Coûts cachés

Je l’ai dit souvent sur ce blog, expliquer les délocalisations par les différentiels de coût du travail n’a pas de sens : il faut intégrer d’une part les différentiels de productivité et d’autre part les coûts de la coordination à distance liés à la délocalisation (coûts de transaction).
Si on peut espérer que les responsables d’entreprises intègrent les différentiels de productivité avant de prendre une décision, on peut s’interroger sur leur prise en compte des coûts de la coordination à distance. C’est d’une certaine façon ce qui ressort d’un de mes derniers billets sur les problèmes de qualité. C’est ce qui ressort également d’une étude de McKinsey [1] réalisée aux Etats-Unis en 2005.

Graphique et explications :

Le Cabinet d’étude compare, pour deux secteurs d’activité (fabrication de plastique et habillement) les coûts liés à une production en Californie (Cal. sur les graphiques) et les coûts liés à une fabrication en Asie.
Première colonne : les gains de coût perçus par les responsables d’entreprises en délocalisant. 22% dans la fabrication de plastique, 50% dans l’habillement.
Deuxième colonne : les gains en intégrant les coûts complets, c’est à dire les surcoûts liés à la logistique, assurance, formation, défauts, etc… Ces coûts complets sont la somme des coûts de production et des coûts de transaction, ils sont souvent sous-estimés par les entreprises.
Troisième colonne, les gains de "coût complets réels après lean".

La lean production correspond à un mode d’organisation de la production ("production au plus juste") introduit par Toyota et destiné à réduire les délais, les stocks et à améliorer la qualité des produits. Et si les firmes occidentales, dans tout un ensemble de secteurs, en voient bien les avantages, elles ont parfois du mal à le mettre en oeuvre.

Ce que suggère l’étude McKinsey, c’est que les entreprises auraient intérêt à mettre dans la balance la réduction potentielle des coûts liée à cette nouvelle forme d’organisation. Au final, le différentiel de coût entre délocaliser en Asie, d’une part, ou rester aux Etats-Unis avec travail de réorganisation de l’activité, d’autre part, est considérablement réduit : 3% dans le plastique, 13% dans l’habillement. Dans certains cas, l’écart résiduel reste suffisant pour que le choix se porte sur la délocalisation (l’écart de 13% dans l’habillement). Dans d’autres cas, il est "négligeable" (l’écart de 3% dans le plastique) voire favorable aux pays développés,  surtout si l’on garde en tête que l’étude de McKinsey relève d’un travail de "statique comparative", qui néglige la dynamique des coûts.

Ceci permet de comprendre pourquoi, au final, les délocalisations vers les pays en développement pèsent peu. Ceci montre aussi que si des adaptations sont nécessaires côté pays développés, elles consistent moins à faire pression à la baisse sur les salaires qu’à faire évoluer les modes d’organisation dans l’entreprise et entre les entreprises…

Notes

[1] McKinsey, "California Manufacturing Competitiveness Initiative", 2005

27 commentaires sur “Coûts cachés

  1. "Si on peut espérer que les responsables d’entreprises intègrent les différentiels de productivité avant de prendre une décision, on peut s’interroger sur leur prise en compte des coûts de la coordination à distance"Il semble que les entreprises commencent à le comprendre, si l’on en croit la tendance récente à la diminution de "l’outsourcing" :http://www.ft.com/cms/s/bfed9e1c-5a56-11db-8f16-0000779e2340.htmlSi l’on en croit cet article, l’outsourcing a connu un maximum en 2004 et est en baisse depuis.Et en baisse importante : -20% de trimestre à trimestre entre 2005 et 2006.

  2. Votre raisonnement n’est pas contestable en tant que tel : le postulat explicite de la rationalité simultanée à court, moye, et long terme des décisions de gouvernance d’entreprise l’est davantage. Diriger une entreprise dont on est pas le propriétaire ne consiste pas à prendre de bonnes décisions, mais à prendre les décisions qui vont dans l’intérêt des actionnaires.Dans un contexte de mobilité absolue des capitaux, l’intérêt à court terme de l’actionnaire vaut toujours celui à long terme. Or, une entreprise "pré-mondialisée", expurgée des lourdeurs, habitudes et engagements explicites et implicites des vieilles entreprises européennes vaut évidemment plus cher qu’une autre, puisqu’elle est pré-réformée, et éventuellement reconstuctible rationnellement sans avoir pour autant à assumer la restructuration de l’existant.

