croissance et décroissance…

Les commentaires relatifs à mon dernier article sur les prévisions de croissance du gouvernement ont déplacé le débat vers la question : "la croissance économique est-elle souhaitable?".  Et certains de citer Goergescu-Roegen, considéré comme le "père" des théories de la décroissance.

Personnellement, je suis plus que dubitatif vis-à-vis de cette approche… Je ne développe pas, mais vous renvoie à deux textes, l’un de Serge Latouche, considéré comme le chef de file en France de ces théories, et Jean-Marie Harribey, membre du conseil scientifique d’Attac, plutôt critique vis-à-vis de l’argumentation de Latouche. Le texte d’Harribey démontre de manière convaincante que l’on peut ne pas adhérer aux thèses de la décroissance sans être pour autant taxé d’économiste libéral !

Ces deux textes ont été publiés dans Le Monde Diplomatique, respectivement en 2003 et 2004.

[Lien vers le texte de Latouche] [Lien vers le texte de Harribey]

7 commentaires sur “croissance et décroissance…

  1. [Attention, réponse un peu longue. Toutes mes excuses pour ceux qui auront à la fin les yeux totalement bousillés après avoir lu non seulement les deux articles, mais ce commentaire… et désirant rédiger une réponse à celui-ci.Je structure un peu tout ça histoire de permettre plus facilement des réponses, au-cas-où…]Liens intéressants. Je connaissais le premier mais je suis sorti du "trip décroissant" durant la période où le second fut paru. (A lire sur du Cake, "Comfort Eagle".)Première note à ce sujet : il ne faut pas oublier de différencier le théorique, du politique, du pratique.Il y a eu plusieurs "question/réponse" sur la décroissance, au sein du Monde Diplomatique, avec Serge Latouche comme "porte-parole" et symbole de la décroissance au niveau des média. (Sans "s". Je l’ai découvert récemment, alors je file le tuyau au-cas-où à un maximum de monde dès que je peux : on dit un medium, des media.)Tout comme le terme "décroissance" fut utilisé pour des raisons politiques et pratiques, les articles de Latouche furent avant tout rédigé afin de faire connaître au plus grand nombre ce concept et cette idéologie. Tout comme la "marche pour la décroissance" ou le voyage de Schneider, un docteur en économie parti avec un âne et des sapes immondes parler de la décroissance sur la route.Ou tout comme le journal "La décroissance", qui est un régal de propagande comparable à ce qui pouvait se faire au niveau de l’ancien communisme. (A lire au moins une fois non seulement pour rire, mais parce qu’on y trouve des fois des informations sérieuses et intéressantes.)Second point : Harribey répond ici à une infime partie des décroissants.Parce que des décroissants, il y en a de tout poil.Des religieux, des philosophes, des écolos, des ingénieurs, des économistes… et chacun apporte sa pierre, sa vision de la chose, etc.A lire pour se rendre compte du bordel que c’est : "Objectif : décroissance". Un recueil assez intéressant de textes divers à ce sujet, où chacun donne son avis.Ce qu’Harribey signale dans son article est déjà écrit… par des décroissants.En gros, qu’il ne faut pas entrer dans une politique de décroissance pure, mais dans une politique a-croissante. Oublier un peu la croissance pour la croissance, mais penser à un véritable développement social, individuel, etc.Dans le premier point je signale qu’il faut différencier le politique, du théorique et du pratique.Le terme "décroissance" fut utilisé pour "choquer", pour amener une pensée différente reposant sur des axiomes définis autrement que ceux utilisés par une majorité d’économistes au sujet de la croissance.De nombreux décroissants, y compris Georgescu-Roegen, ne sont pas pour une société visant la décroissance comme d’autres sont pour viser la croissance.Mais au contraire pour une société a-croissante.Troisième point : juste un détail… et on commence ainsi par aborder le second article.Ce dont parle Harribey dans son troisième paragraphe (Si on excepte l’intro.) est nommé "l’effet rebond".On économise sur les processus de productions, mais on produit tellement en réaction que ça rattrape l’économie.C’est un détail important. Non seulement pour l’interêt cognitif et sémantique de la chose, mais également parce que cela invalide certaines visions du futur concernant l’économie, et est un point très très sensible dans toute la théorie économique en général.Deux exemples bêtes et méchants, qui ne sont pas donnés : l’informatique (1) et le recyclage (2).(1) On développe un système afin de faire parvenir un maximum d’information à tout le monde, à un mondre prix, et on pense par exemple économiser du papier, du transport, etc.L’effet rebond est l’explosion de la consommation de papier, et le fait qu’il faut entretenir un réseau coûteux en entretien afin de faire marcher tout cela.(2) On recycle de plus en plus de produits et matières, mais au final le coût énergétique rattrape largement ce qui est économisé.Récemment c’est ce qu’il s’est passé lorsque l’on a commencé par parler de l’énergie produite à partir de l’hydrogène par exemple : le souci est tout simplement que le processus de production de cette source d’énergie est supérieur à l’énergie qui en sort.En général, les deux énergies (Ou produits.) concernés sont différent(e)s, ce qui amène à ne pas faire attention à l’effet rebond. Dans le cas de l’énergie obtenue avec l’hydrogène, les deux étaient comparables. Ce qui a amené de suite un constat.Pour les autres processus permettant d’économiser de l’énergie ou des matières premières, c’est plus complexe à définir.Quatrième point : ce dont parle Harribey, un développement humain et social avant qu’il soit économique, etc amènerait sûrement une décroissance involontaire.Dans un premier temps.Mais même ce développement là possède un effet rebond des plus importants.Mais tout cela est déjà expliqué par des décroissants, y compris le fait que les pays du Nord devraient "ralentir" tandis que ceux du Sud devraient continuer à se développer.D’ailleurs, à ce sujet, cela amène d’autres problèmes et "façons de faire" assez intéressantes : comment, dans une économie mondialisée où le libre-échange devient de plus en plus la nouvelle donne, pourrions nous tenir face à un Sud de plus en plus productif, producteur et développé ?Selon moi (Et ça n’engage que moi, hein…) no
