Faut-il aider les entreprises qui font des bénéfices ?

Libé m’a contacté hier pour me poser la question suivante : est-il normal que l’Etat participe à l’indemnisation des
salariés d’entreprises pratiquant du chômage partiel et faisant par ailleurs des bénéfices ? 

Question d’actualité, bien sûr : le chômage partiel se répand rapidement en ce moment, il est pratiqué par de nombreuses
entreprises et certaines, effectivement, font des bénéfices (pour des précisions sur les aides octroyées par l’Etat dans ce cadre, voir ici). Nicolas Sarkozy a par ailleurs annoncé vouloir faciliter le recours au chômage partiel (voir
ici).


Quelques éléments de réponse. La question doit d’abord être scindée en deux : i) est-il normal que l’Etat participe à
l’indemnisation du chômage partiel? ii) si oui, est-il normal qu’il indemnise les entreprises qui font des bénéfices?


Sur le premier point : le chômage partiel est mobilisable en cas de circonstances exceptionnelles ou de difficultés
économiques passagères. On peut considérer que nous sommes aujourd’hui dans ce cas : choc macroéconomique important, qui affecte tout un ensemble d’entreprises qui n’y sont pas pour grand
chose, les aider peut permettre d’amortir le choc, que ceux qui en sont victimes n’aient pas à supporter seuls la charge de l’effort. Ceci ne signifie pas que l’Etat seul doive supporter la
charge de l’effort ; en l’occurrence, l’Etat, les entreprises et les salariés apportent leur contribution, l’enjeu étant d’équilibrer cette charge, de trouver les bons compromis. Le risque
d’une non mutualisation de l’effort est que les entreprises soit s’en remettent à des moyens plus expéditifs (licenciements plutôt que chômage partiel), soit entrent dans des difficultés
plus grandes, pouvant compromettre leur survie.


Sur le deuxième point : je commence vraiment à fatiguer par cette stigmatisation des entreprises qui font des
bénéfices. On a l’impression que c’est une maladie… Sans doute la majorité des gens s’imaginent-ils qu’une entreprise qui fait des bénéfices le fait nécessairement en exploitant ses
salariés… L’idée qu’une entreprise A est plus profitable qu’une entreprise B parce qu’elle est, bêtement, plus efficace, semble inenvisageable… Soyons fous : supposons qu’il existe de
nombreux secteurs dans lesquels des entreprises de type A sont plus profitables que des entreprises de type B, parce qu’elles sont plus efficaces. Que, ce faisant, les entreprises de type A
tendent à créer plus de richesses et plus d’emplois. Si l’Etat décide de n’indemniser que les entreprises de type B, considérant que les entreprises de type A peuvent se débrouiller toutes
seules, il aidera en fait des entreprises peu efficaces, et pénalisera des entreprises plus efficaces. Bref, un peu de distorsion de concurrence au profit des plus mauvais. Drôle d’idée quand
même…

6 commentaires sur “Faut-il aider les entreprises qui font des bénéfices ?

  1. Je voudrais rajouter, concernant les bénéfices, qu’une entreprise peut avoir un bénéfice positif, mais plus du tout de cash dans ses caisses!
    La notion de “bénéfices” (que l’on assimile trop souvent au résultat comptable), est de nos jours vraiment dénuée de tout sens. L’important pour une entreprise est surtout de pouvoir payer ses salariés, ses fournisseurs, ses créanciers plus généralement…!
    Et on peut avoir des problèmes de paiement, tout en affichant un résultat positif !…
    A réfléchir…
    Fabien G.

  2. Vous semblez un peu fatigué effectivement. Pour ma part je ne voyai pas de stigmatisation dans la question sur les bénéfices.
    La question mérite d’être quand même posée même si elle relève du sens commun. Car il n’y a pas si longtemps beaucoup de firmes annonçaient des profits colossaux, tout en annonçant pour certaines des “délocalisations”, d’une manière souvent imprudente et finalement peu rentable comme il a été souvent démontré sur votre blog.
    Dans le cas des industriels de l’automobile on peut quand même se poser des questions sur l’absence d’anticipation des évolutions et des nécessités technologiques (voitures “propres” par exemple) parallèlement à l’augmentation des dividendes versés aux actionnaires (Renault), sur l’argument actuel de la chèreté de gestion des stocks alors qu’on croyait (naïvement ?) qu’avec les flux tendus ils étaient devenus peu conséquents…  Toujours pour l’automobile quelqu’un peu averti des choses de l’économie (je suis  géographe (retraité)) peut se demander si les aides accordées par les pouvoirs publics ne vont pas servir tout simplement -et seulement ?- à financer les avanatges commerciaux qui vont être consentis aux futurs acheteurs…
    Finalement, on se rend compte de la perversité de l’antienne “déouplage de l’économie réelle / financiarisation”. Les dirigeants industriels, les pouvoirs publics apparaissent comme les pauvres victimes prises au déporuvu et irresponsables face aux “marchés” désincarnés et insaisissables.
    Beau tour de passe-passe. 

