Le Monde a publié hier un article intitulé “Quelles seront les capitales des nouvelles régions de France?”. Question très révélatrice de la façon dont on est en train de faire la réforme territoriale.
Roland Riès, maire de Strasbourg, affirme ainsi « Je ne peux accepter que Strasbourg, avec son statut européen, appartienne à une région dont elle ne serait pas la capitale ». Plus loin, le journaliste explique :
Sur la liste des villes qui perdront leur statut de capitale régionale figure également Clermont-Ferrand en Auvergne, qui pèse de peu de poids face à la métropole lyonnaise. Idem pour Limoges (Limousin) et Poitiers (Poitou-Charentes) qui, selon les mots d’un conseiller ministériel, « ne sont pas en mesure de disputer le leadership à Bordeaux », qui deviendra capitale de cette grande région du Sud-Ouest.
Dans le futur Nord-Pas-de-Calais-Picardie, c’est sans surprise Amiens qui devrait s’effacer devant la mairie de Lille, de Martine Aubry. Les métropoles devraient donc être les gagnantes du redécoupage régional.
(…) Quant à la future région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, « personne n’imagine que la capitale ne soit pas Toulouse », indique un connaisseur du dossier.
En clair, on s’oriente vers un processus de décentralisation qui consiste à faire émerger tout un ensemble de “France en plus petit”, avec au sein de chacun de ces petits pays, la Capitale régionale, pendant pour la région en question de ce qu’est Paris pour la France. Un modèle centre/périphérie, avec la concentration d’un maximum de pouvoirs dans la ville centrale, dotée du statut de métropole.
Tout ceci au mépris de l’ensemble des interdépendances qui traversent les régions françaises : on ne peut comprendre l’économie de la Picardie si on ne voit pas qu’une part importante de ses habitants travaillent en Ile-de-France (17% en 2011) ; on ne peut comprendre l’économie de la Lorraine si on ne voit pas qu’une part importante de ses habitants travaillent en Belgique, en Allemagne et surtout au Luxembourg (environ 10% des lorrains) ; idem pour la Franche-Comté vis-à-vis de la Suisse, la Bourgogne, l’Alsace, Rhône-Alpes ou encore l’Allemagne. On sait aussi que les processus productifs sont de plus en plus fragmentés, que leur organisation d’ensemble traverse les frontières régionales et même nationales.
Certains Conseil Régionaux avaient déjà tendance à se considérer comme de petits pays, s’indignant par exemple que les jeunes dont ils avaient financé la formation aillent travailler ensuite dans d’autres régions. J’ai peur que cette tendance se renforce à l’avenir.
Tout ceci au mépris du fait que le potentiel de croissance de l’économie française est loin de résider simplement dans ses métropoles, comme nous l’avons montré récemment en brassant tout un ensemble de statistiques, comme le constatera toute personne analysant de manière un peu précise l’économie des territoires : l’économie de Poitou-Charentes n’est pas riche que de Poitiers, ville essentiellement administrative, elle est riche aussi de l’industrie localisée autour de Cognac et du Nord-Deux-Sèvres, deux territoires qui s’en sortent plutôt très bien, sans être connectés de manière décisive à une quelconque métropole ; Midi-Pyrénées n’est pas riche que de Toulouse, elle est riche également de sa Mecanic Vallée, autour de Figeac-Decazeville, avec certes des sous-traitants pour Airbus, mais pour beaucoup d’autres entreprises, un peu partout dans le monde ; regardez également ce qui se passe sur Pau, sur le Territoire de Belfort, dans la Vallée de l’Arve, sur certains territoires littoraux, et sur de nombreux autres territoires.
On aurait pu rêver d’un peu d’imagination, de tentatives de gouvernance innovantes, permettant de tirer partie de la diversité des territoires français, de bien gérer ces interdépendances. Je crains qu’on s’achemine vers l’émergence de petits rois, à la tête de leur petit royaume.
L’Europe ressemble à un ensemble de pays égoïstes, repliés sur leurs intérêts nationaux, se faisant concurrence autant que de possible. La France et ses régions s’orientent vers ce modèle, dirait-on.
Suite à la conférence Décentralisation et Territoires de la semaine dernière, je me faisait la réflexion en regardant la carte d’Europe des Zonages AFR…que la France ressemble à la carte des régions que l’on connait…mais que l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas….ressemblaient plus à la carte des départements de France….
(désolé j’arrive pas à la mettre…carte interactive sur l’Observatoire des Territoires – critères Europe par NUTS 3)
Ce qui est éloquent, c’est le fait que la France, en-dehors de ses anciennes colonies, ne sortent pas de zones a) et surtout pas de zones c) prédéfinies….
Tout est là: http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2013:209:0001:0045:FR:PDF
En fait ce que l’on constate, c’est que pas mal de Pays ont fait des découpages ad-hoc permettant de favoriser les régimes d’aides AFR aux PME, ils ont dépassé les critères administratifs et cela uniquement afin de corriger le critère PIB/habitant/Région – ancien critère qui est pour 2014/2020 corrigeable avec notamment le critère chômage…hors sur le schéma français, on part du PIB/habitant par région administrative pour déterminer la nature du zonage (en l’occurrence …et on applique notre unité de découpage c’est à dire…la commune.
Résultat des courses, on a de jolis “serpentins” avec des entreprises qui ne sont pas sur la bonne commune, c’est dommage…là où à mon avis, en étant un peu malin, on pouvait sortir un zonage Nord Deux Sèvres beaucoup plus favorable pour soutenir nos entreprises dans leurs investissements productifs…
Bref comment se tirer une balle dans le pied et donc rien de bien nouveau sous le soleil du Poitou !!!
Cela dit pour reprendre les excellents travaux que tu as entrepris sur l’effet Métropole et sa déclinaison politique du tout Métropole …l’exemple du zonage AFR montre bien comment l’absence de stratégies régionales (administratives) à des échelles territoriales non pas plus fines…mais plus en adéquation avec la réalité économique productive pose un sacré problème !
Donc je me dis que dans une perspective de grande région…on a peut-être rapidement intérêt (le Nord Deux Sèvres) à discuter entre nous si on veut des politiques publiques adaptées et spécifiques…mais ça c’est un autre problème !