  3. @Liberoïdal: j’ai rien compris à votre phrasé.
    Le pseudo jargon employé veut t’il dire quelque chose de précis ou bien il est juste là pour faire sérieux? Je dis cela parce que l’auteur du site tente d’être pédagogique en étant clair, là ça détonne.
     
    Pour revenir au sujet, il y a quelque jour un ami m’expliquait que dans son entreprise certains cadres avaient justement réalisés un audit sur le gain réel apporté par la délocalisation d’une certaine partie de leur production. lls avaient trouvé que le gain se traduisait plutôt par un surcout .
    La réponse de la direction a été très claire: nos concurrents font pareil!
    Le témoignage vaut ce qu’il vaut évidement, mais p-e d’autres lecteurs de ce site pourront confirmer (ou non)?

  4. @ libéroidal et fred : peut-être dites vous finalement la même chose (bon, sachant qu’effectivement les propos de Libéroidal mériteraient d’être précisés) : si on délocalise c’est moins pour accroître l’efficacité économique que pour plaire aux actionnaires (Libéroidal) ou à la direction (Fred).J’en parle dans les "nouvelles géographies" : on a affaire à quelque chose qui ressemble à une nouvelle convention partagée par les acteurs et qui permet de simplifier les prises de décision : "une bonne entreprise est une entreprise qui délocalise" (on avait avant, autre convention logntemps dominante, "une bonne entreprise est une entrperise de la nouvelle économie"). Ce genre de comportements mimétiques existent, ils n’expliquent pas tout, l’enjeu serait d’évaluer leur importance. Fred, si votre ami peut/veut discuter plus en détail du cas de son entreprise, je suis preneur!

  5. L’étude intègre-t-elle le différentiel de risque ? Il y en a plusieurs qui pendouillent sur les délocalisations :- risque politique local (coups d’etat)- risque politique international (si les terroristes ciblent les porte-conteneurs)- risque de change (la monnaie chinoise par exemple)- mouvement ouvriers, hausse des salairesPour ce dernier point voir ici :http://www.eurotrib.com/story/2006/10/14/162038/01Ces risques n’ont pas vraiment d’assurance (a part pour le change, mais la plupart des entreprises ne se couvrent pas).

  6. n’entre pas dans cette "évaluation" la perte de savoir-faire, le manque de recettes pour la sécu, les impôts…bref, ce qui fait sens dans la société, et ne sont pas évalués les interactions entre métiers..entre générations…le coût social et "culturel" !!
    mais les "capitalistes" c’est comme les troupeaux d’éléphants affolés, il faut courir le plus vite possible même si c’est vers le précipice en écrasant les plus faibles…
    Tant que la "moralité" ne sera pas une valeur cotée en bourse, tant que le Président des USA ne sera pas un véritable "révolutionnaire"…c’est et ce sera la merde.

  7. Passionnant, et diablement instructif! En plus c’est clair comme de l’eau de roche.A vrai dire, même sans être un spécialiste du sujet, on devrait s’en douter, ou au moins l’envisager. La délocalisation a forcément un cout, et si on intègre là-dedans les problèmes humains et sociétaux que cela impose, ben ca devient souvent grotesque.Un truc tout bête, qu’un autre visiteur a évoqué: le problème du transfert de savoir et de savoir-faire, de "compétence" comme disent les novlanguiens de nos jours.Ce problème est en général complètement ignoré, et ca vaut plus largement pour les licenciements en général ou la mise à la retraite de personnes plus agées. Or le savoir et le savoir-faire ne surgissent pas du néant, on ne peut les acquérir et les transférer avec une baguette magique. Problème encore plus pointu lorsque le travail est plus qualifié, mais valable dans tout les cas.Il y a des boites qui se foutent elles-mêmes, grace à la gestion catastrophique via l’actionnariat ou le pdg, dans des merdes noires, parce qu’elles se fichent peu ou prou du savoir accumulé par leurs salariés. Que les salariés puissent acquérir un savoir, qui leur soit propre, et qu’ils emportent avec eux en quittant l’entreprise, ca doit d’ailleurs faire grincer des dents pas mal de "managersss". Il y a pas mal de tentatives dans ce sens pour restreindre la reconnaissance d’un savoir-faire à un emploi donné dans une entreprise précise. Et lorsque le salarié quitte la boite, paf, aucune reconnaissance de tout ce qu’il appris.Sans parler des problèmes de formation des salariés, de mise à niveau etc..Bref la délocalisation, c’est plus un problème qu’une solution, sauf,  evidemment, lorsqu’on cède aux sirènes de l’argent facile et immédiat.

