Les patrons sont-ils trop payés?

La rémunération des patrons refait la une de l’actualité avec les 8,4 millions empochés par Forgeard après son départ en fanfare d’Airbus, ou encore l’indemnité de départ de 5,7 millions de Serge Tchuruk PDG d’Alcatel Lucent. Les candidats commencent à réagir, certains annoncent la mise en place d’une loi contre les patrons voyous.

D’où la question : les patrons sont-ils trop payés? Si oui, quoi faire?

réponse n°1, largement diffusée, à la sauce "théorie de l’agence" (présentée dans le chapitre 1 de cet ouvrage incontournable) : oui, parfois en tout cas, car les dirigeants bénéficient d’un surcroît d’information, ils savent mieux que les actionnaires ce qu’ils font au jour le jour, et ils peuvent en profiter pour adopter des comportements opportunistes. Les scandales financiers (Enron, Parmalat, WorldCom, Vivendi, …) en sont des preuves récentes. D’où des préconisations largement reprises dans les principaux pays développés consistant à mettre en oeuvre des systèmes de contrôle et d’incitation (audit interne et externe, comité de rémunération, obligation de publication des rémunérations, administrateurs indépendants, stock-options, …). S’il y a encore problème, c’est que les systèmes de contrôle et d’incitation ne sont pas suffisants, on n’a pas redonné assez de pouvoir aux actionnaires.

réponse n°2, de Gabaix et Landier : non, les patrons ne sont pas trop payés, la hausse significative de leur rémunération s’explique par la croissance de la taille financière des entreprises. Si un patron se rate, les conséquences sont de plus en plus gigantesques. Il convient donc de choisir les meilleurs, la compétition entre entreprises pour attirer et conserver les meilleurs dirigeants se traduisant par une hausse des rémunérations. En passant, les deux auteurs expliquent que la rémunération inférieure des dirigeants français par rapport aux dirigeants américains est dès lors normale, les entreprises françaises étant d’une taille significativement inférieure (d’où des enjeux financiers inférieurs, etc..). Alexandre Delaigue nuance le propos : i) si la rémunération dépend de la taille, alors les dirigeants vont être incités à maximiser la taille pour maximiser la rémunération… ii) si les enjeux financiers augmentent, ok, que l’on augmente les rémunérations… mais pourquoi n’augmenter que celles des top managers? C’est donner aux dirigeants beaucoup plus d’importance qu’ils n’en ont…

réponse n°3, de Robert Boyer : oui, les patrons sont trop payés, et ce n’est pas en s’engageant des des logiques "valeur pour l’actionnaire" qu’on va s’en sortir. Boyer s’appuie pour étayer son propos sur l’exemple américain, où les systèmes d’incitation et de contrôle sont on ne peut plus développés, et ou, pourtant, la rémunération des dirigeants a continué de progresser. Pourquoi? Il considère qu’une alliance s’est nouée de fait entre dirigeants et financiers, qui ont  exploité l’érosion de long terme du pouvoir de négociation des salariés. On n’a pas redonné du pouvoir à l’actionnaire au détriment des dirigeants, on a redonné du pouvoir aux actionnaires et aux dirigeants au détriment des autres salariés et plus généralement des autres parties prenantes. D’où un plaidoyer pour le passage à une gouvernance shareholder, et/ou à des audits publics des entreprises, et à des sanctions légales plus fortes.

Je me risque à relier les trois explications : une convention de rémunération  à la Gabaix/Landier  (réponse n°2) se serait imposée sur les marchés financiers, au profit des actionnaires et des dirigeants mais au détriment des salariés (réponse n°3) ; convention de rémunération qui ne semble pas à même d’éviter quelques "petits" problèmes d’opportunisme ou d’incompétence (réponse n°1)…

10 commentaires sur “Les patrons sont-ils trop payés?

