Ce document présente Odile Naudin, qui a animé la Conférence N°2 lors de la journée d’étude du 9 octobre 2014 « Enfants connectés, éduquer à l’ère numérique. Ecrans, école, famille : quels nouveaux enjeux de socialisation de l’enfant ? »
Odile Naudin, née en 1948, est une femme de forte expérience. Actuelle défenseur des droits, elle est issue d’un parcours mêlant les lettres, la politique et les sciences sociales. En effet, durant ses études réalisées à Paris, elle a fréquenté la Faculté des Lettres et Sciences Humaines en 1966, l’Institut d’études politiques en 1969 et l’Ecole des hautes études en Sciences Sociales en 1985. Son parcours brillant lui a permis d’exercer en tant que journaliste au sein du groupe Bayard Presse pendant près de 16 ans, de devenir ensuite directrice de la communication chez Caritas et d’occuper son poste actuel de Conseiller Défenseur des droits depuis maintenant près de 13 ans.
D’après l’article 71.1 de la Constitution, le conseiller défenseur est une autorité constitutionnelle indépendante qui veille au respect des droits et libertés, et à la promotion de l’égalité. Le site officiel « Défenseurs des droits » de la République Française ajoute que cette fonction vise à traiter des problématiques telles que l’adoption et le recueil de l’enfant, la justice pénale, les mineurs étrangers, la protection de l’enfance, la santé, le handicap, et l’éducation. Autant de domaines, couvrant un champ d’action très large.
Le défenseur des droits regroupe 4 institutions que sont le médiateur de la République, la défenseure des enfants, la haute autorité qui lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) et enfin, la commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). Ainsi, nous parlons ici d’une autorité indépendante, inscrite dans la Constitution française (article 71.1), dotée de pouvoirs d’enquête importants. Son rôle est donc de faire respecter les droits et les libertés de chacun et de promouvoir l’égalité. Le 16 juillet 2014, Jacques Toubon a été nommé défenseur des droits par le Président de la République.
L’intervenante s’est penchée sur les droits des enfants, notamment définis par la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) adoptée à l’ONU en 1989 et ratifiée par la France en 1990. Ce texte énonce les droits fondamentaux de l’enfant. D’ailleurs le Défenseur des droits et la Défenseure des enfants, conformément à l’article 36, présentent chaque année un rapport au Président de la République.O
Odile Naudin met en évidence diverses préconisations concernant les enfants vivant dans un monde numérique :
- Intégrer l’obligation dans toutes les publicités d’indiquer que les jeux d’argent et de hasard en ligne sont bel et bien interdits aux moins de 18 ans
- Intégrer le droit de déréférencement au règlement européen et de faire reconnaître aux mineurs le droit à une protection plus précise de leur vie privée
- Développer une politique de recherche pluridisciplinaire et indépendante
- Mieux informer les jeunes sur leurs responsabilités quant à l’utilisation d’internet
- Instaurer une instance regroupant les acteurs privés et publics du monde numérique
Compte rendu de son intervention
Elle nous a exposé comment prendre en compte l’émergence du numérique et des écrans dans les droits des enfants afin d’appuyer la réponse à une problématique d’ordre général : « Quels nouveaux enjeux de socialisation de l’enfant ? »
A ce jour, il existe également différents organismes visant à défendre les droits de l’enfant tel que JADE, qui se compose de 36 Jeunes Ambassadeurs des Droits auprès des Enfants recrutés dans le cadre de leur mission civique. Ils ont pour but de rencontrer, tout au long de l’année scolaire, des enfants et adolescents dans 12 départements. De plus, il y a 450 délégués et bénévoles du Défenseur des Droits qui peuvent être contactés.
L’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale (article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant) dans toutes les décisions le concernant. C’est-à-dire dans tous les cadres de vie tels que la famille ou l’école, ainsi que dans toutes les orientations, décisions politiques et dans les nouveaux médias. Depuis le 24 octobre 2012, la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat reconnaissent à cet article une applicabilité directe en droit français.
