Elections municipales #1

Les élections municipales approchent, dans la Vienne comme ailleurs. Premier billet d’une série plus ou moins longue, non pas pour prendre parti pour l’un ou l’autre
des candidats, simplement pour évoquer quelques enjeux qui seront évoqués, ou pas, par les candidats, en me focalisant sur les aspects “développement économique”.

 Les deux principales villes de la Vienne sont Poitiers, d’une part, et Châtellerault, d’autre part. Sur Poitiers, trois principaux candidats briguent la
succession de Jacques Santrot, maire sortant PS  (ordre alphabétique) : Stéphane Braconnier, UMP, Alain Claeys, PS, Philippe Mahou, Modem. Sur Châtellerault, 4 candidats : Jean-Pierre Abelin, UMP, Gilles Michaud, divers gauche, Philippe Rabit (je n’ai pas trouvé de blog ou de site), ex-UMP, Joël
Tondusson
, PS (maire sortant). Je parlerai essentiellement des élections dans ces deux villes.
 
On peut penser que les candidats sur Poitiers vont parler essentiellement de Poitiers, les candidats sur Châtellerault vont parler essentiellement de Châtellerault.
Logique me direz-vous. Et bien non, pas tant que ça en fait : du point de vue du développement économique, le territoire “pertinent” ne se limite pas à chaque ville, il s’agirait plutôt de
l’axe Poitiers – Châtellerault. Avec, d’un côté, Poitiers, ville dominé par le tertiaire, notamment le tertiaire public (les principaux employeurs de la Communauté d’Aggglomération de Poitiers
sont le CHU, l’Université et la Ville), de l’autre Châtellerault, ville industrielle, et entre les deux la zone du Futuroscope, avec son Parc de loisirs, dont j’avais parlé ici, et une zone d’activité où sont localisés de nombreuses entreprises de service, notamment des centres d’appels. C’est
aussi le lieu d’implantation du seul pôle de compétitivité labellisé de Poitou-Charentes, le pôle MTA (Mobilité et Transports
Avancés).
 
Les problématiques en termes de développement économique de ces trois zones sont très différentes. Je me contente ici de quelques éléments de cadrage, pour faire ressortir quelques problématiques importantes, je développerai dans des billets à suivre.

Pour Poitiers, certains candidats dénoncent l’absence d’une politique ambitieuse d’attractivité vis-à-vis des entreprises privées, à l’heure où la mondialisation met
tous les territoires en concurrence. C’est oublier que le développement des territoires peut se faire hors mondialisation, pour reprendre la formule de Davezies : il peut reposer sur une logique
d’économie résidentielle, plus que sur une logique d’économie productive et, compte tenu des caractéristiques de Poitiers, la première logique apparaît comme plus pertinente. Je ne développe pas
pour l’instant, je renvoie simplement à la lecture de l’ouvrage de
Davezies
, avec à suivre une note de lecture de cet ouvrage (avec des éléments de critique qui me semblent intéressants de mettre au débat), et un papier sur l’impact en termes de
développement local de quelques grandes institutions publiques poitevines.

Pour Châtellerault, le coeur du problème tient aux transformations de l’industrie. Le problème est que certains ont un peu trop présent à l’esprit
l’enchaînement Déclin de la France car Désindustrialisation car Délocalisations. Les travaux menés au sein de mon laboratoire (une thèse en cours sur les échelles spatiales de l’innovation a
comme terrain d’étude le territoire de Châtellerault) montrent que les choses sont un peu plus complexes que cela… Le deuxième problème est que sur ce territoire comme sur de nombreux
autres (ah, le mimétisme des institutions…), la réponse qui semble émerger consiste à mettre en place un cluster, afin que les entreprises locales travaillent plus souvent ensemble. Là
encore, je ne développe pas outre mesure, mais je doute de la pertinence d’une telle réponse, pour tout un ensemble de raisons. Je renvoie pour l’heure à l’étude du Cepremap sur les Pôles de compétitivité, qui comprend une partie très intéressante consacrée à l’évaluation
des SPL, avec à suivre, là aussi, une note de lecture sur cette étude (si la partie étude empirique est remarquable, je ne partage pas toutes les implications qu’en tirent les auteurs, j’y
reviendrai pour alimenter le débat). 
 