    s plus grandes erreurs furent de toujours voir au court terme au niveau de nos idéologies économiques et politiques prônées et appliquées.Nous avons autrefois prônés le libre-échange et appuyé cela par des théories plus ou moins bancales ("L’échange amène chacun des agents à un bien-être croissant", ce genre d’horreurs…) lorsque nous avions la suprématie mondiale au niveau économique, industriel et militaire.Nous connaissons les premiers retours de bâton avec la création du G20, l’arrivée en force du Brésil, de la Chine et de l’Inde, etc.Au final, le libre-échange n’amène les pays qu’à se rendre dans une grande arène dans laquelle il y a les dominants, et les dominés, selon les domaines.Lorsque je parle d’erreur et de court-terme, c’est au sujet de cela : nos anciens théoriciens avaient totalement oubliés que nous pourrions être dominés dans plusieurs domaines, et que cela nous ferait perdre notre suprématie. (Ce que nous cherchions à appuyer.)Manque de bol, les idées sont désormais ancrées, et les théories aussi. Y compris dans les pays du Sud.Si nous devons faire marche arrière, nous ne pourrions le faire sans changer entièrement l’idéologie mondiale et les théories qui la soutiennent.Une politique a-croissante passerait par une fermeture des frontières dans plusieurs domaines, comme l’agriculture par exemple. Chaque nation ou groupe de nations devrait développer, continuer à développer ou re-développer ses industries, secteurs etc afin de permettre une gestion plus "locale" et sans pression extérieure étant donné que c’est cette dernière qui force les entreprises et gouvernements à fournir de plus en plus d’énergie à "l’effort de guerre économique".Cinquième point : pour ceux que cela pourrait intéresser, j’ai écrit un petit dossier peu complet mais plutôt général sur la décroissance. Je pense nottamment à enzo d’aviolo, au-cas-où… je signale donc.Ce dossier, et je le répète, n’est pas très long (12 pages je crois…), mais permet d’avoir une vue d’ensemble ainsi que des critiques et réponses aux critiques de cette théorie et de ses modernisations. (Avec en première partie une exposition de la théorie originelle de Georgescu-Roegen.)Je founirai avec quelques documents annexes, comme la bibliographie qui regroupe justement, entres autres, l’article de Latouche, des sites Internet et l’ouvrage de Georgescu-Roegen.Sixième point : Harribey ne parle que de pollution, quasiment… mais la théorie de la décroissance ne comprend pas que cela, même si les théoriciens, partisans et idéologues actuels utilisent énormément ce sujet d’actualité comme soutien au niveau de leurs discours.Soit Harribey n’a lu que des exégèses et donc réécritures de Georgescu-Roegen, comme l’avait fait par exemple Guillaume Duval dans un superbe article paru dans Alternative Economique, et qui est tellement à côté de la plaque qu’on sent le mec investi dans son boulot… soit il a préféré éviter le sujet. (Différence pratique/politique/théorique. Cet article étant essentiellement "politique", selon moi.)La théorie de la décroissance présente un balayage de certains axiomes de la majorité des théories économiques (Marxiste, libérale, keynesienne…), en présentant l’importance du concept d’entropie, par exemple.Dans la re-définition des axiomes, cette théorie présente entres autres le fait que toute activité humaine accélère le processus entropique. Ce dernier ne concerne pas que le passage d’un état de produit fini à un déchet au sens généralement admis.Septième point : le plus grand interêt de la théorie de la décroissance, selon moi, n’est pas la politique prônée par tel ou tel nouvel idéologue de la décroissance, mais bel et bien le développement du point de vue cognitif qu’il nous offre.Ce qui est très intéressant ici, c’est le fait de démonter dans les axiomes mêmes des théories multiples et toutes différentes. A l’époque de Georgescu-Roegen, cela concernait la théorie marxiste, la théorie classique/néoclassique et la théorie keynesienne.Ce qui est pas mal, quand même. Faut l’avouer. Et en 150 pages si je me souviens bien, grand maximum.Au lieu de chipoter des détails, de s’attaquer à des cas précis, des terminaisons théoriques en constantes discussions… cette théorie démonte non pas les finalités des théories, mais tout simplement leurs bases, postulats, axiomes.Un peu comme le passage en physique de la mécanique à la thermodynamique… ou de la mécanique à la relativiste… et ce jusqu’au quantique.Car c’est ce qui est fait, et c’est ce qui est majeur dans cette théorie : le passage d’une vision "mécaniste" à une vision "thermodynamiste".(Tiens d’ailleurs, quand l’économie comprendra le quantique dans ses postulats…?)Voilà, je crois avoir terminé au niveau du commentaire… :o) Je repasse s’il me revient quelque chose à l’esprit, que j’aurai oublié. (J’écris tout à chaud, donc je fais des efforts pour structurer, mais en même temps c’est assez complexe comme sujet, et vaste.)A.L.

