Devoir de rentrée…



Petite pause dans la correction de copies. J’en profite pour poser une devinette accompagnée d’un devoir de rentrée (niveau facile, voire débutant).

Un chef d’entreprise a décidé de payer ses salariés deux fois et demi le salaire moyen en vigueur à l’époque. Plus tard, il a déclaré :

[cette décision a été] l’une des meilleures mesures de réduction des coûts que nous ayons jamais prises"

Devinette : qui a dit cela?
Devoir de rentrée : comment expliquer le paradoxe apparent entre augmentation des salaires et réduction des coûts?

Indication : non, ce n’est pas René Obermann, le nouveau P-DG du groupe Deutsche Telekom, qui vient de déclarer :

"Notre société offre en comparaison à d’autres entreprises du secteur toujours des conditions de travail confortables et de bons salaires. (…) Pour être franc, cela ne pourra pas rester comme cela, parce que nous devons urgemment baisser nos coûts, malheureusement aussi nos coûts de personnel"

Les étudiants de la fac de Poitiers, leur famille et leurs proches, n’ont pas le droit de jouer.

10 commentaires sur “Devoir de rentrée…

  1. Au débotté, je dirais Henry Ford, parce que ces hauts salaires lui évitaient le turn-over alors très important dans l’industrie, et lui permettaient de demander à ses employés d’organiser leur travail de manière plus sytématique (il les compensait pour un travail moins gratifiant et plus mécanique).

  2. Argh, je me suis fait griller: c’est effectivement Henry Ford dans ses mémoires à propos de la journée à 5 $ en 1914: il a décidé d’augmenter très fortement le salaire journalier des ouvriers pour les inciter à rester dans son usine où il avait mis en place le travail à la chaîne.Ford avait pour ambition de mettre "l’Amérique sur 4 roues" en abaissant les coûts (économies d’échelle: le prix de la fameuse Ford modèle T passe en quelques années de 900 dollars à 300 dollars environ) et en augmentant le salaire des ouvriers (pour en faire une main d’oeuvre docile). Ceci a été possible grâce aux gains de productivité évidemment.Le fordisme a permis de concilier offre et demande par la production de masse et la consommation de masse. Ce qui aujourd’hui nous pose plus de difficultés.

  3. Grillée, mais je le savais.L’idée de Ford, c’est que ses salariés devaient pouvoir se payer ce qu’ils produisaient. Autrement dit, il liait salaire et débouché,  très keynésien, en somme.Maintenant, mis à part les pizzaïolos, la tendance est à faire en sorte que les producteurs aient de moins en moins les moyens de se payer ce qu’ils fabriquent!Question subsidiaire : avec quoi peuvent donc bien jouer les petits Chinois?

  4. ça ne doit pas être un français, puisque les salaires en France sont généralement fixés dans le cadre des accords de branche, qui prévoient rarement une telle variabilité à qualification constante.Quand on vous dit que la législation interdit aux entreprises de réduire leurs coûts, c’est vrai !

  5. Hum… je me demande si cela reste réellement "niveau débutant/facile", en devinette économique. ;o)Tout d’abord parce que des concepts comme les économies d’apprentissages, d’échelles, la fidélisation de la main-d’oeuvre par les entrepreneurs, les incitations, etc. ne sont pas *si* répandues. Ensuite, parce que ceux connaissant éventuellement l’auteur de cette citation ne sont pas *si* nombreux non plus…Enfin, parce qu’à l’heure actuelle, la doxa médiatique tend plutôt à amener l’idée qu’une réduction des coûts de productions doit évidemment passer par une réduction des coûts salariaux…Bref, c’est facile… lorsqu’on connaît le truc. :o)Cela a plus la tête d’une intro : je suis sûr que pas mal de monde, non habitué à vos textes ou à "l’économie approfondie" (Autre chose que la lecture d’un journal national.), serait "choqué" par les principes mis en jeu et dévoilés par de telles citations.Respectueusement,AJC

  6. Ce qui est fascinant, c’est de comprendre que cela ait marché!Il fallait d’abord que le passage à la aîne premette un gain phénomènal par rapport aux organisations artisanal des concurrents. Pour le comprendre, il faut imaginer le grand nombre d’opérations et de piéces différentes pour faire une voiture et à imaginer la très grandes quantités d’opérations sans valeur ajoutée (ceesst à dire ne modifiant pas le produit), comme des manutentions de piéces, que la chaîne a permis de supprimerEnsuite, se pose la question de savoir pourquoi la fidélisation des ouvriers eprmet de faire tourner correctement cette chaîne alors que le turn over important ne le permete pasPour cela me semble t’il, il faut imaginer que cette première chaine n’est pas aussi taylorisée que les chaines actuelles où l’apprentissage du geste répétitif pour le faire dans les temps) ne prend que quelques heures: aujourd’hui, mettre des ouvriers fidélisés plutôtq ue d’enc hanger régulièrement sur une chaîne ne permet pas de les payer 2.5 fois plus, sinon on ne ferait pas à ce point appel à l’intérim (cela dépend bien sur des secteurs)Il faut encore des ouvriers professionnels, et justement parce qu’ils sont professionnels, ils répugnent à rester dans un travail qui les prive d’une grande partie de l’autonomie et de la diversité qu’ils avaient ailleursPour donner un exemple actuel, j’ai vu il y a 7 ou 8 ans, une usine de semi conducteurs mettre en place un système d’horaires annualisés pour éviter de prendre des CDD l’été (pourtant des étudiants) parce qu’il fallait 3 selmaines pour les former et qu’on ne les utilisait ensuite que 2 mois: le surcoût de la formation était donc d’environ un tiers!

  7. Un des commentateurs a écrit :
    « L’idée de Ford, c’est que ses salariés devaient pouvoir se payer ce qu’ils produisaient. Autrement dit, il liait salaire et débouché,  très keynésien, en somme. »
     

             Il semblerait qu’il s’agisse là d’une explication « ad-hoc ». En effet, un peu d’attention permet de montrer que la solution des hauts salaires n’est pas la meilleure pour s’assurer des débouchés puisque les salariés de Ford pourront consommer autre chose que des produits Ford et que les salariés des autres entreprises ne pourront pas acheter des produits Ford. La solution la plus efficace pour élargir le marché est bien sûr la baisse des prix de vente (que Ford a également utilisée). Si Ford a pratiqué cette hausse de salaire c’est surtout pour réduire un « turn over » (380% la première année) qui réduit la productivité (mettre un  nouvel ouvrier sur une chaîne oblige à ralentir celle ci pour quelques temps ; plus le turn over est élevé plus le nombre de « nouveaux salariés » est important). Evidemment, il était préférable pour Ford d’expliquer que c’était pour que ses employés puissent accéder à la conomaation( cela faisait de lui à la fois un « homme de bien » et un visionnaire ») que d’expliquer que ses conditions de travail étaient tellement pourries que les salariés se barraient à la première occasion.
             Ce qui est intéressant, c’est que c’est la première explication qui est restée (et qui a été longtemps enseignée en collège) et qu’elle ne rentre pas dans le cadre des explications scientifiques mais dans celui des « mythes de création » : la belle histoire « ni vraie ni fausse » (comme tout mythe) qui explique la naissance d’un monde nouveau (les « fameuses trente glorieuses » appelées également « régulation fordiste »).
     
     

    Rogel

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