  3. Bernardin écrit : quelqu’un … peut se demander si les aides accordées par les pouvoirs publics ne vont pas servir tout simplement -et seulement ?- à financer les avanatges commerciaux qui vont être consentis aux futurs acheteurs…
    et quelqu’un d’autre (moi par exemple) peut se demander si ça ne va pas directement alimenter la caisse à parchutes dorée et/ou aux primes et salaires exhorbitans des PDG … – mais cela ne m’empêche pas d’apprécier votre défense des entreprises qui font des bénéfices !!!

  4. D’accord avec le commentaire n°1 : faire des bénéfices ne veut pas forcément dire faire de la trésorerie, ou disposer d’assez de trésorerie pour faire face à une période de vaches maigres.
    Et avec la frilosité actuelle des banques pour ce qui est des prêts, un manque de trésorerie peut mener très vite à la cessation de paiements…

  5. Je ne pense pas qu’il était question de stigmatiser les entrepirses faisant des bénéfices.
    J’ai beaucoup de cas en ce moment sous les yeux pour mon boulot.
    La questions que je me pose est plutpot rationelle en me mettant à la place de l’Etat:
    1) j’ai des moyens financiers limités: où dois-je allouer ces moyens?
    dans du chômage partiel pour une boite qui fait 15% de résultat net (avec cash abondant et structure financière luxueuse) (ceci est un cas réel) ou sur des aides à l’investissement, la formation…je préfère le second cas dans un raisonnement purement capitaliste et libéral
    2) pour ce qui est des risques de distortion, ceci pose plutôt le problème de vérification de la pertinence des aides et de leur contrôle … vu les dossiers donnés aux inspecteurs du travail, je ne vois pas comment ils peuvent bosser et donc savoir s’ils risques de distordre quelquechose. A noter aussi qu’on a des cas de chomages partiels dans d’autres pays européens, avec des distortions concurrentielles ou d’impacts sociaux (par exemple entre France et Belgique)

  6. “Dans le cas des industriels de l’automobile on peut quand même se poser des questions sur l’absence d’anticipation des évolutions et des nécessités technologiques (voitures “propres” par exemple)…”
    La crise actuelle n’est en rien due au secteur automobile. Elle est due à la crise des crédits qui impacte fortement le marché automobile puisque de nombreux véhicules sont achetés à crédit.
    “… sur l’argument actuel de la chèreté de gestion des stocks alors qu’on croyait (naïvement ?) qu’avec les flux tendus ils étaient devenus peu conséquents… ”
    La gestion des stocks dans l’automobile est quelque chose d’extrêmement compliqué. Une automobile est infiniment plus complexe qu’une chemise, lorsque vous avez 200 fournisseurs qui ont eux même 100 fournisseurs de rang 2 qui ont eux-même 50 fournisseurs de rang 3 (par exemple), bien sur tous ces gens là ayant chacuns plusieurs usines plus ou moins disséminés sur le globe, imaginez la complexité de la gestion des stocks d’approvisionnements !
    Et bien sur, vous devez ensuite transporter des véhicules assemblés dans un grand nombre de pays, vers de très nombreux points de vente. Sachant bien sur qu’un véhicule coute beaucoup plus cher qu’une imprimante, donc là où Lexmark peut négliger ce problème de stock Renault ne le peut pas en ce moment…
    D’une manière générale, les aides de l’Etat sont supposées être utilisées par les entreprises pour assurer leur survie. Après, pour savoir si cet argent est utilisé à bon essient, même si à priori une entreprise à intérêt à assurer sa survie, il faut forcément contrôler son utilisation. Et que certaines primes données aux hauts dirigeants de ces entreprises soient immédiatement supprimées.

Répondre à mirabelle Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *