Enfants et achats sur Internet au regard du droit

Ce document présente Patricia Foucher, qui a animé la Conférence N°7 lors de la journée d’étude du 9 octobre 2014 « Enfants connectés, éduquer à l’ère numérique. Quelle responsabilité des citoyens, des pouvoirs publics et des médias vis-à-vis de l’enfant ? ».

PatriciaPatricia Foucher a commencé sa carrière en étudiant les questions juridiques autour du Minitel. Elle est arrivée au sein de l’Institut National de la Consommation (INC) en 2000. Elle a, tout d’abord, travaillé sur les questions de publicité, de technologie, de facture et de régulation (auto-régulation et co-régulation).

Actuellement, Patricia Foucher travaille au sein de l’INC, en tant que chef de service juridique, économique et de la documentation. Elle intervient dans conso.net, le portail de la consommation géré par l’INC institut national de la consommation. Elle traite des sujets relatifs au commerce, à la médiation et au traitement des litiges, au niveau national et européen.

Elle a exercé six ans en tant que juriste dans une organisation nationale de consommateurs, en charge du traitement des litiges de la consommation, de la coordination des actions juridiques des équipes locales. Ses fonctions lui ont également permis de rencontrer les professionnels dans les instances de concertation ou de négociation.

Elle intervient également dans le Master 2 au CEPE Angoulême pour informer et échanger avec les étudiants sur les sujets suivants : le consumérisme et ses acteurs, l’apport du droit communautaire sur le droit de la consommation français.

Elle a rédigé des articles juridiques et coécrit des fiches pratiques avec les membres du Service juridique, économique et de la documentation de l’INC.

 

L’institut National de la Consommation

L’Institut National de la Consommation (INC) est un organisme du service public créé en 1967 avec l’aval du ministre chargé de la consommation de l’époque. C’est un acteur clé du consumérisme travaillant en collaboration avec 15 associations nationales, 150 instances de régulation de concertation (Commission nationale de l’informatique et des libertés, Institut d’études et de conseils…) et des structures gouvernementales et administratives comme la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes. L’INC est une interface qui permet le lien entre toutes ces structures.

L’organisme assure quatre missions principales :

– Fournir un appui aux associations : il met en place des séances de concertation avec les consommateurs et les associations pour les éclairer sur un sujet en particulier. Il existe plusieurs types d’associations qui travaillent avec l’INC :

  • Le mouvement familial : rassemble diverses associations comme Familles Rurales au sein de l’Union nationale des associations familiales.
  •  Le mouvement syndical : Association force ouvrière consommateur, la Confédération Générale du Travail…
  •  Le mouvement consumériste et spécialisé : l’Union Fédérale des consommateurs pour la consommation et la confédération nationale du logement pour les questions liées aux habitations

– Apporter une aide aux consommateurs : il réalise des comparaisons entre plusieurs produits de la même gamme dans le but d’aider les consommateurs à faire leur choix plus facilement.

– Informer l’ensemble des acteurs : à travers plusieurs médias et enquêtes sur le terrain, l’INC apporte des informations sûres aux consommations et aux associations. Les employés de l’INC s’occupent, notamment, de la question de la contrefaçon.

– Apporter un appui technique aux commissions.

Ainsi, le rôle de l’INC est d’être un passeur d’information, il a un rôle d’aiguillage à travers différents médias : 60 millions de consommateurs (magazine mensuel et hors-série), Consomag (qui est diffusé sur France Télévisions), conso.net (ce site présente l’aspect juridique des produits), Ctaconso (site internet qui concerne les jeunes consommateurs de 15 à 25 ans) et stopauxaccidentsduquotidien.fr (site concernant la prévention face aux accidents de la vie quotidienne) ainsi que Nutritic (une application qui aide les consommateurs pour leur liste de courses en leur proposant des produits plus sains ce qui permet de renforcer la lutte contre l’obésité).

Compte rendu de son intervention

Lors de la conférence, Patricia Foucher nous a précisé les contours de l’institut national de la consommation, ses actions son rôle, et son engagement autour de la consommation et plus précisément sur le thème Enfants Connectés : Eduquer à L’Ere du Numérique.

Elle nous a d’abord rappelé quelques informations juridiques concernant les mineurs. Les mineurs sont « incapables » au sens juridique c’est-à-dire qu’un mineur ne peut pas effectuer des transactions marchandes sur internet sans l’autorisation parentale. Selon les articles 388, 1124 et 389-3 du code civil. Elle a ajouté que le mineur est une personne physique reconnue comme vulnérable (article 120-1 du code de la consommation.)

Par exemple, les annonceurs doivent être vigilants quant au contenu des messages publicitaires adressés aux enfants, ou des publicités passant durant les heures de grande audience, pour ne pas porter atteinte à leur innocence.

