
Mardi 2 juillet 2013, Camille Alloing a soutenu à l’université de Poitiers une thèse de doctorat en sciences de l’information et la communication intitulée : « Processus de veille par infomédiation sociale pour construire l’e-réputation d’une organisation. Approche par agents-facilitateurs appliquée à la DSIC de La Poste ». Cette thèse lui a valu le grade de docteur avec la mention très honorable et les félicitations du jury. On ne peut pas obtenir mieux en France.
Le jury se composait de Serge Agostinelli, professeur des universités en SIC (sciences de l’information et la communication) à l’université Paul Cézanne Aix Marseille III, Madjid Ihadjadene, professeur des universités en SIC à l’université Paris 8, Louise Merzeau, maître de conférences HDR en SIC à l’université de Paris Ouest Nanterre, Nicolas Moinet, professeur des universités en SIC à l’université de Poitiers, co-directeur de la thèse et moi même, également co-directeur de ce travail. Les connaisseurs de ce domaine pourront s’assurer que le jury ne comportait que des spécialistes du sujet. C’est une garantie.
Comme souvent, le titre de la thèse est compliqué et signifie que le texte s’adresse à des chercheurs patentés. C’est une thèse, résultat de trois années de travail intellectuel et de terrain ; ce n’est pas un tweet ni un billet de blog. Donc le travail de Camille sera moins lu que ses 12503 tweets (à l’heure où j’écris) et ses très nombreux billets de blogs que je renonce à compter sur http://caddereputation.over-blog.com. C’est dommage. Mais peut-être avez vous zappé déjà le deuxième paragraphe, voire le premier…
Dommage car la thèse de Camille est à la fois classique et très novatrice.
Classique dans son format, dans sa construction, dans le fait d’un positionnement épistémologique étayé, d’un parcours des supports théoriques mobilisés très solide. Tout le raisonnement est mené de manière rigoureuse. Nous n’aurions d’ailleurs pas permis qu’il en fût autrement 😉
Novatrice dans le sujet abordé. Camille Alloing s’intéresse aux questions d’e-réputation depuis des années. Il a acquis une grande expérience professionnelle sur ce terrain. Et dans son travail doctoral, il apporte un éclairage tout à fait nouveau et pertinent sur l’e-réputation devenue chez certains un concept gimmick mal maîtrisé, mais rentable car regardé avec des lunettes techniques et quantitatives.
Pour éviter ces errances, Camille remet les choses à leur place, redonne du sens, de la précision. Puis il apporte une réflexion neuve sur ce qu’il propose de nommer des agents-facilitateurs. Il observe « de quelle manière les pratiques informationnelles [de ces agents] peuvent être levier de la structuration de l’environnement informationnel de l’organisation » et cherche à définir « en quoi leurs attributs identitaires sont vecteurs de sélection de l’information » (p. 391). Et Camille Alloing de distinguer quatre catégories d’agents-facilitateurs : les experts, les collecteurs, les veilleurs mosaïques, les discutants.
N’entrons pas davantage dans cette thèse solide que l’auteur se chargera de diffuser à qui il souhaite. Ce qu’il faut ici dire, c’est le caractère exemplaire du parcours de recherche mené.
Dire d’abord que Camille est issu d’une licence professionnelle, plus précisément la licence « Management de l’information » de l’IUT de Tours. Ce qui prouve que si les licences professionnelles ouvrent prioritairement sur une recherche d’emploi directe, elles n’interdisent pas à leurs diplômés de poursuivre en master, et dans ce cas précis, avec beaucoup de réussite. On en viendrait à se demander pourquoi il est fortement déconseillé de recruter des étudiants titulaires d’une licence professionnelle en master…
Dire ensuite que Camille n’a pas suivi passivement son master Intelligence Economique et Communication Stratégique au sein de l’ICOMTEC, mais qu’il y a pris les initiatives qui ont nourri son projet professionnel. C’est pendant le master qu’est né Caddereputation du projet de Camille et de deux de ses camarades. C’est précisément cet investissement fort dans la question de la e-réputation qui a conduit Camille à réaliser, par mon entremise, ses premières conférences professionnelles sur le sujet avec ses camarades. C’est aussi cet investissement qui a permis à Camille de se faire identifier sur son domaine de compétence jusqu’à avoir aujourd’hui une audience nationale sur son sujet.
Dire encore que Camille a su conjuguer avec finesse ses acquis professionnels, développés dans le cadre de sa convention CIFRE à La Poste et un investissement dans les fondements de la recherche en sciences humaines. Cela lui évitera peut-être (espérons-le) le procès en déconnexion de la réalité que certains prétentieux font avec suffisance aux universitaires. Un sujet sur lequel je me suis exprimé déjà sur ce blog, et que vous avez été nombreux à lire.
Dire enfin que Camille a choisi d’intégrer l’IAE de Poitiers en tant qu’ATER et que cela me réjouit profondément. Parce que c’est un enseignant déjà apprécié de ses étudiants et qui arrive avec, dans ses bagages, un partenariat négocié avec une entreprise renommée en matière de veille et réputation. Parce que c’est un chercheur de grande qualité et productif. Parce que c’est quelqu’un de fiable avec qui il est simple et agréable de travailler. Ce n’est pas rien.
Si nous pouvions l’intégrer durablement dans notre équipe, il serait un atout certain pour notre institut, qu’il affectionne particulièrement, et pour notre laboratoire de recherche, le CeReGe.
Affaire à suivre.
Christian Marcon