Pour la zone du Futuroscope, plusieurs problématiques : Celle du Parc du Futuroscope, d’abord, dont j’ai déjà parlé ici. Celle des centres d’appels, ensuite. Je signale que leur poids dans l’ensemble des effectifs est, en région
Poitou-Charentes, près de 4 fois plus important
 que la moyenne France entière, c’est la région leader en la matière. Analyser précisément ce
secteur est donc tout à fait essentiel. Or, la peur d’une délocalisation massive de cette activité paralyse de nombreux acteurs (“de toute façon, tout va partir”). Pour avoir commencé à
travailler sur le sujet dans notre labo, il s’avère que ce n’est sans doute pas le problème essentiel à court ou moyen terme. Il y a en revanche de vrais enjeux en termes de marché local du
travail : difficultés de recrutement pour certains établissements, problèmes de conditions de travail pour d’autres (pas toujours les mêmes, et pas dans tous
les établissements), … Autre question sur ce site : la pertinence du pôle de compétitivité MTA. Je renvoie de nouveau à l’étude du Cepremap, les premières parties cette fois, sur les Pôles de compétitivité. Petit extrait :
 

M. Porter affirme clairement qu’« il devrait y avoir certaines semences d’un cluster qui aient réussi à passer le test du marché avec succès avant que les efforts
visant à développer les clusters ne soient justifiés». (…) De nombreuses initiatives de clusters ne sont pas aussi prudentes et proposent souvent d’en développer de nouveaux à partir de rien.
(…) Sur le plan empirique, la prudence de M. Porter semble la bienvenue. La difficulté pour reproduire des clusters réside dans le fait que, dans la plupart des activités, les
connaissances de pointe à la frontière de la technologie sont tacites et disséminées à un vaste ensemble d’employés. Cette immobilité des connaissances de pointe (au moins à court terme) a été
prouvée à de nombreuses reprises. Par ailleurs, C. van der Linde ne trouve qu’un seul cas où la création d’un cluster a été réussie grâce à une politique de soutien (Hinshu à
Taiwan) dans une étude de plus de 700 clusters
. (Etude Cepremap, p. 37-38, c’est moi qui souligne).

Approfondir la réflexion dans ces différentes directions me semble donc nécessaire, histoire d’en tirer des implications en termes de politique publique, et d’éviter
de taper à côté des problèmes. Il conviendrait également de réfléchir aux moyens de coordonner l’action publique sur l’axe Poitiers-Châtellerault, afin d’éviter des problèmes de concurrence
– rivalité – conflit entre  les différentes institutions. La région Poitou-Charentes disposerait des atouts de la Silicon Valley, la mise en oeuvre de politiques non coordonnées ne
serait pas trop grave, ce ne serait qu’un peu de gaspillage d’argent public. Mais je ne crois pas que ce soit le cas…

4 commentaires sur “Elections municipales #1

  1. Ce que j’ai retenu de votre post :

    – avant de se lancer à fond dans un cluster, il faudrait donc vérifier que ce qui en sortira est susceptible d’intéresser le (un) marché… ce qui n’aurait pas été fait avec le pôle MTA ?

    – il faudrait que les collectivités travaillent dans le même sens et, pourquoi pas, sous la conduite d’une seule… ce qui dans cette région ressemble à un pari impossible

    – la présence massive de centres d’appels n’est pas dangereuse à court ou moyen terme, mais il faut absolument diversifier les activités économiques du secteur…

    Merci de me dire si je m’égare, mes connaissances en éco remontent à feu le bac B…

    PS : on vous annonce prochainement dans une réunion publique de Gilles Michaud à Châtellerault et un peu plus tard à une réunion des Mardinoustoo à Poitiers. Seriez-vous le chouchou des centristes 😉

  2. @ gôchiste :* pôle MTA : il s’agit plutôt de dire que ce pôle ne part de pas de grand chose, il relève plutôt d’une création ex nihilo, et les études montrent que la réussite de tels projets de création est très rare* centres d’appels : “diversifier les activités éco dans ce secteur” – je ne vois pas bien ce que vous voulez dire. Je dis qu’il faut plutôt traiter des problèmes marché local du travail

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