Du 21 mars au 29 avril 2016, les Petites Vitrines du Fonds Ancien sont consacrées au paradisier ou oiseau de paradis. Des ouvrages, du XVIe au XIXe siècle, ainsi que des spécimens, prêtés par le Centre de valorisation des collections de l’Université de Poitiers, sont exposés.
Malgré la beauté des fables entourant l’oiseau de paradis, il fallut bien se rendre à l’évidence, il avait des pieds, et même de gros pieds nous dit l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert. L’article de Daubenton évoque deux espèces, aujourd’hui connues sous le nom de paradisier grand-émeraude et paradisier royal.
En 1775, dans la partie de l’Histoire naturelle consacrée aux oiseaux, Philippe Guéneau de Montbeillard, collaborateur au début anonyme de Buffon, plaçait à la suite de ces deux espèces le magnifique de la Nouvelle-Guinée ou manucode à bouquets, le manucode noir de la Nouvelle-Guinée dit le superbe, le sifilet ou manucode à six filets et le calybé de la Nouvelle-Guinée.Tous sont à présent classés dans la famille des paradisiers, sous des noms différents. S’il rapportait les légendes ayant longtemps entouré ces volatiles, Guéneau de Montbeillard déplorait aussi le « trafic » sévissant encore à son époque. Non seulement le scientifique devait travailler à partir de dépouilles plus ou moins bien conservées mais en plus il devait se méfier de manipulations frauduleuses. On tentait de faire passer pour des paradisiers des oiseaux qui n’en étaient pas, des perruches par exemple, ou de « rendre plus singuliers et plus chers » de véritables paradisiers. De surcroît, le naturaliste l’ignorait alors, les oiseaux de paradis sont capables de s’hybrider.
Sans parler du paradisier multifil, dont l’édition de 1836-1849 du Règne animal offre une magnifique illustration. Il y est légendé comme épimaque à douze filets ou Epimachus albus, albus signifiant blanc. Son nom scientifique est aujourd’hui Seleucidis melanoleucus, melanoleucus signifiant noir et blanc. En fait, dans son environnement, cet oiseau est intensément noir et jaune, cette dernière couleur étant conditionnée à la consommation régulière de certains fruits. En captivité ou naturalisé, il finit par blanchir.
Autre curiosité visible dans le cadre de ces Petites vitrines, le paradisier grand-émeraude du Dictionnaire pittoresque d’histoire naturelle. Les planches s’efforçant de figurer plusieurs mots, il y est, du fait du classement alphabétique, perché sur un papyrus. L’illustrateur a même cru bon de rajouter des pyramides et des ibis. Un oiseau endémique à la Nouvelle-Guinée et aux îles Aru, vivant en forêt, se voit ainsi « transporté » en Égypte. Il l’a toutefois été, réellement, en 1909, sur l’île Petite-Tobago, aux Antilles. Cette acclimatation, réussie pendant quelques dizaines d’années, a rendu plus commode son étude.
Les différentes espèces de paradisiers vivent en effet sur des aires parfois restreintes et difficiles d’accès. Le premier occidental à en observer dans la nature fut le rochefortais René-Primevère Lesson en 1824. Il publia une Histoire naturelle des paradisiers et des épimaques. Le britannique Alfred Russel Wallace se distingua également. Aux îles Aru en 1857, il décrivit les paradisiers grand-émeraude, les techniques de chasse, de préparation des peaux. Il découvrit un nouvel oiseau de paradis l’année suivante aux Moluques et rédigea un traité qui fit de lui le codécouvreur, avec Charles Darwin, de la théorie de l’évolution par la sélection naturelle des espèces.
L’industrie de la plume « s’empara » aussi des paradisiers. Après les parures tribales des Papous, les plumes des oiseaux de paradis ornèrent les chapeaux des dames européennes. L’Histoire naturelle de Buffon comme le Dictionnaire pittoresque d’histoire naturelle évoquent ce commerce mais c’est à la fin du XIXe et au début du XXe siècle qu’il culmina. En 1913, 80 000 dépouilles de paradisiers quittèrent la Nouvelle-Guinée. L’exportation fut interdite en 1924.
Pour en savoir plus
LAMAN, Tim et SCHOLES, Edwin. Oiseaux de paradis : les oiseaux les plus extraordinaires du monde. Paris, Delachaux et Niestlé, 2014
SWADLING, Pamela. Plumes from Paradise : trade cycles in outer Southeast Asia and their impact on New Guinea and nearby islands until 1920 [en ligne]. Sydney : Sydney University Press, 2019. Disponible sur : <https://open.sydneyuniversitypress.com.au/9781743325445.html> (Consulté le 12/04/2020)