  1. Bonjour,

     

    Non, les patrons ne sont pas trop payés si tout le monde gagne (Entreprise, salariés et actionnaires (ce n’est pas une utopie, je l’ai vécu pendant 20 ans).
    Par contre, il y a des limites infranchissables :
    La rémunération du PDG doit comporter un fixe (qui est un multiple « officiel » du salaire minimum en vigueur dans l’Entreprise) et des variables (60% de la rémunération totale, sic le président de la Télémécanique, il y a 20 ans) appuyées sur 3 critères :
    –         le résultat net de l’Entreprise (% évolutif avec les ans)
    –         le montant d’investissements (y compris marketing)
    –         le social (avec clause rédhibitoire = tout plan de licenciement dans l’année interdit tout versement de variable ou prime (cela peut paraître évident mais …
    J’ai vu un président dans mon ancienne entreprise se verser un salaire mensuel de 200.000 euros et fermer 2 usines dans les années qui ont suivi (inadmissible et insupportable)
    Pas de retraite spécifique à la FORGEARD  ou autre, etc ….(le sujet est trop vaste pour un blog)
    Les réussites d’une Entreprise d’une certaine importance ne peuvent pas être le résultat que d’un seul homme. OK, il y a un leader, il est un peu plus payé que les autres managers de l’Entreprise, mais décemment et officiel.

  2. On peut interpréter différemment le modèle de Gabaix et Landier (auquel je ne crois pas mais c’est une autre histoire…), qui s’assimile à un modèle de rémunération des superstars (comme pour les joueurs de foot quand les droits de retransmission augmentent). Dans ce modèle, les patrons sont effectivement payés au salaire de marché mais cela n’empêche pas qu’ils soient “trop payés”, dans un sens de justice distributive.

    Pour tisser la métaphore footbalistique, il n’y a aucune raison morale pour que Zidane aie touché des salaires bien supérieurs à ceux de Platini par exemple. Les conditions de marché ont seulement changé et Zidane en profite. Il n’a aucun mérite à cela.

    Ce genre de modèle est donc typiquement (de mon point de vue) un bon point de départ pour justifier des impôts élevés pour les gros salaires. C’est un modèle qui explique la formation de gros salaires, mais qui ne les justifie pas.

  3. @ svagrid : entre expliquer et justifier il existe un monde. Expliquer c’est comprendre, justifier c’est donner une légitimité. Et un scientifique explique, ne justifie pas (ou s’il le fait il n’est plus scientifique…). Alors pourquoi un modèle scientifique devrait-il justifier ? Notez que la réutilisation de modèles scientifiques par les politiques pour justifier leurs programmes est un autre problème…

  4. L’actualité récente nous montre que les indemnités de départ de certains patrons sont trop importantes. Qu’elles représentent une prime à l’incompétence. La gauche avait fait une proposition de loi au Parlement, qui a été rejetée par l’UMP et l’UDF.Les exemples de golden parachutes deviennent nombreux ces derniers temps. Des sommes qui dépassent l’entendement et qui par rapport à celles que perçoivent les simples salariés, sont carrément indécentes. Les libéraux devraient comprendre qu’ils sont entrain de sier la branche sur laquelle ils sont..

  5. Plus précisément, le problème de l’affaire Forgeard pour la théorie de l’agence c’est comment expliquer que les instruments de contrôle des comportements opportunistes des managers puissent être à ce détournés ???Golden parachute et stock-options pour un manager dont la première filiale de son ex-entreprise connait un plan social conséquent en raison d’une grave erreur industrielle, passe encore, il était pas à la tête de la dite filiale (Airbus), mais de la maison mère (EADS). Mais qu’il profite de cette erreur pour comettre un délit d’initié… Qu’est ce qui est passé apr la tête des administrateurs d’EADS ?post scriptum : les caractères à recopier étaient "PCF", c’est sûr, ce site est orienté 😉

