Combien pèsent les relocalisations?

A chaque fois que des journalistes m’interrogent au sujet des relocalisations, une question les taraude : combien d’opérations de relocalisation ont eu lieu ? Combien d’emplois créés suite à ces opérations ? A chaque fois, je réponds qu’on dispose de trop peu de données et je cite une étude allemande, toujours la même, qui montre que 5% des entreprises interrogées ont relocalisées et 29% ont délocalisés. Le problème est qu’il s’agit d’une étude sur un sous-ensemble de secteurs industriels, dans un pays donné (les chiffres sur les autres pays sont à prendre avec précaution car les échantillons sont
de très petite taille), à une date donnée, rien ne dit qu’ils soient généralisables.

Ce chiffre de 5% de relocalisation pour l’Allemagne (1417 entreprises interrogées) et de 15% pour la France (attention : 72 entreprises interrogées) explique sans doute qu’on lise un peu partout qu’entre 1 entreprise sur 10 et une entreprise sur 20 ont relocalisé (j’ai dit ça parfois dans les médias, El Mouhoud Mouhoub aussi, en s’appuyant sur la même étude je suppose).

 Je viens cependant de recevoir un document du cabinet Trendéo, qui a mis en place un
observatoire de l’investissement en France, à partir duquel de nouveaux petits calculs sont possibles. Les chiffres sont à prendre avec précaution : ils ne prétendent pas à l’exhaustivité et reposent sur un suivi des médias, qui laisse sans doute de côté pas mal d’opérations. Les limites de leur méthode sont assez bien résumées dans le document, sans doute pourra-t-on mesurer un peu plus tard le décalage entre leurs chiffres et les chiffres de l’Insee par exemple Mais bon, cette base a le mérite d’exister et permet de disposer d’informations récentes sur les opérations d’investissement et de désinvestissement réalisées en France.

 Je me concentre ici sur les chiffres 2009 sur les délocalisations/relocalisations (page 9 du document), combinés avec les chiffres sur l’ensemble des opérations d’investissement et de désinvestissement recensées par Trendéo (page 8). Voilà ce qu’on obtient :

 

opérations emplois
total désinvestissements 2496 273473
Délocalisations 99 10499
total investissements 2340 151410
Relocalisations 12 451
délocalisations/désinvestissements 4,0% 3,8%
relocalisations/investissements 0,5% 0,3%
relocalisations/délocalisations 12,1% 4,3%

 Source des données : Trendéo, chiffres 2009

Plusieurs constats : i) les délocalisations pèsent peu, beaucoup moins qu’on l’imagine, 4% du total des opérations de désinvestissement et 3,8% des emplois détruits suite à ces désinvestissements, ii) les relocalisation pèsent encore moins, 0,5% des opérations d’investissement et 0,3% des emplois créés, iii) le ratio relocalisations/délocalisations n’est cependant pas totalement négligeable puisque, en gros, on observe 1 opération de relocalisation pour 10 opérations de délocalisation et 1 emploi créé suite à une relocalisation pour 20 emplois détruits suite à une délocalisation.

Comme déjà dit ici à de multiples reprises : les délocalisations et les relocalisations sont des phénomènes macro-économiquement marginaux. Se focaliser sur elles détourne l’attention des problèmes plus importants à régler. Pas seulement l’attention, d’ailleurs, quand on sait que le gouvernement souhaite allouer 200 millions d’euros à la prime à la relocalisation…

5 commentaires sur “Combien pèsent les relocalisations?

  1. Je suis d’accord sur le fait que les délocalisations aient un effet économique marginal. J’irai même plus loin en disant que leur effet global n’est pas forcément négatif: délocaliser peut
    permettre de produire à moindre prix et ainsi i) de payer un produit moins cher pour les consommateurs ii) de gagner des parts de marché pour les entreprises iii) éventuellement de participer au
    développement d’une main d’oeuvre qualifiée dans un autre pays.

    En revanche, les délocalisations comptent politiquement et socialement car leur impact est centralisé sur une faible part de la main d’oeuvre ou sur quelques secteurs industriels. Surtout, les
    délocalisations sont destructrices – a long terme? – de capital humain: comment replacer et/ou reformer les salariés ayant perdu leur emploi? En ce sens, il est plus facile – et peut-être plus
    rentable à court terme – de subventionner une relocalisation ou de taxer une délocalisation que d’agir directement sur les hommes ou que de modifier en profondeur les filières d’excellence de
    la France.

  2. Comme le précédent commentateur, il me semble que le seul problème posé par les délocalisations est que l’on supprime des industries dans des petits bassins d’emplois, sans reconversion possible,
    et qu’on en créé dans les grandes villes, dans des secteurs plus dynamiques. Le problème donc: comment transférer le personnel mi au chômage vers les nouveaux postes de travail?

  3. Bonjours monsieur,
    Actuellement étudiant en master 1 d’école de commerce, je suis en phase de réfléxion sur le sujet à trater lors de mon mémoire, le sujet de la stratégie de relocalisation m’interesse fortement.
    Auriez vous dans vos références quelques ouvrages qui pourraient m’informer sur le sujet?
    Je vous laisse mon adresse mail à disposition (damien.papaux@hotmail.fr)
    Merci de m’accorder un peu de votre temps.

    Cordialement

    Papaux Damien

  4. Ce résultat ne vient-il pas d’une définition étroite de la délocalisation : transfert par une entreprise de sa production vers un autre pays. Beaucoup de desinvestissements ne sont-ils pas des
    délocalisation après disparition de l’entreprise française, ou du moins de sa production propre ?

  5. Ping : Le retour de la vengeance des relocalisations | Olivier Bouba-Olga

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