Des relocalisations qui pèsent ?

J’ai évoqué à plusieurs reprises (ici et notamment) le sujet des relocalisations d’entreprises (entreprises ayant délocalisé et décidant ensuite de se réinstaller dans leur pays
d’origine). Ces exemples de relocalisation sont intéressants, car ils montrent que certaines entreprises ont du mal à prendre en compte l’ensemble des coûts de production et de coordination
(et/ou la dynamique de ces coûts) pour déterminer une localisation « optimale ». J’ai expliqué aussi qu’il convenait de ne pas exagérer le nombre de relocalisations, de la même façon
qu’il convient de ne pas exagérer le poids des délocalisations dans les destructions d’emplois.

 

Quelques compléments, suite d’abord à des échanges lors d’une table ronde du Colloque de
Metz
avec Steffen Kinkel, du Fraunhofer Institute for
Systems and Innovation Research
, qui étudie les phénomènes de délocalisations et de relocalisations en Allemagne dans certains secteurs de l’industrie manufacturière : depuis 2000, ce
sont 3500 entreprises de l’industrie des métaux et de l’industrie chimique qui ont relocalisé en Allemagne. Pourquoi ? En raison de surcoûts mal anticipés : surcoûts liés à une mauvaise
anticipation des délais d’installation (en moyenne la durée d’installation effective est le double de la durée planifiée), à la supervision des nouvelles installations, aux frais de personnels
dépêchés sur place pour mettre en place les installations, à la difficulté de trouver des fournisseurs performants sur place (d’où la nécessité d’importer d’Allemagne des éléments non trouvés sur
place), à des problèmes de fiabilité ou de qualité, etc. (pour des compléments, voir aussi cet article du BusinessWeek)

 

Les conclusions d’une étude sur l’industrie européenne, publiée en mai 2006, vont dans le
même sens : entre 25% et 50% (selon les pays) des entreprises enquêtées ont investi dans une unité de production à l’étranger en 2002 ou en 2003 avec comme motivation première la réduction
des coûts de production, mais aussi l’accès à de nouveaux marchés, ou l’installation auprès de clients clés. Mais, dans le même temps, entre un sixième (Allemagne ou Italie) et la moitié des
entreprises (Royaume-Uni) s’étant engagées à l’étranger ont fait demi-tour. Pour la France, 46% des entreprises enquêtées ont fait de l’offshoring, 15% ont fait demi-tour, soit un ratio
relocalisation/offshoring de 3 pour 1.

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Les raisons invoquées pour les relocalisations sont les suivantes : problèmes de qualité, de flexibilité/réactivité, de coûts de production, de coûts de
coordination et de communication, enfin de disponibilité de personnes qualifiées.

En résumé : les délocalisations et les relocalisations pèsent globalement peu, mais les relocalisations semblent représenter une part non négligeable des
délocalisations…

8 commentaires sur “Des relocalisations qui pèsent ?

  1. “Pour la France, 46% des entreprises enquêtées ont fait de l’offshoring, 15% ont fait demi-tour, soit un ratio relocalisation/offshoring de 3 pour 1.”Ne serait-ce pas plutôt un ratio de 1 pour 3 ?Bien à vous.

  2. Les délocalisations d’Europe vers des pays à moindre cout ne répondent elles majoritairement pas à des logiques financières plutôt qu’industrielles ou productives ?
    Comme par exemple pour les entreprises détenues par des fonds de pension à 15% par an ou autres joyeusetés du même ordre ?

  3. Ca ne m’étonne pas du tout ce taux de retour. J’ai toujours été étonné du discours enthousiaste de certains dirigeants français sur l’interêt des délocalisations vers des pays à bas cout de main d’oeuvre : si c’était aussi simple ca fait longtemps que les entreprises installées à Paris auraient déménagé vers la province, où les salaires et loyers sont nettement plus bas. C’est curieux de délocaliser en Roumanie alors qu’on a jugé qu’il était trop compliqué de déménager à Nantes!Sinon de mon expérience personnelle (dev informatique) je confirme : les coûts de l’offshore trés mal évalués, voire pas évalués du tout. Le raisonnement est que puisque le coût journalier du salarié est 5 fois plus bas, forcément même si on met deux fois plus de temps à faire les choses ca reste rentable. C’est un calcul qui écrase toute critique, parcequ’il semble prendre beaucoup de marge, alors que c’est juste du pifomètre – mais du pifomètre impressionnant, qui absout de faire un réel calcul de rentabilité, voire de faire des vérifications élémentaires sur place. J’ai bossé pour une société française d’électronique bien connue qui a attendu le lancement d’une unité de production en Chine pour découvrir que sur place il faudrait supporter des coupures de courant quotidiennes!

  4. Au cas improbable où cela vous intéresse et où vous ne le saviez pas déjà… Le Monde daté du jour publie un article signé Marion Van Renterghem et titré “La mondialisation, source d’espoir et d’inquiétudes pour les Européens”, dans lequel on trouve par exemple cette phrase “les
    délocalisations d’activités, auxquelles on
    impute une part importante du chômage,
    ne représentent qu’une part limitée
    (7,1 %) des pertes d’emploi constatées au
    sein de l’UE.”
    Consultable en ligne (pour le moment) (utiliser “délocalisations” comme chaîne de recherche, histoire d’avoir aussi l’infographie)

  5. J’ai du mal à saisir le processus lié à une sous-estimation des coûts d’intallation lors d’une délocalisation.Pratiquement cela signifie quoi ? L’entreprise s’installe, supporte les coûts de l’installation, puis se rend compte qu’elle les avait sous-estimés ? Et elle relocalise alors que les dépenses d’installation sont effectuées !? Qu’est que je ne comprends pas … ? En revanche je saisis bien les autres facteurs de sous-estimation (environnement institutionnel, économique et humain)

  6. @François : l’argument est cité dans le doc que j’ai vu sans plus de développement. On peut imaginer que le processus de délocalisation se fait parfois par étapes, les problèmes rencontrés lors de l’étape 1 incitant à faire demi-tour.

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