  8. N’oublier pas que les décideurs sont également des moutons (à l’image du peuple d’en bas en général). Ils sont enfermés dans un monde ou le mensonge est pratiqué pour cette propagande dédiées à ceux qu’on fait croire qu’ils n’ont rien à avoir avec le peuple d’en bas (Non rien à avoir avec les moutons), on leur bourre le crâne avec des mensonges que dans une autre contré sans régle, ils ont plus à gagner…
    Il ne faut pas s’étonner de la stupidé de leurs décisions

  9. Obouba: Je crois que vous interprétez effectivement mes propos, à un détail près : être dirigeant d’entreprise est un travail. Il ne s’agit pas de plaire, mais de servir l’intérêt de celui qui vous paye, c’est à dire, d’augmenter le cours des parts sociales de l’entreprise chaque jour, et non pas de chercher quelque optimum de profit à quelque terme que ce soit. Car l’actionnaire ne s’intéresse pas à l’entreprise, mais à l’investissement de son capital dont une entreprise donnée n’est que le support provisoire, à un instant.

  10. OK,Je vais essayer de convaincre mon ami de venir par ici…
    Cette fois Liberoid je comprends et je ne peut qu’être d’accord
    ceci étant ne généralisons pas trop. Il existe tout de même des boites où les responsables sont… responsables. De vrais entrepreneurs quoi.
    On ne peut par exemple pas accuser sérieusement les Michelin, St-Gobain ou autre Laffarge de gérer l’entreprise au seul profit immédiat. Dans tous les cas ces sociétés ont su convaincre leurs actionnaires de voir loin et qu’il est nécessaire d’investir si on veut durablement avoir des revenus.
    Le problème de la perte de compétence et de la mise en danger de l’entreprise est effectivement inquiétant. Je suis dans l’informatiqu et je dois dire que certains clients.. ben je voudrai pas être actionnaire chez eux.
    je connais le cas d’un éditeur qui sous traite l’essentiel de ses développements au sri-Lanka. Pays en quasi guerre civile. Potentiellement cette société peut disparaître du jour au lendemain.
    dans celle où je suis en mission je termine des finitions sur une appli de gestion financière utilisée par divers services. La seule personne qui connaît cette appli du point de vue métier, c’est un consultant, il part dans 1 mois! Ne connaissant rien à la finance je serai bien incapable d’assurer seul la maintenance du bidule. Bon, je ne prétends pas non plus que l’appli est le coeur de métier de mon client… Mais des exemples de ce genre je crains que l’on en connaisse tous.
     

  11. Je ne suis pas économiste moi-même, mais si je lis les graphiques, je crois comprendre qu’il reste des gains de productivité à réaliser dans les entreprises occidentales, sans nécessairement peser sur les salaires. Arriver à des écarts de coût aussi faibles que ceux relevés par cette étude, si l’on y ajoute les autres avantages qu’il y aurait à ne pas délocaliser, comme maintenir en Europe un climat social propice à la consommation, cela devrait donner à réfléchir aux "décideurs"…On pourrait aussi espérer voir les candidats aux prochaines échéances électorales prendre ces données en compte.

  12. @ Laurent Guerby : à vérifier, mais a priori tous les risques ne sont pas pris en comptesur le problème perte de compétences : plutôt d’accord avec tous ceux qui soulignent que cet aspect est mal pris en compte par les entreprises. Pour les activités les plus banales, il joue moins, mais pour d’autres, il est essentiel. Il va se poser à l’évidence avec le papy boom dans tout un ensemble d’entreprises.

