Pour réussir, les relations plus que les diplômes ?

De l’intérêt de rouvrir des documents anciens… Le Nouvel Observateur, dans son édition du 21 avril 2011, donnait, page 66, une synthèse des résultats d’un sondage réalisé par l’ESSEC sur les moyens de réussir sa vie ou réussir dans la vie.

De nettes distinctions culturelles apparaissaient entre les pays. Les Français se distinguaient, par exemple, par leur moindre empressement à servir une grande cause ou l’intérêt général (important pour 63 % des Français, contre 89 % des Allemands, 71 % des Américains, 83 % des Chinois) et le plus fort taux se disant prêt à tricher avec la légalité pour réussir (33% des Français, 26 % des Allemands et des Américains).

La question traitée dans l’article qui m’intéresse est la suivante « Quels atouts de départ favorisent le plus la réussite dans la vie professionnelle ? » Huit pays citent en premier l’intelligence ; la France et la Chine mettent en priorité le poids du réseau de relations (55%), devant l’intelligence (35%) et le diplôme (34%).

Surprenant, dans notre société française ? Pas vraiment. Et cela m’incite à poursuivre la formation à la stratégie-réseau dans nos diplômes. Si tous les étudiants n’ont pas la même ressource relationnelle de départ, apprendre à manager son réseau peut aider à corriger, en partie, les écarts. Cela n’enlève rien à ceux que la naissance a doté d’un réseau familial avantageux ; cela donne quelques chances, différentes, aux autres.

Dans tous les cas, se rappeler la formule de Guy Massé : l’effet réseau = moi(nous). C’est une formule équitable en ce qu’elle démultiplie aussi bien la mauvaise réputation des incapables et des malhonnêtes que la bonne réputation des gens de qualité. Quelle que soit la donne à la naissance.

Puisque l’on ne peut pas imaginer que le réseau n’ait pas d’effet, apprenons à vivre avec lui. La plateforme Alumni qui s’ouvre pour les anciens de l’Icomtec entre précisément dans cette perspective.

Allez, avec ce billet je prends une bonne résolution : fournir à chaque fois une référence d’article de chercheur disponible gratuitement en ligne pour qui veut creuser le sujet avec de la connaissance scientifique. On ouvre avec une référence absolue : l’article de Mark Granovetter, « The strengh of weak ties », paru dans l’American Journal of Sociology, volume 78, n° 6, mai 1973. Granovetter y démontre l’utilité des liens dits faibles en ce sens qu’ils ne sont ni vraiment anciens, ni très intimes, ni renforcés par de multiples services rendus…

En anglais, certes, mais l’effort en vaut la peine

Christian Marcon

Tirer des leçons de la « méthode Rastignac »

Saisi en pleine réflexion par Renaud Arnaudet

Bienvenue sur mon blog.

(Pas facile d’écrire à la première personne lorsque le style universitaire impose une écriture distanciée. Je vais devoir m’y faire.)

J’ouvre ce blog par les quelques réflexions que m’a inspirées la lecture récente d’un ouvrage intitulé « La méthode Rastignac », écrit par Brigitte Méra. L’auteur a écrit une thèse sur les études philosophiques de Balzac. Selon la 4e de couverture de l’ouvrage, elle est « chargée d’enseignement à l’ISC de Paris, chercheur à Paris IV Sorbonne et conférencière à l’université de Davidson aux Etats-Unis.

Le propos de l’ouvrage, paru en 2009, est astucieux : il s’agit de tirer d’une lecture approfondie de l’œuvre de Balzac – en particulier des ouvrages où intervient Rastignac, modèle de l’arriviste, des préceptes qui puissent guider le lecteur dans sa vie professionnelle actuelle. Une démarche dite « accommodatrice », pour reprendre l’expression de Franck Kermode (1973), cité par B. Méra, que l’on rencontre assez fréquemment. Pierre Fayard a pratiqué ainsi avec l’art de la guerre, de Sun Tsu, par exemple.

Si l’ouvrage se lit avec intérêt, nous nous arrêterons seulement ici sur les pages 122 à 129 intitulées « se constituer des réseaux » puis « des lieux de sociabilité ».

Page 122, en ouverture du passage, B. Méra écrit : « Faire fructifier son capital, qu’il soit intellectuel, mondain ou financier, apparaît comme une priorité, un devoir. Tout doit concourir à la réussite. Comment mieux le faire fructifier que d’entretenir ses relations, de les cultiver ? Etre convivial, avoir des relations, c’est bien ; se constituer un réseau et le faire vivre, c’est encore mieux. Le réseau fait gagner du temps, trouver des solutions plus futées et économiser de l’énergie. C’est devenu une compétence stratégique. »

Partant de ce principe, l’auteur souligne, pour Balzac, « l’importance de côtoyer plusieurs milieux pour élargir ses connaissances et élargir son savoir, car sinon on court le risque de devenir stupide. » Elle  ajoute que « Rastignac nous enseigne à sa manière que pour se faire connaître, il faut se montrer et être vu de tous. »

Rien de neuf, mais une confirmation de principes dynamiques classiques du réseau.

Une chose, cependant, à noter. Brigitte Méra insiste sur le caractère particulier de la période post-révolutionnaire dans laquelle Balzac situe l’action de ses personnages : « tout a changé dans la société postrévolutionnaire. Les liens sociaux sont à réinventer, en particulier les lieux de sociabilité pour les « gens du monde » (p. 128). Cela me rappelle un certain discours actuel…

Un conseil : ne pas chercher à imiter Rastignac sans analyser le contexte social global.

Christian Marcon

Brigitte Méra, La méthode Rastignac, Editions Tallandier, 2009, 295 p.