L’industrie en Chine

Article intéressant du Figaro sur la situation
de l’industrie en Chine.  Extraits :

“Si les autorités ont ressenti le besoin de prendre le relais pour préserver la paix sociale, c’est que le Guangdong, la
Mecque des exportations chinoises, se prépare à des jours difficiles. Au rayon jouets, déjà, les temps sont sévères. Plus de la moitié des exportateurs du secteur ont mis la clé sous la porte
depuis le début 2008.”
(…) “Les difficultés avaient commencé avant l’actuel coup de chien sur les marchés, mais celui-ci va sérieusement compliquer les choses. Le jouet chinois avait déjà été bousculé par le scandale
de la peinture au plomb, et l’affaire du lait frelaté ne vient pas rassurer le monde sur la fiabilité du made in China. «Mais toute l’industrie du Delta de la rivière des Perles a surtout dû
encaisser de nouvelles normes plus serrées, ainsi que toute une série de hausses, du coût des matières premières, du yuan, des salaires qui ont grimpé de 12 % depuis le début 2008», explique
le professeur Ding Li, de l’Académie des sciences sociales du Guangdong. Or, ici, 60 % des investissements sont le fait de Hongkongais qui ne badinent pas avec la rentabilité. Et 5 %
seulement de ceux qui ferment se relocalisent dans d’autres régions de Chine, les autres allant à l’étranger, au Vietnam ou ailleurs.”


Toute l’ambivalence des stratégies de coût : on s’appuie sur un différentiel favorable de coût pour se développer, mais
au fur et à mesure de son développement, on rogne ssur on avantage. On pensait la Chine à l’abri de ce problème, compte tenu de “l’armée de réserve” disponible, susceptible d’empêcher la hausse
du coût du travail. Plusieurs études convergentes montrent cependant que le coût du travail augmente plus rapidement qu’on pouvait l’imaginer, 12% sur l’année nous dit-on ici. Pourquoi? Sans
doute en raison de l’existence de marchés “locaux” du travail, la main d’oeuvre disponible à l’autre bout de ce pays-continent ne pouvant venir couvrir les besoins de main d’oeuvre (ce n’est
qu’une hypothèse, je suis preneur d’autres arguments). 

Le gouvernement chinois semble avoir conscience de ce problème, si l’on se réfère à cet article du Quotidien du Peuple
(transmis par Jacques Debord, que je remercie au passage) :


Confronté à la réalité objective où le coût des facteurs des diverses et des différentes industries continue à augmenter,
le gouvernement chinois est en train de prendre des dispositions en vue de faire progresser le réajustement structurel, l’optimisation et la montée en génération de l’industrie, de développer la
combinaison des secteurs de l’industrie et de l’informatisation ainsi que des secteurs de l’industrie et du service, de donner une impulsion à l’innovation indépendante et d’améliorer la
compétitivité internationale des produits « Made in China ».

On apprend que le Ministère chinois de l’Industrie et de l’Informatisation adoptera à cet effet quatre mesures susceptibles de contribuer à l’évolution du « Made in China » vers le « Creation in
China » : Primo, parfaire et concrétiser les politiques de soutien à l’innovation autonome et indépendante, faire pleinement jouer le rôle principal des entreprises dans l’innovation technique et
encourager celles-ci à augmenter les investissements destinés aux recherches et au développement scientifiques et techniques ; Secundo, augmenter les achats gouvernementaux afin d’accroître le
degré d’appui aux produits d’innovation autonome ; Tertio, appliquer activement la stratégie de création de marques de fabrique, établir une supériorité compétitive relative, afin de pouvoir
former et de créer un plus grand nombre de grandes marques disposant du droit indépendant de propriété intellectuelle ; Quarto, accorder une aide sans faille aux moyennes et petites entreprises
pour les encourager à procéder à la création et à l’innovation techniques, perfectionner la construction d’un environnement souple favorable à l’incubation des entreprises et d’un système adéquat
de service.


Bref, une volonté manifeste de passer d’une stratégie de coût à une stratégie d’innovation.

9 commentaires sur “L’industrie en Chine

  1. “On pensait la Chine à l’abri de ce problème, compte tenu de “l’armée de réserve” disponible, susceptible d’empêcher la hausse du coût du travail.”

    Peut-être que l’erreur est justement ici. Il faut être bien naif pour croire que la Chine fait exception aux principes économiques de base. Les ouvriers de “l’armée de réserve”, il faut les faire venir, et les former (ce qui a déjà un coût). Quand ils sont sur place, ils doivent au minimum se nourrir et se loger. Aux prix du marché local, bien entendu.