  13. à première vue, on pourrait effectivement croire que le comportement des dirigeants d’une entreprise non-cotée pourrait être différent de celui des mercenaires des entreprises cotées.Ce n’est hélas que rarement vrai, pour plusieurs raisons :La première est que le recours au crédit bancaire pour l’investissement industriel implique souvent l’acceptation de méthodes et règles rapprochant les contraintes subies par les entreprises non-cotées à celles des entreprises cotées.La seconde est la coté générique des solutions, méthodes, et outills de gestion et de reporting : passée une certaine taille, soit l’entreprise developpe en interne sa propre informatique logistique, financière, comptable, soit elle adopte un standard du marché qui impose souvent de par sa seule présence une réingénierie des processus de l’entreprise. Pire encore, les enseignements dispensés en gestion/finances/compta/cota sont tellement génériques que même l’Etat français semble avoir du mal à recruter des bac +4/+5 adaptables à ses méthodes particulières de gestion.La troisième est l’effet introduit par les mutualisations inter-sectorielles : je m’explique : lorsque différentes entreprises exerçant sur des marchés très distincts mais étant toutes en concurrence sur leurs marchés respectifs partagent des méthodes d’analyse et de gestion, elles peuvent mutualiser leurs coûts de back-office dans des back-offices génériques, employant les solutions informatiques, outils, méthodes génériques et réaliser de considérables économies d’échelle face à leur concurrence…. à condition de rentrer dans le moule pré-supposé par le simple fait de recourir aux solutions du marché mondial des solutions de management. Ainsi, au fur et à mesure que la complexification des contraintes règlementaires, sociales, etc., la dépendance de l’entreprise à son informatique de gestion et donc, aux solutions génériques de gestion se basant sur les postulats de structure et de gouvernance qu’Obouba aimerait bien présenter comme innefficaces s’accroit (à partir d’une certaine taille d’entreprise, évidemment..)

  14. je pense que malheureusement, les effets de "mode" idéologiques jouent à plein sur ces questions de délocalisation … on voit des entreprises délocaliser leur production , 5 ans , et relocaliser à la limite de la faillite , alors que rien ni personne n’incitait à ce mouvement, sinon un air du temps trés irrationnel …

  15. les marques du plaisir: au risque de vous paraître infiniment cynique, je vous répondrais qu’après tout, lorsque l’actionnaire pense que son intérêt est de délocaliser, mieux vaut délocaliser et attendre l’échec de la délocalisation plutôt que tergiverser. Les cassandres et autres porteurs de mauvaises nouvelles ne sont jamais remerciés, bien au contraire.Et comme le disait si justemment le marin shaddock "Quand on ne sait pas où on va, mieux vaut y aller le plus vite possible."Même en raisonnant dans l’intérêt des travailleurs, quand une entreprise cotée douilletement installée sur son marché national se donne des ailes délocalisantes, elle se met, à l’évidence, en danger, mais au profit de ses concurrents, dans lesquels les mêmes investisseurs que ceux par ailleurs actionnaires de l’entreprise mammouth-douillette ont investi. Au final, c’est toujours l’entreprise la plus performante qui gagne, laquelel, évidemment, connait la valeur du capital humain.Et enfin, il faut bien reconnaitre que seules les entreprises en expansion embauchent des jeunes et leur confient des défis à la hauteur de leurs moyens. Donc, les délocalisations, même condamnées à l’avance, sont toujours une bonne chose pour donner leur chance aux jeunes.

  16. Quelqu’un a-t-il un ou des exemples d’entreprise au bord de la faillite obligée de relocaliser alors qu’un concurrent étant resté local se porte comme un charme?
    Je demande peut-être la lune mais quelqu’un pourrait-il me fournir aussi un exemple d’étude sur les courbes de profits réelles avant et après délocalisation dans un secteur donné?

  17. certains ont l’air de croire que seules les entreprises actionnarisées délocalisent
    c’est faux.
    Par ailleurs il ne faut pas croire que délocaliser est forcément une mauvaise affaire. Ce que montre les graphiques exposés dans ce billet est que EN MOYENNE et sur deux secteurs particulier, les profits réels sont beaucoup plus faibles que la perception qu’en ont les dirigents de ces entreprises.
     
    cela ne veux pas dire que c’est toujours vrai, cela signifie juste que le choix stratégique de la délocalisation doit être examiné avec beaucoup de soin car  la zone rouge est plus proche qu’on ne le croit en général.

