Le modèle social français

Pour dénoncer la faillite du modèle social français, on s’appuie souvent sur l’analyse du taux de chômage, effectivement plus élevé en France que dans de nombreux autres pays développés. Se limiter à l’analyse de cet indicateur est cependant problématique, surtout lorsqu’ensuite, on vante les mérites du modèle américain ou britannique, qui "produisent" un taux de chômage significativement plus faible.

Pour compléter le diagnostic, il convient de se doter d’autres indicateurs, notamment d’un indicateur permettant de caractériser les disparités de revenu que l’on observe au sein de chaque pays. Pourquoi? Car l’objectif économique essentiel de tout pays est d’assurer à l’ensemble des habitants un niveau de vie élevé et si possible croissant.

On constate alors que le classement des pays est sensiblement différent de celui qu’on observe en se limitant au taux de chômage, comme en témoigne le graphique suivant, paru dans Le Monde du 3 mai 2006 :


Contrairement aux autres pays de l’échantillon, la France n’a pas connu d’accroissement des disparités de revenu. Certes, les disparités restent plus fortes qu’en Allemagne, ou en Suède, mais elles sont sensiblement plus faibles que celles observées au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis (et les écarts se creusent sur la période).

Preuve en passant qu’aucun modèle n’est supérieur à l’autre : pour paraphraser le titre d’un article de Paul Krugman, si la France est sans emploi (taux de chômage élevé), l’Amérique (ajoutons le RU) est sans le sou (disparités de revenu très forte) [Paul Krugman, "L’Europe sans emploi, l’Amérique sans le sou ?", Futuribles, n°201, sept. 1995, p. 58].

Est-on condamné à l’un des deux maux? Sans doute pas, car des pays comme la Suède sont parvenus à des compromis plus intéressants, avec faible taux de chômage et faibles disparités (on constate cependant que la situation de la Suède se détériore sur la période). Reste à identifier les politiques à mettre en oeuvre, en France, pour arriver à un tel résultat mieux équilibré. Dans cette perspective, prôner le rapprochement du modèle britannique ne semble pas la voie "royale"…

9 commentaires sur “Le modèle social français

  1. bravo OBO pour cet humour très franco-britannique.
    Il est vrai que lorsque l\\\’on puise ses sources sur le blog, on peut dire beaucoup de bétises.
    Sur GB voir http://www.etiennefillol.org/blog/index.php?2006/05/11/98-mind-the-gap
    sur Royal voir http://www.etiennefillol.org/blog/index.php?2006/05/12/100-etre-de-gaucheou-ne-pas-etre
    merci pour ce nouvel exemple relevant les bétises annoncées à tort et à travers lors de l\\\’approche des présidentielles.