    Car c’est clair : votre proprio ne vous fera pas un loyer moindre parce que vous venez de la campagne (au contraire : il pourrait penser qu’un bouseux causera plus de dégradations de son bien, donc il le fera payer plus cher).

    La même chose s’était produite avec les ingénieurs et informaticiens indiens. Comment ? Tant de millions d’ingénieurs, formés à l’européenne, maitrisant l’anglais en langue maternelle, et étant à 30% au chômage ? On ne pouvait faire que de bonnes affaires avec ça, non ? Là aussi, il y avait une sacrée “armée de réserve”. Pourtant, l’Inde est beaucoup moins intéressante maintenant…

    Pour moi, l’autre facteur qui expliquait les prix bon marché des usines en Chine, c’était le mépris des normes (occidentales) de protection de l’environnement et de la santé.
    Il y avait par exemple un reportage assez édifiant sur la pollution du Fleuve Jaune dans un numéro de National Geographic de cette année (le “spécial Chine”) : on puise sans vergogne une ressource rare (l’eau) et on rejette des déchets toxiques qui, en France, vous emmèneraient droit en prison.

    Donc les divers scandales de cette année (produits lactés frelatés, jouets en plomb) ne sont que le résultat de la réduction des coûts à tout prix.

    Hors, il semble que les Chinois eux-même commencent à s’intéresser à leur qualité de vie et de travail, et des groupes écologiques militants se mettent en place, malgré les réticences du gouvernement.

    Conséquence : les coûts de production vont intégrer de plus en plus les facteurs santé et écologie. Combiné avec la hausse des salaires, ces coûts vont automatiquement se rapprocher de ceux des pays développés.

    Conclusion : nos industriels optimisateurs vont devoir trouver d’autres pays à polluer…

  2. Ca y est ? Vous avez enfin compris que le libre échange a un effet de compression des salaires au niveau mondial ou toujours pas ? Le fait que la chine soit devenue trop chère (même s’il a aussi le tarrisement des débouchés à l’export avec la crise US) prouve bien qu’il n’y a aucun rattrapage des salaires possible en régime de libre échange. Y aurait toujours quelqu’un pour faire moins cher. Ca vaut aussi pour l’innovation.

  3. @ Malakine : euh il est quand même dit que, au moins pour 2008, les salaires chinois ont augmenté de… 12%… Et depuis l’ouverture des frontières du pays il est clair que le salaire moyen a considérablement augmenté…Bref, ce que vous dites est fondé sur rien.Le problème mis en avant dans l’article est le fait que l’avantage comparatif mis en avant jusqu’à présent par la Chine (les bas coûts) n’est plus possible, car d’autres pays ont maintenant pris le relais (Inde ? Vietnam ? Thaïlande ?). Pour maintenir une croissance élevée la Chine doit donc réorienter son économie vers un autre mode de fonctionnement, qui est celui fondé sur l’innovation.Et une fois que ça sera fait rien n’empêche de continuer à exporter, et de voir le revenu moyen continuer à augmenter…Bref, dire que le libre-échange ne permet pas de faire augmenter les salaires est totalement infondé (et c’est même pas la peine d’avoir fait 36 thèses pour le comprendre, juste de lire ce qui a été écrit plus haut…).

  4. Face à une progression (limitée) des salaires chonois (12% de rien cela donne pas grand chose en demande intérieure mais bon…), développement depuis une dizaine d’année de la précarité (20 à 25%) des salariés européens: protection de l’économie chinoise, sous évaluation de leur monnaie, contrainte sociales faibles ect…la concurence  sans entrave: le sacrifice de deux générations

  5. En effet le passage à un économie de l’innovation est un objectif affiché pour le Guangdong depuis au moins 2002 –la politique nationale en matière d’innovation ayant commencé à être déclaré en 1999. Voir: Arvanitis R. et Jastrabsky E. (2005). « Un système d’innovation régional en gestation: l’exemple du Guangdong », Perspectives Chinoises, vol. 92, noº Novembre-décembre, p. 14-28.http://perspectiveschinoises.revues.org/document928.html

  6. Je trouve très intéressante l’évolution chinoise : la dynamique ‘capitalistique’ y est certes très forte, mais la poigne politique du PC également. Dans cette lutte pour le pouvoir, la stratégie du PC semble claire (et pas du tout récente, comme le suppose certains posts) : contraindre le capitalisme (augmentation des normes, des salaires) afin de ne pas perdre la main. Le risque étant une déstabilisation “à la russe” (et ça n’a pas été beau à voir). Pour le moment ça marche. Pour combien de temps ? J’aime à y voir une réponse aux questions métaphysiques actuelles sur l’avenir du capitalisme : anticiper sur ses évolutions et avoir un coup d’avance.

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