , puisque le gouvernement a “oublié” de comptabiliser le coût des heures supplémentaires supplémentaires
, préférant raisonner à
volume constant, ce qui est un comble quand on introduit une mesure visant à augmenter ce volume…

Bon, on me répondra que nos ministres ne sont pas fous : si le volume des heures sup augmente, cela va se traduire par plus de consommation, donc plus de croissance, donc plus de rentrées
fiscales, donc des moyens de financement de l’accroissement initial du volume. Les économistes s’étant penchés sur le sujet sont plutôt sceptiques, si l’on en juge par ce rapport du Conseil d’Analyse Economique signé par Cahuc, Artus et Zylberberg. Extrait :

L’attention se porte désormais sur la diminution du taux de majoration et des charges sociales sur des heures supplémentaires pour accroître les revenus et
valoriser le travail. Pourtant, rien n’indique que de tels dispositifs seraient susceptibles d’atteindre ces buts. Au contraire, ils contribueront à complexifier la législation avec un
risque de coût exorbitant pour les finances publiques et un impact très incertain sur l’emploi et les revenus
. Une diminution du taux de majoration des heures supplémentaires entraîne
une augmentation de la demande d’heures supplémentaires de la part des entreprises et une substitution des heures de travail aux postes de travail défavorable à l’emploi et au revenu global.
Cet effet défavorable est néanmoins contrebalancé par une diminution du coût global du travail. En théorie, l’impact sur l’emploi et le revenu d’une hausse du taux de majoration des heures
supplémentaires est donc ambigu, il dépend de la technologie des entreprises et de la sensibilité de la demande par rapport au prix de leurs produits. Empiriquement, la connaissance des ordres
de grandeur sur les différents paramètres technologiques et de demande ne permet pas de déterminer avec certitude l’effet sur l’emploi. (…)
Un allégement des prélèvements obligatoires sur les heures supplémentaires accroît le pouvoir d’achat de ceux qui travaillent au-delà de la durée légale. Néanmoins, en contrepartie, le
financement de cet allégement réduit le revenu des salariés qui ne font pas d’heures supplémentaires. En outre, cette mesure a un effet négatif sur l’emploi, puisqu’elle incite les entreprises
à substituer des heures de travail aux hommes. Au total, l’allégement des prélèvements obligatoires sur les heures supplémentaires a donc un impact très incertain sur l’emploi et le revenu
lorsque son financement est pris en compte.
Mais là n’est pas l’essentiel : un inconvénient majeur de ce type de mesure est qu’il risque de favoriser des comportements «opportunistes». Ainsi, un employeur et son salarié
peuvent conjointement gagner à abaisser (ou à ne pas augmenter) le taux de salaire des heures normales et à déclarer fictivement un grand nombre d’heures supplémentaires (ce qui est très
difficilement contrôlable) afin de bénéficier des avantages fiscaux. Certes, ce phénomène ne se réaliserait sans doute pas du jour au lendemain. Mais, à terme, la durée réelle du travail ne
s’en trouverait pas modifiée, et les finances publiques en souffriraient grandement.

Bon, mais il n’y a pas de souci, l’opportunisme peut s’exprimer : Eric Woerth a
prévu une réserve de précaution de 7 milliards d’euros
,
réserve qui “pourrait servir en cas de “dépenses imprévues”, comme par exemple un succès supérieur
aux prévisions des heures supplémentaires défiscalisées”.

8 commentaires sur “Heures supplémentaires supplémentaires

  1. “l’opportunisme peut s’exprimer”:  je ne m’attendais  pas à son financement prévu,  mais  à la célébration  de son expression par le  fric-frac exposé  à la fin de l’encadré, conforme au crédo du nouveau pouvoir, tout est bon pour s’enrichir à condition de ne pas se faire prendre (ou d’être dépénalisé).Sinon, dans une entreprise où rien ne change après le 1 octobre, ça doit exister, n’est-on pas dans l’effet d’aubaine pour le patron comme pour le salarié et cela pour des fifrelins sans conséquences quantifiables sur la santé économique ou le pouvoir d’achat? Enfin, quid du taux de majoration des heures sup ces derniers temps? voilà bien une variable d’ajustement propre à vider le dispositif de son apport pour le salarié, non?

  2. La capacité à savoir saisir les opportunités n’est-elle pas la marque de l’innovateur ?Une législation excessivement complexe est juste un mécanisme discriminant entre les entrepreneurs audacieux et les rentiers de l’économie. En faveur des premiers, bien entendu.Regardez ! L’Education Nationale elle-même se saisit immédiatement de l’opportunité en balançant 13.000 heures de service supplémentaires dans les collèges pour les “orphelins de 16h”.

