Délocalisations : les actionnaires coupables?


Le numéro de novembre de la revue Sciences Humaines est dans les kiosques. Au sommaire, un dossier sur les nouvelles formes du capitalisme (€). Dans le dossier, une interview de Richard Senett, sociologue, sur les failles culturelles du nouveau capitalisme, un article de Bruno Amable intitulé "Le modèle européen ébranlé", et un article d’un certain Olivier Bouba-Olga intitulé "Délocalisations : les actionnaires coupables?"

L’objectif de cet article est de relativiser la thèse selon laquelle nous serions entrés dans un capitalisme patrimonial, au sein duquel les actionnaires auraient tous les pouvoirs et seraient donc à l’origine de tous nos maux. Ce n’est pas (encore) le cas, n’en déplaise à Jean Peyrelevade, ou Patrick  Artus et Marie-Paule Virard.

Exemple d’actualité : l’entreprise Aubade, dont j’ai parlé il y a quelques jours (fermeture du site de la Trimouille (86) et délocalisation vers la Tunisie). Certains ont dénoncé dans les médias picto-charentais des "licenciements boursiers". On peut en douter. Petite enquête sur le contrôle de l’entreprise…

En 1875, le Docteur Bernard créé une entreprise de fabrication de Corsets qui deviendra Aubade en 1958. Depuis, se succèdent à sa tête trois génération de Pasquier (la petite dernière étant Ann-Charlotte). En juillet 2005, Aubade a été rachetée par le groupe suisse Calida. La question du contrôle d’Aubade est dès lors déplacée : qui contrôle Calida?

A la tête du groupe, on trouve la société Calida Holding AG, dont le capital est détenu à 36,2% par la famille Kellenberger. Les autres actionnaires ont tous moins de 5% du capital. Calida Holding détient la totalité du capital d’autres entités du groupe, certaines spécialisées dans la production, d’autres dans la vente, d’autres encore dans la publicité, etc… Une de ces entités, détenue à 100% par Calida Holding, est la société Calida France SAS. Cette société, à son tour, détient 100% du capital de Aubade France SAS qui détient elle-même la totalité (en fait de 99 à 100% selon les cas) du capital des sociétés de l’ex-groupe Aubade. La division vente de la branche Aubade est dirigée par Claude Flauraud. Les divisions Marketing et Management des produits sont dirigées par Ann-Charlotte Pasquier.

Petit schéma récapitulatif :


Le groupe Calida est donc un groupe à contrôle familial, largement à l’abri de la "dictature" des marchés financiers. Comprendre le choix de délocalisation suppose donc de regarder dans une autre direction : non pas du côté des marchés financiers, mais du côté de la sphère réelle, en s’interrogeant sur la stratégie industrielle suivie par l’entreprise. La suite au prochain numéro…

7 commentaires sur “Délocalisations : les actionnaires coupables?

  1. une question me taraude depuis longtemps … du coté de la sphére réelle ou du coté de la sphére "idéologique" ???et si les décisions relevaient parfois moins du "choix économique" ( rationnel)  que d’un certain "conformisme social"  ?????????et si l’homo économicus n’était qu’un mythe tant que ne s’est pas ouvert le gigantesque marché de l’idéologie ( marché ayant atteint son point de stabilité … le quasi monopole ) ….

  2. aux marques : je ne dis pas que les stratégies industrielles sont parfaitement rationnelles, mais que le problème pour Aubade est du côté sphère réelle plutôt que du côté sphère financière. Il reste à analyser la stratégie industrielle du groupe Calida. Dans le billet précédent sur les coûts cachés, vous avez pu voir que la rationalité des entreprises était… limitée.

  3. je complété … parler de capitalisme patrimonial me semble une c… monstre … l’important n’étant plus la "propriété du capital" mais son "usufruit" …. et l’on sait qu’on détient de plus en plus souvent la réalité du pouvoir en détenant une part minime du capital …

  4. aux marques : pas mal d’études montrent que les comportements des entreprises diffèrent selon qui contrôle l’entreprise, notamment en matière de gestion de ressources humaines. d’où l’importance de la question…@ enzo : que peut-on faire? … ce sera dans l’épisode 2 (ou dans l’épisode 3) ! Mais il y avait des choses à faire….

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