Elle nous a ensuite appris que l’Institut National de la Consommation intervient également dans les questions de l’éducation et de « l’enfant connecté » à travers deux outils :

« Galactor » : Un jeu d’origine finlandaise qui permet le partage d’informations personnelles. L’objectif est, notamment, que les adhérents à « Galactor » rencontrent des personnes qui ont eu les mêmes difficultés qu’eux et échangent dessus. Il a été traduit dans 8 pays dont la France ; Patricia Foucher a participé à sa production et à sa traduction en France.

Le deuxième outil mis à la disposition des consommateurs est la « Pédagothèque ». Elle regroupe un ensemble d’avis sur une multitude de sujets. Les articles et les avis sont mis à jour par un comité paritaire (éducation, consommation…) qui après avoir testé un produit, donne son avis.

A côté de ces deux supports, l’INC dispose d’un courrier des lecteurs dédiés aux réclamations des consommateurs qui lui permet d’analyser les questions liées à la connexion des enfants sur internet. Les problèmes les plus récurrents sont liés au contrôle parental, à l’accès à la Freebox et aux codes de carte bleue.

Bien qu’il existe des lois qui régularisent les achats en lignes, Patricia Foucher met en avant qu’il y a une dissonance entre le droit et les nouvelles pratiques de consommation via la technologie.

En effet, certains contrôles ne sont pas assez stricts : que ce soit lors d’un achat ou d’une inscription sur une plateforme en ligne: il existe une case «  certifie que l’utilisateur est majeur » ou « j’accepte les conditions générale de vente/ d’utilisation » mais il n’existe pas une véritable vérification par la suite. De ce fait, une personne mineure peut tout à fait cocher cette case.

Patricia Foucher nous a illustré ces propos avec un exemple qui s’est déroulé en Allemagne : « un enfant de quatre ans a pu acheter par le système de double clic, une voiture de luxe sur internet en utilisant le smartphone de ses parents »

Un autre problème important que rencontre l’INC en terme de protection des mineurs sur internet, est celui des jeux ludiques sous forme d’application qui demandent un paiement (pour obtenir des « diamants » ou autre ressource de ce genre). Certain jeux proposent aux enfants de cliquer pour passer à un niveau supérieur sans préciser qu’il y a un paiement, l’enfant n’a donc pas vraiment conscience que c’est un acte d’achat dans la réalité et non « pour de faux dans le jeu »

Ce type de paiement doit être indiqué avant le téléchargement pour avertir le consommateur et notamment les parents mais ce n’est que très peu le cas. Au regard de la loi, ce genre de pratiques commerciales est considéré comme trompeur mais rien n’empêche qu’on le retrouve souvent dans les applications de jeux. (Article L.120-1 et l’article L.121-1 du code de la consommation.)

Patricia Foucher ajoute que la loi définit les conditions suivantes :

« S’il n’y a Pas d’information sur la vente au préalable, il ne doit pas y avoir de paiement de la part du consommateur ». Article L.121-17 du code de la consommation.

« De même s’il n’y a pas d’information il y a nullité de la commande » article L.121-19-3 du code de la consommation.

« Si le consommateur n’accepte pas les paiements complémentaires, le remboursement est exigé par la loi» article L.114-1 du code de la consommation.

L’INC ne fait que donner l’information, les prises de décisions restent de la responsabilité du consommateur. Les textes de lois réglementant la navigation sur internet existent mais il faut qu’ils soient mis en pratique par les citoyens.

Patricia Foucher a insisté sur la notion de la régulation, c’est-à-dire la nécessité d’une application de Droit, soutenue par la participation de tous les agents économiques (Les parents, les familles, les jeunes, l’Etat et l’ensemble des institutions à but lucratif ou non) pour assurer un contrôle et, un bon fonctionnement des lois. Et pour conclure, « les textes de droit existent déjà, il faut juste les faire connaitre au consommateur » dit-elle. Et pour y arriver ; il faut :

  •  Plus de régulation et de gouvernance
  •  Plus d’éducation et de sensibilisation

Nos questions

  •  Est-ce que vous pourriez nous parler de votre parcours professionnel avant d’intégrer l’institut national de la consommation ?
  •  Quel est le lien entre la révision des articles de lois sur la consommation et le thème « des enfants connectés » ?
  •  En quoi consiste concrètement votre travail par rapport aux consommateurs ? Dans quelle mesure leur venez-vous-en aide dans le domaine juridique ?
  •  D’un point de vue juridique, à partir de quel âge est-ce légal pour un enfant de consommer sur internet ? Dans quelles conditions ?
  •  Comment le droit intervient pour protéger les enfants dans la consommation en ligne?
  •  Que pensez-vous des problèmes liés aux micros-paiements sur internet ? Selon vous qui est responsable d’un point de vue juridique?
  •  L’évolution du droit par rapport à l’évolution de la technologie : quelle est votre opinion ?
  •  Nous sommes contraint d’accepter les conditions générales d’utilisateur pour adhérer à des plateformes comme Facebook par exemple même si on n’a pas une véritable conscience de leur contenu : quelles solutions s’offrent à nous ?

