Capitalisme financier et innovation

Un discours dominant en France, à droite comme à gauche, consiste à dénoncer les méfaits du capitalisme financier,
synonyme de prise du pouvoir par les investisseurs institutionnels (les “zinzins”), qui seraient uniquement obnubilés par la rentabilité financière à court terme. Ce court-termisme nuirait à la
croissance économique, car il pénaliserait les investissements de long terme, notamment en innovation.

Thesmar et Landier ont montré que nombre des arguments avancés par les auteurs de cette thèse sont démentis par les faits (voir la note de lecture de leur ouvrage sur Econoclaste). J’avais
également indiqué ici que plusieurs études montraient l’hétérogénéité des
zinzins,  la variabilité de leur horizon temporel, leur impact différencié sur les performances des entreprises, ainsi que leur poids très variable selon les pays.

Un nouvel article de Aghion, Van Reenen et Zingales (working paper du CEPR dont on trouve une synthèse ici) complète le tableau, en présentant des résultats particulièrement intéressants sur le lien entre poids des investisseurs
institutionnels et performances en matière d’innovation. Il montre d’abord que le poids des zinzins est passé, aux Etats-Unis, d’environ 5% en 1950 à plus de 60% en 2005, puis  (et surtout)
que les performances en matière d’innovation des entreprises sont positivement et fortement corrélées au poids des zinzins dans leur capital.

Comment expliquer ce lien? Selon les auteurs, les managers sont en général peu enclin à investir dans l’innovation, activité risquée par excellence, car en cas d’échec, ils seraient rapidement
désignés comme responsables.  Les zinzins seraient eux incités à collecter beaucoup plus d’informations sur l’effort réel des entreprises, et pénaliseraient moins les dirigeants malchanceux
dans leur activité d’innovation.

Pour tout dire, je ne suis pas totalement convaincu par l’explication, mais n’ayant pas lu en détail leur article, je me garderai bien de la contester. Et cela n’enlève rien à la corrélation
observée, suffisamment intéressante pour être signalée…

trouvé via Rationalité
Limitée

7 commentaires sur “Capitalisme financier et innovation

  1. A titre strictement personnel, je serais plutôt convaincue. En ajoutant un argument que je n’ai pas cru voir (mais faute de temps, je n’ai lu que la synthèse) : en termes de marketing en prévision de la sortie de l’entreprise, un gros effort d’innovation (même si les insiders savent qu’il va droit dans le mur) est généralement excellent à prendre, mais n’est valorisable que si l’on dispose d’équipes de vente spécialisées. Bref, si l’on est un zinzin – l’innovation leur apparaîtrait donc rationnellement comme plus rentable qu’au commun des mortels.

  2. Voilà me semble-t-il l’excès de l’économie mathématique. Comment peut-on sérieusement trouver la corrélation indiquée au vu du nuage de points. Ne eput-on pas exercer tout simplement un peu de bon sens. Lire l’illusion économique de Pierre Guerrien.

  3. “le bon sens est la chose la mieux partagée”. (Descartes)Si le bon sens signifie un consensus général sur un sujet, alors oui. Mais peut-être que la majorité à tort, et alors l’argument du ‘bon sens’ n’a servi qu’à installer une idée fausse dans les esprits, si bien qu’elle ne peut être visée par une quelconque critique…Je ne crois pas que le bon sens suffise ici. Cependant, cette corrélation me parait étrange: le principe de la valeur actionnariale, qui règne actuellement dans la gouvernance des entreprises, me semble être en contradiction avec les gains long terme espérés par l’innovation. Bizzare bizzare… Tout ne doit pas “être égal par ailleurs” ![il me semble que la volonté d’innovation des entreprises se mesure par leurs dépenses en Recherche et Développement, et les résultats de ces dépenses par la quantité de brevets déposés.]

  4. 24 mars 2009 : début officiel de la guerre froide entre la Chine et les Etats-Unis.
    Combien d’années durera cette guerre froide ?
    Je ne sais pas.
    Lisez cet article :
    « La Chine propose de remplacer le dollar par une nouvelle monnaie de réserve.
    Mardi 24 mars 2009, 09h21.
    La Chine propose de remplacer le dollar par une nouvelle monnaie de réserve mondiale contrôlée par le Fonds monétaire international (FMI), une initiative destinée à affirmer la position de Pékin à l’approche du sommet économique du G-20. »
    http://fr.news.yahoo.com/3/20090324/twl-chine-monnaie-reserve-2f4e741.html
    Bon courage à tous.

  5. Dans quelle mesure intègrent-ils dans leur étude les start-ups et PME innovantes dont le métier est de gérer des programmes d’innovation à haut risque.Les fonds d’investissement cherchent aussi des entreprises à haut potentiel de valorisation, grâce au brevettage par exemple des résultats de recherche. Pour espérer pouvoir appliquer ces multiplicateurs de valorisation, pas le choix: il faut investir dans l’innovation…

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