La métropolisation, horizon indépassable de la croissance économique ?

En septembre 2014, Terra Nova a publié une note de Laurent Davezies et Thierry Pech intitulée « La nouvelle question territoriale ». Cette note repose pour une bonne part sur les travaux menés depuis une dizaine d’années par Laurent Davezies (2008, La République et ses territoires ; 2012, La crise qui vient ; tous deux au Seuil/La République des Idées).

Laurent Davezies est un chercheur influent, dont les travaux diffusent largement hors sphère académique. Le problème est que, s’il a dans le passé mis en évidence des choses intéressantes (la déconnexion entre PIB par habitant et Revenu par habitant à l’échelle régionale par exemple), ses analyses souffrent parfois de sérieux défauts. Ce qui ne les empêche pas d’être mobilisées pour justifier certaines réformes.

Cela fait plusieurs années que Michel Grossetti et moi-même nous disions qu’il nous fallait rédiger quelque chose d’un peu consistant pour mettre en évidence ces limites. Nous l’avons fait un peu, chacun de notre côté, lui ici par exemple, moi dans ce billet là, mais de manière partielle. Cette fois, nous nous sommes décidés à développer nos analyses convergentes dans un texte commun.

Nous avons fini une première version de ce texte, que nous venons de déposer sur Hal. Voici le résumé :

En septembre 2014, Terra Nova a publié une note de Laurent Davezies et Thierry Pech intitulée « La nouvelle question territoriale ». Cette note repose pour une bonne part sur les travaux menés depuis une dizaine d’années par Laurent Davezies (2008, 2012). Elle nous semble représentative des travaux menés par cet auteur et par d’autres chercheurs qui partagent ses analyses, travaux qui inspirent en partie les réformes politiques en cours, qu’il s’agisse de la fusion des régions ou du soutien à la métropolisation. Dans ce texte, nous discutons leur analyse, qui souffre à notre sens de plusieurs limites importantes, limites à la fois théoriques, méthodologiques et empiriques, ce qui invalide largement certaines de leurs conclusions et de leurs préconisations. Cette discussion s’appuie d’une part sur un traitement des mêmes données selon une perspective différente et d’autre part sur une critique de l’usage qu’ils font de l’économie géographique.

Nous avançons plus précisément quatre grandes critiques : 1) l’inversion de la courbe de Williamson, base empirique qui sous-tend tout leur raisonnement, n’est pas d’actualité, 2) le fait empirique majeur en matière d’évolution des disparités interrégionales est celui d’un accroissement, sur les dernières années, du PIB par habitant de l’Ile-de-France relativement à la moyenne des régions, ce qui n’est pas synonyme de surproductivité intrinsèque de la région capitale, mais qui pose plutôt question en termes d’évolution des inégalités sociales, 3) le renvoi systématique aux analyses de la nouvelle économie géographique pour légitimer d’un point de vue théorique le soutien à la métropolisation est insatisfaisant, les auteurs faisant selon nous une lecture erronée de ces travaux qui ne concluent pas au renforcement inéluctable de la concentration des activités, 4) si les auteurs montrent que quelques métropoles réussissent très bien en matière de création d’emplois, ils montent ensuite trop vite en généralité pour affirmer que les métropoles sont désormais le lieu presque unique de concentration de l’activité productive ; l’analyse systématique du lien entre taille des territoires et croissance de l’emploi montre en effet clairement l’absence d’effets taille, ainsi que l’existence d’autres effets, sur lesquels il convient de se pencher.

N’hésitez pas à nous faire part de toute remarque, commentaire, question, critique et, bien sûr, à diffuser largement si vous le jugez utile. Nous travaillons à une version plus synthétique que nous devrions pouvoir diffuser bientôt.

5 commentaires sur “La métropolisation, horizon indépassable de la croissance économique ?

  1. je suis intimement convaincu que l’on va assister a une “reruralisation” du territoire, d’une part par le cout de l’alimentation qui ne cesse de croitre ( les gens auront la nécéssité économique d’avoir un potager et de mettre des poules ), mais aussi par la décentralisation possible des nouveaux métiers grâce au haut débit, notamment les “ouvriers 2.0” comme on les appelles parfois, toutes ces petites mains qui font que l’internet fonctionne ( rédacteur web, webmaster, programmeurs etc.. ). Rendez vous dans 20 ans !

  2. Ping : L’avantage économique apparent des métropoles : un problème de méthode de calcul ? | Olivier Bouba-Olga

  3. Je ne suis pas économiste, loin de là, mais il y a deux éléments qui me troublent depuis un moment :
    — L’attribution aux sièges sociaux (parisiens) d’une bonne partie du produit des unités de production dispersées sur tout le territoire ;
    — Le surenchérissement des productions hors métropole par la diminution voire la suppression des services.
    Sans compter que l’abandon des territoires ruraux, leur dévitalisation revient à perdre cette richesse à l’heure où dans le monde l’on s’arrache les terres agricoles.
    Ce faisant, on additionne les handicaps sur les territoires les plus fragiles, et pourtant ils survivent ! Ils sont souvent défendus par des enfants du pays qui refusent de voir mourir les lieux de leurs racines, tels, par exemple, Yves Rocher à la Gacilie ou sont équivalent Sothys en Corrèze. Finalement, cherchant un peu, l’on trouve des équivalents dans chaque petit bout de France qui ne veulent pas mourir.

  4. Ping : Réussir la réforme des Régions | Olivier Bouba-Olga

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