Ici Londres #3

Ben Mince alors! J’apprends ce matin qu’une entreprise française (Peugeot) implantée au Royaume-Uni (à Ryton, près de Coventry) va fermer son usine d’ici 2007 ! Et pourquoi donc? Car "une Peugeot 206 coûtait 400 euros plus cher à produire à Ryton qu’à Poissy ou à Mulhouse" (dixit un porte parole du groupe).

Bon, moi je dis stop : tout le monde sait que l’avenir économique passe par un coût du travail plus faible (la Chine a de l’avenir) ou par un marché du travail plus flexible (le Royaume-Uni a de l’avenir), non?

Et bien non, justement : ce que les entreprises souhaitent minimiser, c’est l’ensemble de leurs coûts. Bien sûr, le coût du travail en est une composante. Mais il convient également d’intégrer le différentiel de productivité, qui nous renseigne sur l’efficacité de l’heure travaillée. Et aussi –et dans l’exemple de Peugeot, ca compte– l’ensemble des coûts de coordination (d’autres diraient des coûts de transaction) : entre l’entreprise et ses fournisseurs, d’une part, entre l’entreprise et ses clients, d’autre part. Or, Peugeot indique que le sur-coût britannique s’explique principalement par "des coûts logistiques plus élevés : non seulement la majorité des fournisseurs n’est pas implantée en Grande Bretagne et nous envoie des pièces, mais nous exportons 70% de la production vers le reste de l’Europe" (Cf. Le Figaro ou Libé). Bref, le site britannique est globalement moins compétitif que les sites français…

Ce qui fait dire à un syndicaliste anglais : "Tout cela s’inscrit dans le cadre d’un déclin de l’emploi industriel, plus rapide en Grande Bretagne que dans n’importe quel autre pays d’Europe de l’Ouest".

Tu vas voir, un de ces jours, un Hurluberlu d’Outre-Manche va nous dire que l’économie française a de l’avenir…

17 commentaires sur “Ici Londres #3

  1. "Bref, le site britannique est globalement moins compétitif que les sites français…" Que les sites français ou que les sites en République Tchèque ? Le prochain site sur la liste pourrait-il être français ? Et les coûts en terme d’image [s’il avait fallu fermer un site en France] ? A noter aussi les propos [d’un syndicaliste] repris sur le site du Telegraph : The mood is one of anger and disgust at the way the company has done this and the fact that Ryton is being painted as the most expensive plant in Europe.
    We reject that argument out of hand because the company has made it the most expensive plant by sourcing all its parts from France.
    J’en parle aussi chez moi.
     

  2. Il a raison ce syndicaliste mais n’est-ce pas là le but explicite de la flexibilité, passer le plus rapidement possible d’un type de business à un autre plus profitable?

  3. bien sûr, les britanniques ont beau jeu de dire que si on ferme chez eux, c’est parce qu’en France ce serait trop difficile et impopulaire… Sauf que Peugeot n’est pas le premier à faire cela, Ford l’a fait avant, et d’autres encore. Je crois que le RU fait face à un vrai processus de désindustrialisation, partiellement compensé par une re-spécialisation dans les services, notamment financiers. La France n’en est pas là, elle dispose de tout un ensemble d’entreprises et sous-traitants ancrés sur son territoire.Est-ce que tout va partir en tchéquie (plus généralement dans les PECO), en Chine ou en Inde? Je ne le crois pas, pour tout un ensemble de raisons que j’explique dans mon livre (qui sort demain, j’l’avais pas encore dit, je crois 🙂 . Je commence à le dire avec cet exemple : la proximité vis-à-vis de la demande et/ou vis-à-vis des fournisseurs peut être décisive dans certains secteurs, et contraindre fortement les choix de localisation des entreprises. Ce qui explique que la France est dans le peloton de tête des pays qui attirent les IDE…

  4. Pour info, je viens de voir le billet suivant sur un blog des echos, avec des éléments convergents :http://blogs.lesechos.fr/article.php?id_article=444Avec une réserve lorsqu’Izraelewicz dit :" Dans l’automobile, les choses sont plus compliquées que dans le textile, le jouet ou l’électronique", sous-entendu que les discours ambiants sur les déloc s’appliquent pour ces derniers secteurs, ce qui n’est pas si simple (cf Suzanne Berger par exemple).

