Fontcuberta: le scepticisme par l’image!

s19876EGHJFgvLe 25 août 1968, le colonel Ivan Istochnikov, propulsé dans l’espace par Soyouz 2, disparait mystérieusement. “Le politburo ne veut pas reconnaître la perte fâcheuse d’un homme dans l’espace (…) Ce n’est qu’avec la chute du communisme que les documents seront déclassifiés” nous apprend le photographe Joan Fontcuberta qui expose jusqu’au 16 Mars à la Maison Européenne de la Photographie et retrace – parmi d’autres extraordinaires révélations – l’étonnante histoire de ce colonel effacé de l’histoire!

La vérité est ailleurs

ekjdsfiutea“Mais comment ils ont fait pour prendre une telle photo? In-croyable!” se demande un visiteur. Il ne pensait pas si bien dire puisque l’ensemble du “reportage” sur ce colonel est truqué – de A à Z – mais avec tellement de perfection que malgré quelques avertissements, beaucoup se font prendre. De mon côté, je me moquais d’un rire narquois de la naïveté de certains, pour me faire à mon tour piéger quelques mètres plus loin sur un autre reportage tout aussi bidonné…

“J’appartiens à la race des sceptiques”

C’est ainsi que se présente Fontcuberta dans son livre “Le baiser de Judas”. Il nous invite à réfléchir, par son œuvre, à la notion de vérité. Plus précisément, comment sait-on si quelque chose est vrai ou faux? A qui peut-on faire confiance? Quelle valeur de preuve doit-on donner à une photographie? Un reportage? Est-ce plus crédible si une personne en blouse blanche y apparaît? Quid d’un journal télévisé? Des questionnements qui sont évidemment en lien avec la thématique de ce blog. Fontcuberta quant à lui choisit l’art pour s’exprimer. Il nous embarque dans des reportages plus ou moins farfelus mais tous vraisemblables, reprenant en faussaire de génie toutes les règles du genre jusqu’à nous faire douter…de la fausseté même de l’information qui nous est donnée! Il use et abuse de l’argument d’autorité et du discours scientifique: les diplômes, les institutions, le vocabulaire, le laboratoire, le latin, etc. L’ensemble des codes que le grand public pense connaître de la profession est utilisé pour crédibiliser le discours. Ce qui n’est pas sans rappeler les techniques développées par les pseudoscientifiques. Saupoudrez le tout d’un humour savamment dosé et cela donne une formidable opportunité d’initier votre entourage à la réflexion critique notamment des médias et de l’information qui circule à la vitesse de la lumière aujourd’hui.

ddb824d6d51acc7bf4ae9a6ed3Les humanistes, c’est pour les ringards

C’est donc une exposition à ne pas rater, que vous soyez novice, amateur de photographie, scientifique curieux, ou sceptique à la dent dure, vous ne serez pas déçu. Si de plus, comme moi, vous en avez assez des photographes dits humanistes qui sont à l’affiche partout en France (Cartier Bresson and co), cette exposition sera un grand bol d’air frais d’autant plus que ce n’est pas tous les jours que l’art et la science fusionnent de manière si judicieuse.

sham (FacebookTwitterGoogle+)

PS: L’exposition s’intitule Camouflage et a lieu à la Maison Européenne de la Photographie jusqu’au 16 mars. Je signale aussi un autre article du café des sciences sur cette même exposition, à lire sur le Dinoblog.

6 réflexions sur « Fontcuberta: le scepticisme par l’image! »

  1. Sceptique

    Les erreurs et les mensonges finissent toujours par être démasqués ou révélés par de saints traitres. Par contre, les rumeurs, les “complotites” ont la vie plus longue, voire l’éternité, car elles plaisent, et se font des adeptes fidèles.

  2. AlainCo (@alain_co)

    @sceptique
    c’est un peu optimiste d’imaginer que les mensonges sont démasqués. quand il servent des lobbies (politiques, religieux, économiques,corporatistes), ou des désirs secrets (malthusianisme, paternalisme, contrôle, causalité, cohérence) ils résistent, et on ne vois même pas qu’il s’agit de manipulations.

    en plus il y a une tendance a ce que certaines idées abandonnés survivent.

    le problème si on essaye de tuer ces idées zonbies, c’est que a coté des idées zombies exilées dans les bas fonds de la noosphere, il y a des résistants de la vérité tout aussi piteux qui tentent de résister aux délires consensuelles…

    ma conclusion après avoir observé les deux type d’exilés, c’est qu’on a en général pas les outils pour les différencier.
    Il faut s’en remettre aux faits, et les faits sont la première chose que le consensus ou les conspirationiste remettent en cause.