  18. Je reste sceptique sur la conclusion du billet. Un tel mouvement de délocalisation ne peut pas être seulement dû à un effet de mode, ni même à un mauvais calcul économique. Il doit y avoir un hic, c’est prendre les entrepreneurs pour des idiots. Admettons que ces études aient aussi raison et que le gain de coût ne soit pas folichon, voire qu’il y ait perte. C’est donc que quelque chose d’autre pousse les entrepreneurs à délocaliser. Peut-être voient-ils à long terme et espèrent-ils se positionner sur le marché chinois?

  19. @ fred et vulgos : je ne dis absolument pas que toute délocalisation est stupide, je dis qu’une entreprise qui a un objectif de minimisation des coûts doit intégrer non seulement les coûts de production mais aussi les coûts de coordination (quels coûts supplémentaires  liés à une coordination à distance / quelles réduction des coûts liés à une réorganisation sur place). Le bilan complet avantage/coût conduira à retenir comme solution "optimale" dans certains cas une délocalisation, dans d’autres cas une réorganisation sur place. On ne peut donc pas avancer de proposition générale du genre "les pays développés ne peuvent rivaliser avec les pays en développement dans la guerre des coûts" (ni la proposition inverse : les pvd ne peuvent jamais rivaliser). de plus, croire que seules les entreprises actionnariales délocalisent est faux. J’ajoute une remarque : des études récentes (je voulais en parler sur le blog, j’essaie de le faire prochainement) montrent que les entreprises qui délocalisent crééent plus d’emplois dans leur pays d’origine que celles qui ne délocalisent pas… mais attention : elles détruisent des emplois peu qualifiés et crééent des emplois qualifiés.Enfin, pour vulgos, le choix de s’engager en Chine ne relève pas que d’une stratégie de minimisation des coûts : on estime que 50% des IDE en Chine correspondent à une stratégie d’accès à de nouveaux marchés… C’est que ca consomme 1 milliard d’individus!

  20. Tant que nous sommes à évaluer des coûts globaux (risque pays, perte de savoir-faire, etc.), ne faudrait-il pas intégrer les gains côté pays délocalisé. Le raisonnement suivi ici suppose implicitement une entreprise qui va produire ailleurs, mais ne sert que le marché domestique. Or, par sa simple présence dans l’économie étrangère, elle y suscite (selon le secteur d’activité) une demande pour ses propres produits. Et je ne parle pas des effets indirects du transfert de compétences vers l’économie éloignée. En effet, dans ces économies, le fort taux de turn-over des employés impliquent que les méthodes des entreprises délocalisées peuvent se répandre rapidement. Très prosaïquement, j’ai en tête l’exemple de la Corée et de la Chine. Dans les deux cas, ces pays ont commencé recevoir des délocalisations d’entreprises japonaises, qui se sont retournées dans le courant des années 1990 vers le marché du pays hôte des délocalisations. Bref, il y a là des effets d’équilibre général qui modifient non seulement l’évaluation sociale des délocalisations, mais aussi les incitations privées : il peut être intéressant de délocaliser, même à perte, si on prend par là même une option sur un futur marché juteux.

  21. Bonjour monsieur Olivier Bouba-Olga,
    voilà, je suis étudiant et après avoir lu cet article, certaines réponses me sont restées inconnu.
    1) Qu’entendez-vous précisement par coûts de transaction?
    2) Pourquoi les coûts complets sont sous-estimées?
    3) Pourquoi les firmes délocalisent-elles, plutôt que de se réorganiser?
    4) Que voulez-vous dire lorsque vous expliquez que les entreprises "négligent leur dynamique des coûts?
     
    Je vous remercie d’avance de répondre à mes questions.

  22. @ étudiant :1/ coût de transaction = coût d’utilisation du marché. Ici, cela consiste à dire que les entreprises qui externalisent une activité se renseigne sur les coûts de production du sous-traitant, mais oublie de comptabiliser les coûts de la coordination avec ces sous-traitants. Cf. pour une présentation de la théorie des coûts de transaction mon bouquin de 2003 :o)2/ car les entreprises sont en situation d’incertitude radicale, elles ne connaissent pas tout sur tout, ces coûts sont difficiles à quantifier, etc..3/ Certaines délocalisent, d’autres se réorganisent, d’autres encore ne font rien… Là encore, problème d’incertitude, de compétence des dirigeants, etc.4/ Au delà des coûts à un moment donné, il faut évaluer l’évolution de chaque composante des coûts. LEs coûts du travail sont inférieurs dans les PECO par exemple, mais ils ont tendance à croître rapidement, il faut en tenir compte.