  5. Le RU n’est plus un pays industriel, on est bien d’accord, mais ça n’empêche pas PSA de tout faire pour que le site de Ryton soit le moins compétitif possible pour s’en débarrasser plus facilement… (justement en leur imposant des fournisseurs français éloignés par exemple). Je serais curieux de savoir si ces même fournisseurs livrent les usines dans les PECO, ce dont je doute fortement.Ton livre sort demain et il est déjà en position 5681 des meilleurs ventes Amazon, chapeau 😉 D’ailleurs a l’heure ou je tape ces lignes, ils ne leur reste plus qu’un seul exemplaire et ils n’ont même pas recopié la 4ème de couverture…Une autre réserve sur le billet des Echos, quand en parlant du Royaume-Uni, "…ni le premier ministre, socialiste…" il doit être le dernier à prendre Tony Blair pour un socialiste !

  6. Je ne parlerai même pas forcément de désindustrialisation en Angleterre, en tout cas pas forcément dans l’automobile. Après tout, l’année dernière, l’industrie automobile britannique (et malgré la fermeture de l’usine Rover) a exporté un nombre record de véhicules, et la production (hors Rover) a augmenté de 1.7%. Il me semble aussi que l’usine automobile la plus productive du monde (Honda ou Nissan, me semble-t-il) est anglaise.

  7. j’ai entendu sur France Inter ou France Culture un commentaire délicieux faisant l’éloge du travailleur britanique, qui n’étant pas aussi borné et effrayé par la flexibilité que le français, trouvait ça normal. Ils auront toujours raison

  8. @ nico : que sur la fin du processus PSA agisse pour se débarasser plus vite du site, ok, mais je ne crois pas que ce soit l’explication de base de la fermeture : le site est au départ considéré comme non compétitif ou non stratégique, on arrête d’y investir, donc il devient encore moins compétitif, etc… Bon, il faudrait sans doute avoir plus d’éléments pour juger plus précisément…@econoclaste-Alexandre : oui, j’ai sans doute parlé un peu vite, ce qui est impardonnable car je voulais poster une autre idée reçue sur "la désindustrialisation de la France"! pour la peine, je chercherais quelques infos sur le RU pour juger de la chose…@ Bridgetoun : j’ai entendu / lu beaucoup de fois la même chose : éloge de la flexibilité UK, avec quasi-culpabilisation des salariés français : s’ils licencient là-bas, c’est qu’en France c’est impossible, les gens sont trop rigides. Interprétation qui colle mieux avec le discours ambiant sur l’économie française et permet d’éviter toute "dissonance cognitive"…

  9. Pour la désindustrialisation (ou non) du RU si on se réfère aux chiffres de l’OCDE, base 100 en 2000 pour tout le monde, la production industrielle en janvier 2006 était de 94.0 au RU 102.1 en France 106.4 aux USA136.4 en PologneUn autre document trouvé sur le site du sinistère de l’économie et des finances propose ce graphique :

  10. chiffres très intéressants! on pourrait penser qu’il y a contradiction entre les chiffres de l’OCDE (baisse de l’emploi industriel en France) et ceux du ministère (augmentation de la production industrielle pour la France), mais en fait, non, j’y reviens dans un prochain billet!

  11. Concernant la part des filliales étrangères dans l’emploi du pays, elle n’a fait qu’augmenter en France de 96 (25,82%) à 2002 (Plus de 30%), selon les chiffres de l’OCDE…Hum… y’a quelqu’un qui a des chiffres plus récents, à ce sujet ? Histoire de voir si le fait que l’on est très productif, compétitif, nid de citoyens très qualifiés possède une influence positive encore de nos jours sur l’emploi dans notre pays…AJC

  12. D’autres chiffres intéressants, dans le Times d’hier : Professor Rhys has calculated that Peugeot made 67 cars per worker at its height of production in 2003, which was 24 per cent higher than Poissey [c’est comme ça qu’ils l’écrivent chez Murdoch !], a French factory that makes the 206 also produced by Ryton. He said: “Peugeot are claiming that it costs more to build cars here. But I would be flabbergasted if that were true. The same with Spain, I would be very surprised if it costs more here than in Spain.Et pour Econoclaste-Alexandre oui effectivement c’est l’usine Nissan de Sunderland (voir wikipedia ) qui est la plus productive d’Europe (du monde ?).

  13. remarques intéressantes, il faudrait enquêter de plus près pour y voir plus clair MAIS : la comparaison des niveaux de productivité ne suffit pas, il faut aussi tenir compte des coûts de transaction : une fois produite, combien coûte l’acheminement vers les clients? Combien coûte l’acheminement des pièces des fournisseurs vers l’usine? Existe-t-il des problèmes d’adaptation suite à l’éloignement avec les différents partenaires? etc…Il est clair aussi que la stratégie de Peugeot peut faire évoluer l’avantage relatif des différents sites dès qu’on a déplacement de la demande desservie par exemple.Tout ca pour dire que la remarque de Rhys n’est pas contradictoire avec l’argument du porte parole de Peugeot : le premier insiste sur les différences de coût de production, le second sur les différences de coût de transaction.

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