Notre enrichissement personnel

Cette intervention de Mme Foucher nous a permis de connaître un organisme d’aide à la consommation tel que l’INC. Nous ne connaissions pas cet organisme avant la conférence et nous avons découvert un institut qui est au service d’une partie de la population qui pourrait avoir besoin de conseils et d’aide en matière de consommation. De par cette aide mise à disposition, l’INC permet aux consommateurs de devenir consomm’acteur : notion qui désigne des consommateurs rationnels et capables de mesurer les conséquences de leurs actes dans leur consommation vis à vis de l’environnement et autrui.

A travers la présentation de Mme Foucher, nous avons compris comment pouvait s’articuler consommation et juridiction. Elle nous a expliqué comment les textes de lois pouvaient encadrer la consommation en général et notamment la consommation sur internet.

Nous avons aussi appris quels pouvaient être les dangers du libre accès sur internet pour un jeune enfant. Il est particulièrement important de faire attention aux contenus des sites sur lesquels il va. C’est pourquoi Mme Foucher et l’INC de manière plus générale recommandent une plus grande sensibilisation des adultes au sujet de la navigation sur internet.

L’INC  continue d’exercer son rôle de sensibilisation du consommateur dans ses achats quotidiens mais est-ce que cela suffit ?  Grâce à Madame Foucher On s’est rendu compte que la loi reste tout de même éloignée de la réalité marchande et des pratiques actuelles sur le net. Certaines lois sont trop larges ou imprécises et ne peuvent pas s’appliquer à tous les cas de figures.

D’autre part les achats sur le net soulèvent  d’autres questions, notamment l’utilisation de nos données personnelles. Pour réaliser n’importe quelle opération d’achat sur internet, on se retrouve obligé de fournir des informations personnelles, qui seront conservées sur des plateformes pour ensuite, être vendues à des cabinets de recherche et de consommation, ou autre. Car, savoir les préférences des clients c’est utile, mais savoir ce qu’ils achètent réellement est bien mieux pour les entreprises.

Lors de ses achats en ligne, le jeune consommateur peut acheter sur des sites dont il ne connaît pas l’origine, ni la loi applicable, ni la procédure à suivre en cas de litige. Quel risque prenons-nous en effectuant des achats sur la toile, surtout quand nous sommes face à des conditions générales de vente complexes, contraires à la loi européenne ? C’est parfaitement l’exemple de Netflix (une entreprise américaine proposant des films et séries télévisées en flux continu sur Internet) qui en débarquant en France, s’est contentée de traduire le contrat d’abonnement en français or, le droit à la consommation aux Etat Unis et en France est bien différent.

Suite à la conférence on a pris conscience de l’ampleur du problème des micro-paiements qui constituent des transactions d’achats sans identification du consommateur. Ainsi, Google a récemment été la cible d’un recours collectif basé sur la plainte d’une mère dont l’enfant a inconsidérément dépensé 65$ dans un jeu Marvel.

Suite aux négociations avec la Federal Trade Commission américaine sur les règles à suivre en matière de gestion des micro-paiements, une option est ainsi apparue permettant d’activer la demande du mot de passe pour chaque achat effectué dans Google Play, et plus seulement toutes les 30 minutes.

Google apporte un autre changement : avant le téléchargement d’une application, le Play Store précise désormais dans une fenêtre, si le logiciel intègre une boutique de micro-paiements. C’est purement informatif puisque l’utilisateur n’aura pas d’autre choix que d’accepter.

Google n’est pas le seul à avoir amélioré la gestion des achats intégrés dans les applications.

Apple s’était également entendu, en janvier, avec la Federal Trade Commission pour revoir le fonctionnement du système de micro-paiements de l’Apple store.

Chez Apple, une fenêtre est apparue après la demande d’achat limitée à 15 minutes, et les réglages de restriction offrent la possibilité de réclamer les identifiants du compte à chaque transaction. Sur l’App Store, après un achat, un nouveau message d’alerte prévient l’utilisateur qu’il dispose de 15 minutes pour continuer à faire ses emplettes sans avoir à redonner son mot de passe.

Nous pouvons donc dire que cette conférence nous a permis de développer un champ de réflexion autour des questions de l’enfant connectés, de son éducation à la consommation dans un monde numérique, cela nous interpelle en tant que consommateur et éventuels futurs parents.

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Compte-rendu rédigé par Cécile Delfieu, Salma Elassali, Florie Mestrano, étudiantes en M1 « Marketing Plurimédia et Consommation ».

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