Quand Le Monde nous ‘informe’ sur la pilule

Peurs

Un petit billet pour analyser rapidement (avec bien du retard), le traitement médiatique, notamment du journal Le Monde, des problèmes liés à la prise de pilules contraceptives de 3e génération suite à une plainte déposée contre le laboratoire Bayer.

Voir ici, ici et encore , exemples d’articles qui utilisent toutes les techniques possibles pour jouer sur la peur. Il suffit de prendre mon précédent article et d’y cocher les cases. Notons tout de même un article qui donne la parole à un expert pour rétablir quelque peu la balance et signalons aussi cet article qui (enfin!) donne quelques graphiques permettant de se faire une idée du problème.

Conséquences

Les conséquences ne sont pas difficiles à imaginer: peur panique, arrêt de la pilule en urgence sans consultation du médecin, et risque d’avoir une grossesse non désirée. Évidemment, ce schéma dramatique ne se produira que pour une infime minorité de personnes. Pour avoir une idée du risque, Jean-Yves Nau nous rappelle un précédent en 1995. En Grande-Bretagne et en France, une campagne similaire avait eu comme conséquence une augmentation importante, de l’ordre de 50% des IVG dans les trois mois qui ont suivi l’affaire.

Faits

Chaque médicament comporte des risques, la question est de savoir quel est le risque pris par rapport aux bénéfices apportés. Les bénéfices de la pilule sont connus[ref]Il faudrait d’ailleurs les mettre en perspective par rapport à d’autres moyens de contraceptions.[/ref]. Par contre les bénéfices des pilules de 3e génération (celles mises en causes) par rapport à celles de 2e génération semblent être nuls notamment en ce qui concerne les effets indésirables: acné, prise de poids, nausées, jambes lourdes (d’après le rapport de la HAS – Haute autorité de santé). Cela peut paraître étonnant mais je viens d’apprendre sur le document de la HAS, justement, que le terme “génération” était trompeur car il se réfère principalement à des “classes” de pilules (du fait des ingrédients utilisés) et non pas à l’idée d’une évolution. Pourquoi utiliser ce terme alors? Peut-être un coup marketing…

En ce qui concerne les risques, d’après l’ANSM, en risque absolu, une thrombose veineuse est attendue pour 0.5 à 1 femme sur 10000 sans pilule. Ce risque monte à 2 femmes sur 10000 dans le cas des pilules de 2e génération et 3 à 4 femmes sur 10000 pour celles de 3e génération[ref]Remarquez comment cet effet semble plus important si j’utilise des nombres plus grands (les rapports ne changeant pas): 5 à 10 femmes sur 100000 (sans pilule), 20 femmes sur 100000 (2e génération), 30 à 40 femmes sur 100000 (3e génération). Sans parler du choc des mots quand on parle en risque relatif: 2 fois plus de risque de développer une thrombose (pilules de 2e génération) et 3 à 4 fois plus de risque pour les pilules de 3e génération.[/ref]. L’ANSM, pour mettre en perspective ces valeurs, rappelle que le risque d’une thrombose s’élève à 6 pour 10000 pour les femmes au cours de la grossesse.

Notons pour finir que plus le temps passe, moins le risque est important (selon la HAS). Mais il n’est pas bon d’être fumeuse quand on prend la pilule.

Solutions?

Je ne cherche pas à dire que le problème n’est pas réel et qu’il ne faut pas prendre toutes les précautions nécessaires. Mais il faut informer et informer ne rime pas avec “faire peur”. Mes conseils: cherchez toujours à obtenir le risque absolu et le risque relatif, essayez de lire ce qu’en disent les agences concernées, parlez-en à votre médecin avant de réagir trop vite. Notons aussi que les pilules de 3e générations ne seront bientôt plus remboursées, raison de plus pour les laisser de côté. Il serait aussi intéressant de connaître les signes précurseurs d’une thrombose, je n’ai malheureusement pas pu trouver grand chose à ce sujet, si vous avez des infos, je suis preneur.

PS: Cartoon displayed with special permission from http://www.glasbergen.com

10 réflexions sur « Quand Le Monde nous ‘informe’ sur la pilule »

  1. Airbag75

    Je ne vois pas trop ce que tu veux dire par les signes précurseurs de la thrombose : comment peut-on se rendre compte qu’on fait une thrombose ? Si c’est cela, je crois que c’est dur de le savoir et c’est plutôt les conséquences fâcheuses qui montrent des signes : phlébite voire embolie pulmonaire, AVC, ischémie et infarctus. Apparemment, il est écrit qu’un signe, pourrait être l’immobilisation d’un membre si c’est une thrombose veineuse. Après il y a la prévention puisqu’on connait certains facteurs favorisants…

  2. Jean Vanlaer

    Je viens de découvrir votre blog, salutaire, que j’ai mis en lien sur mon blog (photographique)… et j’ai vu aussi que vous faites de bien intéressantes photos !
    Cordialement

  3. Dexter

    En somme, pour la i-ème génération, le risque de thrombose veineuse est de i femme sur 10000 ! Ça c’est de la nomenclature !

  4. Sceptique

    Bonne réflexion sur le sujet. Le médecin(retraité) que je suis pense qu’aucun signe précurseur n’est fiable, mais qu’il faut prévenir. Dans la pathologie cardio-vasculaire, les facteurs de risques sont l’indication d’une dose minime d’ Aspirine, qui a un effet anti-agrégant (des plaquettes, amorce de la coagulation). Je n’ai pas connaissance de son intérêt en accompagnement de la pilule, mais ce serait à étudier.

  5. Ariane

    C’est cool que les pilules contraceptives soient remboursées en France! En Suisse, elles ne l’ont jamais été et ne le sont toujours pas. Elles seraient apparemment des “médicaments de confort”. Remarquez que la petite pilule bleue, concernant certains petits problèmes érectiles chez les messieurs, est, elle, remboursée par l’assurance maladie…..

    Autre remarque: J’ai cru comprendre que les pilules dites de 3ème génération n’ont pas pour objectif principal la contraception, mais de ré-équilibrer la production d’hormones sexuelles chez certaines femmes. Elles permettent notamment d’éviter une acné et une pilosité trop importantes ainsi que des menstruations irrégulières. Et ce serait du fait de cette régulation qu’elle aurait aussi un effet contraceptif. Mais, ce ne serait pas leur première indication.

  6. sham Auteur de l’article

    je ne sais pas trop Ariane, j’avais plutôt lu de mon côté que c’était de cette manière que les pilules de 3e génération étaient mises en avant (réductions des effets secondaires possibles) mais qu’il existait à l’époque de faibles preuves en ce sens. aujourd’hui les essais sont plus complets et les avantages concernant ces effets secondaires ne sont pas justifiés.

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