  23. @ Olivier Bouba-Olga
    Je vous remercie pour vos réponses, elles me permettent de mieux aborder le sujet (si actuel) de la délocalisation.
    Pensez-vous que l’Etat a un rôle important à jouer dans ce problème?
    Surement d’autres personnes ont du y penser avant moi, mais pourquoi ne pas instaurer une frontière autour l’Europe sur certains produits qui sont touchés par les délocalisations (limitant considérablement les importations de produits que nous produisons déjà), ainsi créer une herméticité de l’Europe pour le Monde. Par exemple, interdire (ou limiter) les importations de produits fabriqués en Chine, pour que les produits fabriqués en Europe soient privilégiés, pour éviter la délocalisation des firmes.
    (Je trouve très difficile de s’exprimer simplement sur ce sujet)
    Autre chose, n’ y-a-t-il pas de lois ou quelques choses à faire contre des PDG, tel que Phil Knight, qui mettent la pression sur des gouvernements de pays en voie de développement (par exemple:la Chine) , pour que ces Etats ne cherchent pas à augmenter le niveau de vie de sa population. C’est en quelque sorte du chantage puisque les firmes menacent de partir du pays si le niveau de vie augmente.
    Je souhaiterais avoir votre avis sur ça.

  24. Bonjour, et bravo pour vos articles.Travaillant dans une usine industrielle, secteur d’activité : matériel de laboratoire, nous avons également vécu les effets de ces choix:Tout d’abord un voeux d'”excellence” pour l’usine, en appliquant des techniques “lean” : super : cela a permis à une minorité (1 personne !) de booster leur carrière et de délaisser l’usine.Ensuite, le groupe américain dont nous dépendont s’est occupé de nous : taille trop petite par rapport aux autres, rationnalisation du nombre de sites,… et surtout : profits des actionnaires chéris à choyer! Résultat : notre usine flambant neuf (2004 : en travaux ) ferme malgré de bons résultats, 115 emplois, et un carnet de commande rempli… Alors malgré le “lean”, on y arrive quand même à la délocalisation, s’il n’y a pas des personnes ”couillues” à la direction , qui mouillent leur chemise pour un site.Passez faire un tour sur thermochateaugontier.over-blog.com, pour voir un gâchis parmi tant d’autres…

  25. On est à 12 jours de la fermeture de notre entreprise, Sanmina a coté de Cherbourg, 300 personnes en CDI + 300 intérimaires . Le plan social aura été exemplaire, pas de vague, pas de débordement, en échange d’ un espoir de ré-industrialisation.  Ce n’était qu’un leurre, Alcatel nous a vendu, Thalès nous a roulé les médias nationaux nous ont boycotés. Il ne nous reste plus que nos yeux pour pleurer.Pendant ce temps les dictateurs chinois peuvent tranquilement continuer leurs sales besognes, avec la compicité passive de nos hommes politiques.

  26. la question de la guerre des coûts m’intéresse beaucoup.J’aurais trois questions-remarques à faire : 1- comparer les coûts en Californie à ceux de l’Asie toute entière me semble poser problème
    tant les écarts sont grands entre la Corée, la Thaîlande,la Chine, le Vietnam et le Cambodge( pays que je connais assez bien) pour par exemple les coûts de l’industrie textile 2- la question
    de la proximité de marchés locaux en plein développement et de facilités de réexportation joue sans doute un rôle dans le choix de la délocalisation.3-autrefois, l’occident quasi seul sur
    les marchés, exportait dans le monde entier, et au 19ème siècle , le textile du Lancashire a pu ruiner le textile indien.De nos jours , les acheteurs sont de plus en plus nombreux avec le
    développement du niveau de vie de nombreux pays ,asiatiques en particulier. Mais le nombre de producteurs n’augmenterait-il pas encore plus vite? créant ainsi une concurrence féroce sur les
    marchés, les prix et donc les coûts ??

     

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