La conférence s’est alors axée sur l’émergence du numérique et des écrans dans les droits de l’enfant. Ainsi, afin de défendre et promouvoir les droits et l’intérêt supérieur des enfants dans le monde du numérique, différents articles ont été écrits comme « Chaque enfant a le droit de s’exprimer et d’être entendu sur les questions qui le concernent…de s’informer sur l’actualité. Les médias doivent permettre aux enfants de s’exprimer. » (Articles 12, 13, 15, 17, 16, 19, 28, 29, 30, 31, 32, 34, 36, 37). Grandir dans un monde numérique c’est intégrer le numérique dans tous les cadres de vie de l’enfant et adolescent, à tous les âges et de plus en plus tôt. Il y a un phénomène d’interpénétration des médias entre eux où les innovations sont permanentes et l’impact mondial est considérable. Mais, il y a peu de régulation, c’est pourquoi il y a la nécessité de faire évoluer le droit car les systèmes juridiques sont hétérogènes.
Cependant, vivre dans un monde virtuel fait partie de la vie réelle et ce n’est pas sans crainte. Beaucoup d’éducateurs se méfient du monde numérique car la nomadisation rend le contrôle de l’adulte difficile. Mais ces médias sont un atout éducatif et social ouvrant à de multiples ressources et les jeunes ne sont pas passifs face à l’utilisation d’un système interactif. Internet ne crée pas les délits, il les facilite et les amplifie. Il faut alors éduquer les jeunes et les adultes aux bons usages.
Les enfants et les adolescents sont donc un véritable enjeu de société, car ce sont des personnes en devenir avec des besoins psychiques inscrits dans une société de performance dans laquelle il y a une apparition quotidienne de nouvelles technologies. Cette société prend progressivement conscience de l’engouement des médias dans la vie quotidienne des jeunes. Mais il n’y a que des formations hétérogènes peu adaptées, peu évaluées et peu cadrées et les bonnes pratiques sont faiblement diffusées.
L’intérêt supérieur de l’enfant doit ainsi être revalorisé. Dans un premier temps, en faisant évoluer son droit à l’éducation et aux loisirs car ces usages ont un impact sur l’ensemble du développement, sur la manière d’apprendre (internet), de réfléchir avec des ressources considérables (grandes compétences en jeu) et un apport de socialisation (réseaux sociaux). Dans un second temps, le monde virtuel numérique est un véritable univers d’anonymat, de pseudos, où de nombreuses usurpations d’identité (cybercriminalité) et harcèlements sont effectués. Il nous permet de tout dire, tout demander, tout montrer et d’échanger dans l’inconnu de nombreuses données personnelles précieuses où la perte de contrôle est très vite arrivée. Le droit à la vie privée et le droit à l’expression (liberté de pensée) sont donc dans l’obligation d’évoluer très rapidement afin d’assurer la protection des enfants contre les violences. De plus, de nombreuses questions se posent telles que « comment contrôler l’âge requis ? » (Exemple : demande du président Indien de supprimer tous les comptes Facebook des filles de moins de 15ans à cause des viols à répétition). Mais aussi, certaines questions d’éducation se posent, telles que « Faut-il confier au numérique toutes les tâches et responsabilités éducatives ? ». Autant de questions qui montrent que l’adulte est mal éduqué à cette ère numérique où l’innovation est permanente (exemple : le contrôle parental est gratuit mais est de moins en moins utilisé). Les adultes ont du mal à faire face à cet engouement et à défendre l’intérêt supérieur de l’enfant pour les technologies numériques.
Les droits de l’enfant font donc grandir les hommes. Nous savons dès à présent qu’il faut former tôt et convenablement les adultes jeunes, les éduquer aux médias (pas seulement à l’image), reconnaître les compétences en jeu et celles déjà acquises, instaurer une co-régulation des politiques du numérique rassemblant l’ensemble des acteurs publics et privés respectant la diversité des champs d’intervention et des sensibilités, coordonner les acteurs publics et privés, nationaux et internationaux et enfin réaliser des études et diffuser les connaissances.
Ceci dans un seul et unique but, prendre en compte l’émergence du numérique et des écrans dans les droits de l’enfant. Il apparait donc comme un nouvel et principal enjeu de socialisation de l’enfant.
Notre démarche de compréhension du thème de cette journée, s’est précisé à l’aide des questions que nous nous sommes posées.