  2. Au risque de paraître bien moins cultivé que le commentateur précédent, je dirais simplement que le débat croissance / décroissance ne concerne pas l’économiste… (subjectivité de la valeur, positivisme, …)

  3. Cela concerne également le citoyen, le politique, le philosophe…:o)Le fait est qu’il faut sortir d’un imaginaire, d’idées reçues, d’une vision "de la croissance" et du sur-productivisme dans de nombreux domaines.Je ne sais pas si cela vous a déjà choqué, mais qu’il s’agisse des personnalités, des téléfilms, de publicités, de machines, etc tout est constamment boosté, amélioré, modifié dans une recherche de perfection quasi-inutile voire dégradante pour l’individu moyen.La différence norme/ordinaire est très importante, ainsi, et intéressante à développer : il faut constamment, soi-même, être plus performant, rapide, développé et productif.Sexuellement, avant tout. Et professionnellement. Psychologiquement, on fait marcher la machine sociale à coup de boosters chimiques.La frustration née de cette différence norme (Ce que l’on désire que les gens soient)/ordinaire. (Ce que les gens sont.)Ce qui n’est pas nécessairement bon en soi…Avec le progrès et le développement des industries et économies, on a voulu libérer les individus. On les a finalement aliéné de plus belle, et de la manière la plus vicieuse qui soit : ici, on oppresse pas. Ici, on fait aimer le système.Une belle citation de Maurice et Patapon, pour rester dans l’intellectuel : "Tu sais, la plus grande réussite des fast-food n’est pas d’avoir réussi à nous vendre de la merde…- Ha ?- …mais de nous la faire aimer."C’est Huxley qui également s’inquiétait sur l’avenir de nos sociétés. A la fin de sa vie, il regrettait que son "Meilleur des Mondes" arrive plus tôt que prévu, avec l’explosion par exemple du traitement sous anti-dépresseur d’une partie de plus en plus importante de la population, des psys-prêtres, des optimisateurs à tout va et des optima dans tous les domaines à la chaîne.C’est toute une pensée qui nous sert actuellement de carcan, et ce n’est qu’avec un effort philosophique correct que l’on peut commencer à en sortir… (Enfin, selon moi hein !):o)A.L.

