Dans son édition datée du mardi 18 avril 2006, Les Echos titraient en gros et en gras : "Nouveau piège pour Matignon : le coût croissant de la dette".
Et chacun de déplorer le niveau astronomique de l’endettement public. Et certains de déclarer qu’il faut gérer le budget en bon père de famille, donc ne pas trop s’endetter (je ne donne pas de noms, mais il y aurait de quoi faire un jeu concours là-dessus…).
Sauf que…
* cet accroissement du coût de la dette s’explique par la montée des taux directeurs de la Banque Centrale Européenne, pilotée par Jean-Claude Trichet. Et Mr Trichet, bien imprégné des analyses monétaristes, soucieux de désinflation compétitive, a peur que la hausse du prix du pétrole ne se traduise par un retour de l’inflation (c’est vrai que l’on atteint des niveaux records…). D’où l’augmentation du principal taux directeur à 2,5% il y a un peu plus d’un mois. D’où la nouvelle hausse programmée en juin semble-t-il. On pourrait peut-être s’interroger un jour sur la politique de la BCE et sur les missions qui lui sont confiées (rappelons que la BCE a pour seul objectif la stabilité des prix, pendant que la Fed (son équivalent US) a un double objectif de stabilité des prix et de croissance économique)…
* La métaphore du bon père de famille semble frappée du coin du bon sens et généralisable à l’Etat : on ne peut pas s’endetter indéfiniment, il faut bien rembourser un jour… Sauf qu’il existe une différence de taille entre un Etat et un père de famille : le dernier vieilli, le premier non (je parle de l’Etat en tant qu’institution, pas de nos dirigeants :-))… De ce fait là, l’Etat peut se permettre de conserver un taux d’endettement constant…
* Surtout : on fait comme si être endetté était mauvais en soi, mais tout dépend, en fait, de ce que l’on finance en s’endettant. Or, plus que le niveau de la dette en France, c’est l’utilisation de l’argent public qu’on nous annonce qui fait un peu peur : d’un côté, 350 millions d’euros pour les restaurateurs, contre qui je n’ai absolument rien, si ce n’est que je ne les considèrent pas comme les leviers essentiels de la croissance économique future. De l’autre côté, un sous-investissement dans la recherche et dans l’enseignement supérieur (cf. ce billet pour ce qui est de l’investissement dans le supérieur, ou encore les éléments sur le site de Débat 2007). Car c’est bien sûr, l’enseignement supérieur est si riche que notre ministre affirme « Je pense que les universités peuvent vraiment supporter ce coût-là [les dégâts lors des manifs anti-CPE] et nous, continuer notre programme de formation des jeunes » (citation glânée ici).
Petite citation convergente : "l’essentiel n’est pas de réduire la dette publique à court terme mais plutôt de restructurer les dépenses publiques aux fins d’augmenter le potentiel de croissance : baisser les dépenses inefficaces en accroissant la productivité des services, réduire celles dont l’objectif premier est de satisfaire des lobbies à des fins électorales [les restaurateurs?], mais également augmenter l’investissement public dans certains domaines où la France a accumulé un retard préoccupant depuis le début des années 90 : l’éducation supérieure[Allô, Gilles?], la recherche, les infrastructures, notamment urbaines." C’est de Aghion et Fitoussi, article paru dans le Figaro du 26 janvier 2006. Je vous invite à lire l’article en entier, il permet d’avoir une vue moins caricaturale du problème de la dette (voir aussi celui-ci, plus ancien (article 2004 paru dans Le Monde), de Fitoussi tout seul)…
Ah la la, Olivier tu es un indécrotable alter-mondialo-communiste : il n’y a qu’une mesure qui s’impose c’est de réduire de X (>0) points la part de la dépense publique dans le PIB, plus X est grand plus c’est le miracle économique ! 🙂
Concernant l’attitude affichée du gouvernement vis-à-vis des facultés, j’ai écrit cette nuit un petit truc à ce sujet :http://polsoc.over-blog.com/article-2488447.html(Je note cela ici… le trackback n’a pas voulu se mettre en place.)Il est vrai que le budget de l’Etat devrait être géré autrement, surtout à l’heure actuelle où les politichiens portent un discours alarmiste à ce sujet, mais continuent de claquer un pognon fou dans des conneries… (Voir le logo de l’ANPE… ou tout simplement le sonar qu’on a perdu lors d’une manoeuvre… je préfère pas imaginer ce qu’il se passerait si on entrait un jour en guerre, d’ailleurs…)La prochaine fois on ira bloquer les Science Po, IEP, Prépa, ENS et Ecoles de Commerce en priorité. :opSinon, une info sur le coût des réparations à l’université de Poitiers ? Deux fenêtres (Ou une ? Cassée par un anti-blocus faisant du forcing…) et une table ?AJC