  3. Une fois de plus, une mesure de type “allégements de charges” concédée sans contrepartie ni de moyens, ni de résultats, et qui viendra s’ ajouter aux dizaines de milliards déja octroyés dans ce domaine…

  4. est ce que quelqu’un peut m’expliquer un détail.Depuis 20 ans la France a fait des gains de productivité qui nous placent dans le peleton de tête en la matière.A moins que je n’ai pas bien compris, cela s’appelle travailler plus non?Ils sont où les “gagner plus” dans cette affaire? Parce que si les nouvelles mesures sont aussi efficaces, je proposerai bien de laisser tomber tout de suite et commencer à rembourser notre dette maintenent plutôt qu’en 2012.

  5. J’ai 10000salariés qui font 35h, je les passent à 37(ils n’ont pas le droit de refuser) je reste dans le cotat annuel des h sup. A heures de travail égales, je peux supprimer 1000 emplois. L’h sup étant moins chères que l’heure normale l’intéret pour l’employeur est de faire faire un maximum d’h à un minimum de personnes. Bref c’est une mesure qui va détruire des emplois, qui plus est cela va creuser le trou de la sécu, des assedic, des caisses de retraites etc. 

  6. 10.000 salariés ? En France ? Quelle drôle d’idée : vous travaillez pour l’éducation nationale ? L’industrie de l’armement ? Les sous-traitants de la SNCF ? Les compagnies des eaux, du gaz ou de l’éelctricité ?

  7. Cela fait maintenant 6 mois que nous avons élu Nicolas Sarkozy Président de tous les français, 6 mois que le gouvernement travaille à la mise en oeuvre des réformes promises par le candidat de l’UMP. En ce dernier jour d’octobre, certains d’entre nous peuvent constater sur leur bulletin de salaire la mise en application d’une des mesures phares du programme Présidentiel : l’exonération de charges sur les heures supplémentaires. Tout d’abord, laissez moi vous dire qu’en tant que gestionnaire, j’appréhende avec scepticisme toute mesure visant à exonérer de charges certaines tranches de notre société alors que, comme nous l’a si bien rappelé notre Premier Ministre, l’Etat français n’est pas riche aujourd’hui. En effet, nous connaissons bien la formule : il s’agit souvent de donner d’un coté pour reprendre de l’autre … Maintenant, je suis à titre personnel, particulièrement séduit par cette mesure que je trouve positive à la fois pour l’employeur et pour l’employé même si les formalités comptables auraient pu être simplifiées. On voit très bien là la patte des hauts fonctionnaires de Bercy qui ont transformé une fois de plus une idée simple en parcours du combattant pour le service comptable. Concrètement, l’exonération de charges sociales à hauteur de 21.5% du montant des heures supplémentaires se traduit pour le mois d’octobre pour un employé travaillant 39h par un gain net d’environ 40 euros pour un salarié au SMIC à une centaine d’euros pour un cadre supérieur (sans travail supplémentaire). Il s’agit là du premier effet kisskool, suivi bientôt du deuxième effet puisque les heures supplémentaires n’apparaissent plus sur le revenu imposable, ce qui devrait alléger quelques feuilles d’imposition dans un avenir proche … Je ne puis dire si ces mesures impacteront fortement la consommation en France, par contre il s’agit bien là du premier geste en faveur du travail depuis plus de 10 ans ! Jusqu’à maintenant, l’employé qui effectuait des heures supplémentaires avait l’impression justifiée d’être lésé par rapport à ceux qui bénéficiaient des RTT ou qui partaient en week-end le vendredi à midi. En effet, les heures supplémentaires travaillées avaient plus tendance à faire monter le salaire brut et la feuille d’imposition de celui qui les effectuait que son pouvoir d’achat réel. Gràce à ses nouvelles mesures, le travail supplémentaire se traduira par un pouvoir d’achat supplémentaire (pour partie immédiat)donc une motivation supplémentaire. De plus, il s’agit d’une bonne manière de lutter contre l’absentéisme au travail, l’heure de travail marginale mieux payée que l’heure de base et encourageant donc la présence au quotidien. On discutera plus tard du coût et du bénéfice chiffrés de la mesure mais le monde de l’entreprise peut déjà se réjouir de la mise en place de réformes pragmatiques, incitaives, en d’autres mots, intelligentes de la part du gouvernement. A ceux qui critiquent la mise en avant des heures supplémentaires et qui l’opposent à l’embauche pure et simple, je leur répondrai qu’il n’y a pas opposition mais complémentarité entre les deux solutions et que tout le talent du chef d’entreprise est savoir faire à un moment précis le meilleur choix pour la situation donnée

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