  4. Merci pour tout ce résumé exhaustif de la théorie de décroissance dont tu as justement requalifié le terme en a-croissance!
    c’est ton point 7 que je retines le plus en opposition à une application stricte du terme de décroissance cachant

  5. erreur de manip (sorry) je poursuis….
    cachant forcément les travers que tu démontres.
    Tout est dans le changement de mentalité lié à une autre façon de voir nos objectifs de citoyens au regard du constat de l’environnement qui nous entoure. (et le rapport à l’argent roi, n’est-ce pas majeur?)
    Effectivement, la réduction aux problèmes de pollution pour expliquer cette volonté de changement de façon d’appréhender nos rapports à la croissance et à la consommation est réductrice et c’est dommage.
    je suis effectivement intéressé par ton résumé sur la décroissance. je finis d’abord Georgescu-Roegen…..
    Merci.

  6. Je prépare le petit dossier sur a décroissance, en voyant les différents points incomplets et les fichers à ajouter. (Bibliographie, annexes…)Il y aura sûrement des annexes manquantes, vu que ce dossier avait été rédigé en rush total, de manière plus ou moins artisanales. (Une semaine à dormir que deux heures par nuit, copine se levant lorsque je me rendormais, photocopies et course à droite à gauche pour trouver les documents nécessaires à l’appuyer…)Pour la "dynamique a-croissante", je pense que cela s’enclenchera de soi-même lorsque les pénuries proches en eau, pétrole, acier, se verront effectives.Et lorsque le libre-échangisme, et donc une politique néoclassique à l’échelle mondiale se verra peu à peu freinée par ces pénuries, par le manque de moyens qui en découlera.J’aurai plutôt dû dire "pourrait s’enclencher", mais il y a actuellement une course technologique d’un côté, avec les nanotechnologies par exemple, et cet épuisement des ressources stratégiques à la bonne tenue d’une économie "moderne" de l’autre.Si nous arrivons à développer de manière correcte les nanotechnologies, l’antimatière, les technologies dérivant des recherches dans les quanta, nous avons une chance d’éviter une phase critique où l’entropie sera trop importante pour faire marche arrière.La véritable évolution de l’humain par rapport aux autres espèces ne sera pas industrielle ou philosophique, mais sûrement contre-entropique et technologique : si nous arrivons à contrer le phénomène d’entropie que la nature nous a imposé, nous aurons atteint un stade supérieur de développement de l’espèce.Je ne sais pas si vous êtes un lecteur assidu de la Bible, ou si vous y jetez de temps à autres un coup d’oeil, mais cela nous permettrait de revenir aux âges d’or de l’Humain dont on nous parle dans la Génèse. (Si mes souvenirs sont bons.)Une ex, qui était très branchée religion, m’avait expliqué en quoi l’humain décrit dans la Bible n’avait fait que régresser au fil du temps. Au début il avait une espèrance de vie atteignant des siècles, et peu à peu cela s’est réduit.Peut-être que la Bible devrait se lire à l’envers : elle ne présenterai pas le passé mais le futur, et les différentes alternatives qui nous sont proposées.Si vous vous tenez au courant des recherches actuelles et des "grands projets" de plusieurs entreprises ou scientifiques, vous découvrirez de multiples voies assez impressionnantes. Multiplication de l’espèrance de vie, cybernétique de plus en plus poussée, utilisation des quanta, de l’antimatière, des nanotechnologies… (D’ailleurs, au sujet de ces dernières, plusieurs entreprises, y compris françaises, se lancent déjà dans des productions à cette échelle.)Deux voies s’offrent sûrement à nous pour le futur, en gros : soit nous serions capable de maîtriser la matière et certaines lois physiques qui nous soumettaient à leurs emprises jusqu’à présent, soit nous serions obligés de nous adapter au final à ces contraintes.Si nous devons nous soumettre aux contraintes entropiques, on peut imaginer une dynamique de retour à un interventionnisme fort (Avec toutes ses implications philosophiques, politiques, idéologiques, technologiques…) et à une "planification" légère…A.L.

  7. Un commentateur disait:
    "Au risque de paraître bien moins cultivé que le commentateur précédent, je dirais simplement que le débat croissance / décroissance ne concerne pas l’économiste… "
    Je dirais: ne concerne pas QUE l’économiste.
    Mais il est bon de se poser la question: la démarche de décroissance est-elle politique ou philosophico-religieuse? La simplicité volontaire prônée par certains décroissants est bougrement proche du voeu de pauvreté prononcé par les religieux…

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