  2. Bonjour, Je vous lis depuis quelques mois ; votre blog économique est un vrai plaisir. Continuez Dans votre post du jour, elles me donnent envie d’émettre quelques questions et remarques. D’abord sur votre analyse économique. A. Les faits mis en avant Je note que la feuille préférée des gens lettrés de gauche se moque du monde.  Comme un compteur de fiat pipo qui indiquerait 240 Km/h , L’échelle est notée jusqu’en 2005  alors que l’étude de l’INSEE (et les courbes du graphe) date de 1999…Enfin passons. Pour finir sur les vétilles, il est bien dommage que vous n’ayiez pas trouvé un graphique avec la distribution des taux de chômage OCDE en contrepoint du graphique du monde. En complétant votre analyse des disparités de revenus, on remarque en effet deux choses : – les Etats-Unis perdent 1 % en disparité de revenus, de même que les Britanniques prgresse de près 1,5 % ainsi qu’Israël (et oui quand on s’occupe essentiellement du budget de la défense…) ; – la Suède tant élevée en modèle progresse de près de 0,5 %, l’Allemagne d’un peu moins et autant que Taïwan ; l’Espagne d’un peu moins encore et la France, ô îlôt de prospérité au milieu de la tendance haussière, pas du tout. Cela semble dessiner un modèle transnational au delà de la variété nationale des modèles sociaux. B Vos conclusions analytiques Effectivement, vous mettez en avant des éléments très intéressants concernant les ressorts des "modèles sociaux" notamment français. 2 critères émergent de votre définition sous-jacente : chômage et disparité de revenus ; mais vous accordez en filigranne une importance plus forte au second (avec un objectif d’équilibre chômage/disparité des revenus). 1/ On pourrait en conclure que vous n’accordez q’un faible intérêt au niveau du taux de chômage (ce qui ne me paraît pas être le cas au regard des posts rédigés sur les maux du chômage en France) ou que vous accréditez la thèse développée par le PDG de la FNAC, Denis OLIVENNES, de l’ancienne fondation Saint-Simon d’une " préférence française pour le chômage"… A cette occasion n’étant pas économiste de formation, y a -t-il un lien avéré (modélisé) entre chômage et disparités de revenus ou est-ce simplement une simple régularité des faits sur les 20 dernières années? 2/ la phrase de KRUGMAN (de 1995!), et pour reprendre le fil des quelque faits tirés du graphique,  vous donne l’occasion  de proposer une modélisation transnationale : un modèle chômage faible/disparités fortes (pays anglo-saxons) et chômage fort/disparité plus faible (pays  européens hors R-U et asiatique – Taiwan en l’occurrence) Cette conclusion était également celle de Michel ALBERT en 1991 dans son ouvrage classique Capitalisme contre Capitalisme (dont la thèse principale est l’émergence  et la concurrence d’un modèle anglo-saxon et d’un modèle rhénan incluant le Japon). Rien n’a semble-t-il changé  tendantiellement. J’ai donc personnellement du mal à voir les ressorts nouveaux du débat actuel sur les modèles sociaux…au delà des interrogations rémanentes sur les conséquences de l’internationalisation ! C. Actions à entreprendre J’en tire deux conclusions d’orientation : 1. celle d’une certaine impuissance publique à faire évoluer pour le mieux (ce fameux équilibre que vous pointez justement) notre système socio-économique (doit-on vouer aux gémonies notre personnel politique ? Vivement le renouvellement des générations politiques !?) 2. Ne copions pas la Suède (et je vous rejoins) mais l’Espagne avec lequel nous entretenons plus d’affinités culturelles… Au rayon instruments :  baisse continue des charges socio-fiscales des entreprises ou subvention aux salariés (et citoyens les moins favorisés peut-être par extension) ?? L’économie privilégie la première car les conséquences ne sont pas les mêmes (à tous points de vue) et les coûts sociaux non plus… Ensuite, sur votre analyse politique des propos de Ségolène. Je ne suis pas engagé politiquement et n’ai pas lu son interview dans le financial times mais je vous trouve finalement, à l’image de beaucoup, assez sévère sous couvert de ton badin… 1- Je pense qu’on peut s’accorder sur les déterminants de la réussite du Royaume-Uni depuis 1997, en terme de modèle socio-économique (même si depuis 2005 ça "blaire" pour Tony…) : BLAIR s’est appuyé sur la désadministration de l’économie engagée par THATCHER et complétée par MAJOR en corrigeant les effets pervers du sous-investissement  dans les services…Un équilibre assez savant dont les Britanniques ne semblent pas pleinement satisfaits (les investissements dans la sécu n’aboutissent pas complètement, les investissements en matière d’éducation coexistent avec des mesures qui étendent les disparités entre universités et origines sociales des étudiants, hausse très importante des impôts et taxes)…Dès lors je pense que BLAIR n’est pas l’horrible méchant garçon qui étend (fondamentalement) les disparités de revenus et préserve un taux de chômage bas au détriment des conditions salariales ;  on peut démystifier les propos de Ségo, surinterprétés en France comme tout ce qui vient de GB ou des Etats-Unis. 2- Ségo, bien que d’un âge largement plus avancé que le mien, représente une génération qui paraît  plus en phase avec les réalités du moment (ne serait-ce qu’au regard de sa capacitié de médiatisation que seul Sarko est capable de concurrencer..) que JOSPIN et CHIRAC mais il est vrai que l’on a toujours été adepte en France du mythe politique du Sauveur… intervention un peu longue mais une fois n’est pas coutume… GL