    bref je ne vois comme solution que la liberté et la nature…
    laisser les idées circuler, et voir ce qui marche…
    a trop vouloir faire le ménage on fini par jeter les bijoux, et installer une folie furieuse en tant que consensus.

    le monde sceptique a pour mois bien trop tendance a juger des faits en utilisant le terme de consensus, souvent déguisée en rationalisme mais en fait avec une illusion collective, un biais terrible, des asymetric updates comme dit benabou.

    il n’y a pas d’outils, cognitif, de méthode, qui marche car la première chose qui est corrompu dans une illusion collective c’est le système perceptif et la logique.
    http://www.princeton.edu/~rbenabou/papers/Groupthink%20IOM%202012_07_02%20BW.pdf

    j’ai vu des physiciens tenir un discours clairement en violation de la logique et de l’épistémologie et être convaincu d’avoir raison sans même se rendre compte de leur délire collectif. Un truc qui pourtant est enseigné, et évident pour n’importe quel chimiste ou ingénieur.

    pillule bleue, ou pillule rouge ?
    déjà quelle est votre définition des couleurs ?

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  4. AlainCo (@alain_co)

    J’ai retrouvé ce paragraphe qui décrit bien le risque lié au besoin de nettoyer le bon grain de l’ivraie, soit en fait d’éliminer toutes les idées nouvelles… faute d’avoir les ressources pour se renseigner sur chaque sujet (je sais de quoi je parle étant victime de sceptiques paternalistes mais non-informés)

    http://www.esprit68.org/utopies.html

    “8. La communication de masse étouffe les idées nouvelles.

    Dire que la communication généralisée est un obstacle aux idées nouvelles semble d’abord être plutôt une stupidité. Malheureusement, cette constatation est un fait.

    Imaginons un journal (ou une bibliothèque) qui voudrait recueillir toutes les idées nouvelles formulées à un certain moment de référence donné. Nous avons déjà vu, en parlant du problème de l’accès au début de ce chapitre, qu’il serait pratiquement impossible de retrouver un sujet quelconque dans un pareil recueil.

    Afin de rendre accessible au lecteur le matériel des idées contenues dans un journal ou une bibliothèque, il n’existe qu’un seul moyen : la masse de matériel doit être réduite. Une sélection doit donc être faite, mais cette sélection ne peut être que mal faite, par les éditeurs ou par les censeurs, car, eux aussi, seront incapables de lire un tel amas d’informations pour n’en sélectionner que quelques-unes. De plus, cette sélection sera d’autant plus difficile à opérer pour les idées nouvelles et inhabituelles, que leur terminologie ne peut pas encore avoir été établie, et qu’elles exigent un certain temps de réflexion. Les éditeurs ou les censeurs chargés de la sélection conserveront automatiquement le matériel le plus médiocre et déjà connu, et rejetteront toute idée nouvelle. Nous pouvons constater ce fait, quotidiennement, dans nos journaux, sur nos écrans de télévision, etc. Imaginons maintenant un autre exemple – inverse –: celui de journaux qui n’intéressent que de 2 000 à 5 000 personnes, journaux provinciaux, professionnels, etc. Ils ne pourront jamais faire connaître toutes les idées nouvelles, mais ils pourront sûrement publier toute nouveauté proposée par un de leurs lecteurs parmi ces quelques milliers, et ces idées seront alors accessibles aux autres lecteurs. Si nous supposons maintenant que chaque communauté de 5 000 à 10 000 membres puisse avoir son journal, nous pouvons être sûrs que n’importe quelle idée nouvelle sera publiée, même si elle n’est pas nécessairement lue par tous les habitants du globe. Aussi simple que soit ce procédé, le rejet des idées nouvelles n’est pourtant plus empêché, et une diversité de subcivilisations peut en découler.

    J’ai voulu montrer, grâce à cet exemple, imaginaire, que la communication généralisée, contrairement aux idées répandues, ne sert pas le développement culturel ou celui des connaissances de l’homme, mais bien au contraire, est un moyen d’appauvrissement.

    La communication la plus efficace semble rester celle du face à face3.”

  5. kodama

    Pour les jeunes, la meilleurs école du sceptissisme reste Scoobydoo: pas loin de 400 épisodes avec la même trame.
    Au début on est déçu que, quand même, il n’y ai jamais vraiment de monstre… Puis finalement on passe ce stade pour se satisfaire de découvrir l’ingéniosité mise en oeuvre par certains pour nous faire avaler des couleuvres.

  6. Ping : Revue de Presse #21 » Biblio B.U.S.

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