  6. la rémunération des patrons ne me pose pas vraiment de problème. Ma gêne est ailleurs.
    C’est que dans le même temps on doit supporter des Seillière expliquant sur France Inter que le smic est un salaire vertigineux. Des Dassault expliquer sur la même antenne que le jour de sa retraite il devra s’exiler en Suisse parce qu’avec les imp^^ots il n’ pas les moyens de rester en France.
    C’est ces pressions constantes et permanentes sur les salariés pour exiger d’eux des efforts à sens uniques sans la moindre contrepartie.
    C’est aussi que depuis 20 ans quelques industries du CAC40 imposent à l’économie qui produit des richesses des contraintes irresponsables dans le seul but d’augmenter le fameux ROI.
    Ces salaires ne me poseraient aucun problème s’ils n’étaient pas réalisés dans le cadre d’un modèle économique où une poignée de nanti s’accapare la richesse produite par d’autres.
     

  7. Selon moi, le problème est la conséquence d’un dysfonctionnement de notre système. il faut savoir tout d’abord ce qu’est un PDG. Le Président Directeur Général d’un groupe est un fusible en or. Mis en place par les actionnaires de la société pour diriger et piloter l’entreprise, il est le pion à faire sauter si les objectifs ne sont pas atteints. Les personnes qui occupent ce poste sont généralement des personnes qui présentent de réelles capacités de gestion, de vision, de management. Il est faux de prétendre que ce poste peut être occupé par le premier travailleur venu. Dans le droit du travail, je rappelle que le poste de Président Directeur Général ne bénéficie d’aucune protections, pas de préavis de licenciement, pas d’allocations chômage à la sortie, rien. Ces personnes là sont rares sur le marché, il y en trop peu pour les besoins du marché. Ainsi, comme sur tout marché, ce qui est rare est cher. Les postulants à ces postes (que l’on vient souvent débaucher du reste) se construisent une protection certes en or massif.Ce qui est rare est cherDans n’importe quel secteur que ce soit, débaucher une personne coûte cher, d’autant plus cher lorsque elle est rare. Alors ne venons pas crier, ni légiférer sur un mal, sur un déséquilibre. Qui plus est lorsque les donneurs de leçons bénéficient pleinement de droits comparables, d’appartements de fonctions, de fonctionnaires attitrés et de carrosses at vitam eternam.Oui messieurs les politiques, le poste de PDG est un poste plus dangereux est sûrement plus compliqué que le vôtre. Il est, qui plus est, dangereux car il engage des responsabilités énormes. La seule différence qu’il existe entre "vous" et "eux" c’est que leurs indemnités sont financées par de l’argent PRIVE.
    http://careagit.blogspot.com

  8. La question de savoir si les salaires sont trop eleves ou non  suppose la connaissance du niveau de salaire\\\’\\\’ juste\\\’\\\’.  Sur cette base , Depardieu ou Zidane sont-il trop payés? Chirac est-il sous-payé? Quels critères prenons nous (purement économiques,sociaux  ou moraux)? Mon coiffeur dont la pratique n\\\’a pas vraiment  changé depuis l\\\’antiquité merite-t-il son salaire? 
    A mon sens, le salaire des patrons comme l\\\’ensemble des salaires du privé est déterminé par la loi de l\\\’offre et de la demande, qui dépend de très nombreux facteurs. La question de savoir si les salaires sont abusifs est donc de peu d\\\’utilité . Analyser le processus complexe de fixation des salaires  est beaucoup plus fécond.
     

  9. je ne comprends même pas pourquoi on pose la question. pour moi c’est évident: oui certains patrons sont trop payés, de même que certains footballeurs, certains postes de hauts fonctionnaires, certains mandats politiques etc.je ne comprends pas comment on peut bien se débrouiller pour claquer plus de deux ou trois mille euros par mois, surtout quand on voyage et mange aux frais de l’entreprise (ou de la collectivité etc.). comment fait-on? on brûle les biffetons en trop? on bouffe du caviar au petit-déj? sérieusement je m’interrogeen fait je ne comprends pas grand chose, si ce n’est que ces gens-là crachent joyeusement et quotidiennement à la figure des “4 à 8 millions de pauvres en france” (obs. des inégalités)http://www.inegalites.fr/spip.php?article270

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