  3. @ George : merci d\\\’abord pour ce long commentaire! diffficile de répondre à tout, je cible l\\\’essentiel :* sur le point B1 : il me semble difficile de hiérarchiser les indicateurs.L\\\’important est plutôt d\\\’en regarder plusieurs, afin de ne pas se tromper de diagnostic. Sur le lien observé chomage/revenu, la situation us/ru tient me semble-t-il à des marchés beaucoup plus flexibles, qui permettent de réduire le chômage mais ont fait exploser la catégorie des travailleurs pauvres. En France, la flexibilisation est moins poussée, le chômage est plus fort, mais les disparités de revenu sont plus faibles… * sur B2 : les débats sur les différents modèles est effectivement ancien. Deux choses : i) des comparaisons internationales bien faites sont toujours utiles à la réflexion, la plupart du temps, quand elles sont mal faites, elles démontrent la supériorité d\\\’un modèle et quand elles sont bien faites elles démontrent la diversité des réponses que l\\\’on peut apporter à un même problème! ii) de ce fait, ces comparaisons ne peuvent véritablement servir de guide pour l\\\’action publique dans un pays. On doit plutôt se livrer à un travail "d\\\’introspection" pour mieux comprendre "qui l\\\’on est et d\\\’où l\\\’on vient" (je développe un peu dans mon dernier livre)* sur C : je me desespère un peu du niveau de compétence en économie de nos politiques (certains font exception). La nouvelle génération sera-t-elle meilleure? J\\\’en doute, compte tenu du mode de formation et de recrutement des élites, qui ne bouge pas beaucoup! Sur les actions à entreprendre, leur identification suppose une analyse plus approfondie des problèmes. J\\\’essaierai de développer dans un autre billet prochainement. Sur Blair, assez d\\\’accord avec vous : de la même facon qu\\\’il ne faut pas caricaturer la situation française, attention à ne pas caricaturer celle du RU, ni en positif (cf le blog de Fillon par exemple), ni en négatif (position de certains du PS). Blair a au moins permis de ralentir le creusement des disparités que Tatcher avait fait exploser (cf précédent billet). Quand à Sego, son positionnement pro-blair relève selon moi d\\\’un positionnement stratégique su l\\\’échiquier politique français, ce qui n\\\’a rien de critiquable en soi, mais il faudrait savoir plus précisément ce qu\\\’elle retient du modèle britannique pour pouvoir juger de la pertinence de son propos.

  4. Il est étonnant ce graphique.On a que des magnifiques droites. A se demander si les politiques gouvernementales changent quelque chose. Et sinon, pourquoi? Et pouquoi en vouloir à Blair alors?

  5. euh, Fabien, c’est parce que les points intermédiaires ne sont pas dessinés!  Il n’ya que 1980 et 2000. Sinon, au verrait au RU une progression beacuop plus forte jusqu’à 1997 et une baisse depuis. En France, je ne sais pas exactement mais il me semble que la période Jospin a baissé les inégalités. La précarité a augmenté, mais le chômage a baissé et la part des salaires dans la VA a augmenté, donc je pense que l’effet total est positif…

  6. @Tonio : 1997, arrivée de Blair comme Prime Minister. Etant donné que Blair fait montre d’un libéralisme digne de Thacher et Major (surtout dans les 1° années qui ont suivi sa nomination), je serais très étonnné qu’il y ait eu infléxion de la courbe à cette date. Mais peut-être OBO aurait-il des éléments concrets à ce sujet ?…

  7. @ OBO : "Blair a au moins permis de ralentir le creusement des disparités que Tatcher avait fait exploser" –> d’accord avec vous, Tony n’est pas le diable et il n’a pas fait que des choses catastrophiques. Mais peut-on accepter que la gauche se contente de "ralentir les inégalités" ? Je suis là plus politique qu’économique, je vous le concède par avance…

  8. A Etienne,"Etant donné que Blair fait montre d\\\’un libéralisme digne de Thatcher et Major dans les premières années"Il faut bien mesurer les enjeux des travaillistes lorsqu\\\’il reviennent au pouvoir en 1997 :1/    il n\\\’ont pas été au pouvoir depuis 19792/   les derniers gouvernements travaillistes étaient presque trotskistes !!!!!Blair devait se constituer une crédibilité et de chef de parti de gouvernement et de non casseur de la politique économique antérieure probusiness pour éviter de se mettre tout le monde à dos. Il a joué la politique contra-cyclique pendant 3 ans pour ensuite jouer à plein le pro-cyclique qui lui a réussi électoralement en 2001 mais plus vraiment en 2005.GL

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