Nos questions
- Comment voyez-vous l’évolution de l’éducation des enfants face au numérique d’ici 5 à 10 ans ?
- On peut noter par exemple sur Facebook, qu’il faut être âgé d’un minimum de 13 ans pour créer un compte. Mais finalement, de nombreux enfants plus jeunes n’hésitent pas à changer leur année de naissance pour s’inscrire quand même. Existe-t-il des mesures de contrôle mises en place par ces sites ? Et si une fraude de ce type est révélée, est-il possible de sanctionner le site lui-même à propos de son système de contrôle ? Si la réponse est non, qui est alors affecté par la sanction ?
- Trouvez-vous qu’il soit normal que YouTube laisse de jeunes fillettes de 5 ans faire des tutoriels de maquillage via des chaînes « YouTube » ? Ne trouvez-vous pas cela dangereux pour leur image, leur innocence et la confrontation avec les dangers du net ? Cela n’est-il pas aussi dangereux qu’un accès à Facebook avant l’âge de 13 ans soit possible ?
- Pensez-vous qu’une opération pédagogique comme le don de tablettes à tous les collégiens de Corrèze est une bonne idée ?
- En quoi les nouvelles façons de communiquer (par l’ère du numérique) affectent elles la construction de la personnalité de l’enfant ?
- De récentes études[1] révèlent que les jeux vidéo pourraient être apaisants pour les enfants, partagez-vous le même avis ?
Notre enrichissement personnel
Cette conférence a donc été un réel enrichissement pour nous. Partant d’écrits de cette femme de forte expérience, nous avons eu l’opportunité de pouvoir écouter son intervention sur un sujet qui nous concerne directement à travers nos choix d’orientation.
Son approche et ses conclusions nous ont montré des faits de société à ne pas négliger lorsque l’on s’intéresse à l’éducation de l’enfant, quel que soit le domaine dans lequel nous aurons à travailler plus tard. Internet étant un média puissant, qui impacte les générations de plus en plus tôt, il est important pour de futurs marketeurs de comprendre les différentes conséquences que cela peut avoir, afin de les maîtriser plus facilement. D’autre part, en tant que futurs parents, l’intervention de Madame Naudin nous permet également d’avoir un autre regard face aux limites de l’ère numérique dans laquelle nous vivons.
Internet peut apporter un bénéfice important aux enfants, permettant une ressource de culture illimitée et certains apports indéniables pour leur socialisation. Mais Madame Naudin nous fait davantage réfléchir aux risques qu’engendre internet. Qu’est-il possible de mettre en place pour protéger les enfants ? Comment sensibiliser les populations aux bienfaits comme aux menaces d’internet ? Elle nous fait nous interroger sur le développement même de l’enfant : va-t-on encore lui apprendre l’écriture manuscrite ?
Madame Naudin insiste sur l’intérêt supérieur de l’enfant. L’enfant est un humain au même titre qu’un adulte. Il est capable de réfléchir, il a des droits et son intérêt n’est pas à négliger. Les défenseurs des droits travaillent pour protéger les enfants dans tous les domaines. La cybercriminalité peut toucher toute personne possédant un ordinateur. Si c’est un enfant derrière l’écran, la tâche sera d’autant plus simple pour les cybercriminels. En effet, un enfant n’aura peut être pas conscience des dangers, il ne pensera peut être pas que la personne avec qui il parle peut être complètement différente de ce qu’elle prétend.
Le fait que les enfants soient en permanence en contact avec les nouvelles technologies est un phénomène récent. Il n’y a donc pas encore d’études sérieuses qui peuvent démontrer ce que deviennent les enfants surexposés.
Le discours de Madame Naudin a surtout eu pour but de nous faire réfléchir et de nous interroger sur l’avenir des enfants lorsque l’on sait que les nouvelles technologies envahissent petit à petit tous les foyers, et que les enfants se retrouvent surexposés à celles-ci dès le plus jeune âge.
[1] Etude de Vanessa Lalo – Psychologue des usages numériques et des addictions
Compte-rendu rédigé par Flora CLEMENT , Emma FAILLY, Léa METIFET, Sophie NOIROT, Mathilde VERRON, étudiantes en M1 Marketing Plurimédia et Consommation.