La dette de l’Etat est même une bonne chose. Un investissement bien choisi peut se rembourser lui-même par la croissance future, les dépenses privées qu’il génère et les recettes fiscales qui en découlent. Mais, de mémoire, le coefficient multiplicateur keynésien de la dépense publique en France est inférieur à 0,8 (pas glop!), quant à sa valeur future actualisée je n’ai jamais vu d’étude sur le sujet. La dette de l’Etat peut donc être mauvaise si elle sert à payer des dépenses courantes sans impact futur significatif.De plus, ne faut-il pas distinguer selon que la dette est détenue par des résidents ou des non-résidents? Historiquement, la France a eu une part très importante de sa dette détenue par des résidents, mais la proportion a tendance à baisser. Quelles seront les conséquences futures lorsqu’il s’agira d’exporter pour rembourser ces obligations?La sortie du rapport Pébereau et le martèlement médiatique de T.Breton au sujet de la dette s’apparentent donc à un "au loup!" gouvernemental, et le problème de la dette a été très mal présenté, mais pourquoi? Etait-ce pour nous faire peur et dire aux Français de moins dépenser, payer des impôts, et réclamer moins d’aides sociales? Les décisions d’endettement de l’Etat ne relevant pas des agents privés, je vois mal l’utilité d’un tel message. Etait-ce pour convaincre les administrations de se mettre à la diète? Cette hypothèse de communication interne semble plus plausible. Comment un Ministre, un syndicat de la fonction publique ou un fonctionnaire pourraient-ils réclamer une augmentation du budget de l’Etat alors que "la France croule sous le poids de sa dette"?Si cette action permet de rendre un peu plus efficace la dépense publique, elle n’aura pas été inutile. Ayant vu T.Breton à l’oeuvre chez France Telecom, je peux d’ailleurs confirmer que l’optimisation des dépenses est un domaine où il a déjà fait ses preuves. Le hic c’est qu’un ministère ne se gère pas comme une entreprise.Enfin, les message gouvernementaux de ce type sont peu crédibles en France. Les particuliers et les entreprises, en entendant T.Breton, n’anticiperont probablement aucune baisse des dépenses, ni aucune réorientation dans le sens d’une meilleure efficacité. Et ils attendront de voir les résultats avant de changer leur propre comportement.
bravo pour cet article qui encore une fois brise les idées réçues (mettre dans la rubrique!?)! j’espère que vous aurez de nombreuses lectures de quidam et pas seulement de spéculateurs boursiers…..o:)) Guerby
bravo pour l’humour aussi. bref fan du post.
vous auriez aussi pu l’appuyer par l’exemple américain, recordman de la dette et pourtant 1ere puissance mondiale…..bel exemple de libéralisme non!? o:)))
pas sûr pourtant que votre démonstration suffise à convaincre car quel que soit le non économiste que vous interrogez… il vous dira que c’est très grave, la France est endettée…c’est pour cela que l’on peut rien faire!
merci.
Sans oublier non plus que la dette est aussi une créance pour d’autres dont leur profil est bien connu (qui dispose de la propension à épargner la plus forte dans une économie?) : les plus riches. La dette de l’Etat, les ministres successifs s’en offusquent mais la maintiennent voire l’accroissent au bénéfice des mêmes…
Merci pour votre bog.
Stephane :"Mais, de mémoire, le coefficient multiplicateur keynésien de la dépense publique en France est inférieur à 0,8 (pas glop!)"Mais ce coefficient ne peut-il pas être augmenté par une meilleure répartition des dépenses publiques ?Il est vrai que si l’on claque quelques milliards dans l’acquisition de nouveaux Mirage -que nous sommes les seuls à acheter- ou une meilleure communication pour l’ANPE (:oD ), cela ne doit pas avoir des effets monstrueux sur l’économie du pays.Mais une distribution différente, plus efficace, des dépenses publiques, pourrait peut-être se faire…?Enfin bon moi je suis un monstrueux partisan d’un retour au protectionnisme… mais bon… même au sein d’un environnement mondialisé, on peut imaginer une meilleure répartition des dépenses de l’Etat afin d’augmenter la valeur de ce coefficient multiplicateur.M. Bouga-Olga :"j’ai pas trop suivi sur d’éventuels dégâts, je ne crois pas qu’il y en a eu beaucoup… quelques enseignants anti-manif ont du doublé leur dose d’antidépresseurs, mais à part ca…"…ou alors on effectué des économies en diminuant leur consommation d’excitants. :oD(Parce qu’il faut constater une nette différence entre le début des blocages et la suite… ils étaient beaucoup plus calmes, plus posés.)AJC
Sauf que… à 2.5% les taux n’ont jamais été aussi bas.
Face à un ménage surendetté le fautif c’est bien sûr Trichet.
N’étant pas très fort en éco mais désireux de comprendre, je voudrais savoir comment on peut imputer à la hausse des taux de la BCE le coût annuel de la dette?Les OAT sont comme leur nom l’indique assimilées, donc théoriquement un relèvement des taux de la BCE dans les proportions actuelles doit pondérer à la baisse le coût de la dette…Depuis quand sommes nous endettés? Quel était le montant de la dette avant 97 (parce qu’il me semble que les taux ont perdus 3 points depuis)?L’impact de la hausse n’est il pas marginal quand on connait l’encours actuel et les conditions d’emprunt des années passées?Les déficits successifs ne sont-ils pas davantages responsables de la dette que M. Trichet?Les déficits ne sont ils pas justement liés (au moins en partie) au coût du service de la dette dont il parait qu’il avoisine les 40Mds€/an (ce qui en fait de mémoire le 2ème poste de dépense de l’Etat, pour un montant égal à 4 déficits de la sécu, à lR ou à l’IS annuel)?Ne pourrait-on pas dépenser ces 40Mds à autre chose de plus social (éducation, justice, santé, retraites…)?A vous lire