Ce billet complète celui du 9 mai 2018, consacré à Dante Alighieri et la Comédie, ainsi qu’à leur influence jusque vers les années 1860.
Gustave Doré (1832-1883) et La Divine Comédie
Quand, en 1861, Gustave Doré publia L’Enfer de Dante, il avait déjà illustré Rabelais (1854), les Contes drolatiques de Balzac (1855), Le Juif errant (1856) et fourni des caricatures lithographiques au Journal pour rire (1847-1850).
Vers 1855, il projeta de « faire dans un format uniforme et devant faire collection tous les chefs-d’œuvre de la littérature », une trentaine de titres selon sa liste. L’Enfer fut le premier de ces luxueux in-folios à cent francs, le salaire mensuel moyen d’un ouvrier. « Vous n’en vendrez pas 400 exemplaires », lui aurait déclaré Hachette, le seul consentant à l’éditer, à condition qu’il assume tous les frais. 3000 furent écoulés en quelques jours.
Pour ce premier volume de La Divine Comédie, Doré exécuta 76 dessins (dont un portrait), contre 60 pour le second, paru en 1868 : 42 pour Le Purgatoire, 18 pour Le Paradis. Ils furent gravés sur bois de bout ou debout, c’est-à-dire dans une planche constituée de blocs découpés perpendiculairement au tronc de l’arbre, technique anglaise introduite en France au début du XIXe siècle et permettant un rendu très fin. Auparavant les planches étaient découpées parallèlement au tronc, dans le sens des fibres, qui avaient tendance à éclater à la gravure ou l’impression (c’est ce qu’on appelait le bois de fil). Dans un premier temps, on continua avec le bois de bout à épargner simplement les traits, puis Gustave Doré développa le bois de teinte ou de ton. Il réalisait ses illustrations directement sur les plaques de bois au lavis et à la gouache. Celles-ci étaient alors confiées aux graveurs, chargés de rendre les valeurs, les modelés grâce à un réseau de lignes et de points, faisant ainsi disparaître les illustrations originelles sur bois. Gustave Doré initia ce procédé avec Le Juif errant, l’appliqua ensuite à La Divine Comédie.
Des photos des illustrations sur bois avant gravure furent présentées au Salon de 1861, ainsi que des dessins, des estampes et un tableau, Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l’Enfer. Cette grande toile n’obtint toutefois pas le succès escompté. Gustave Doré, artiste précoce, autodidacte, polyvalent, extrêmement inventif et productif, avec à son actif plus de 120 volumes illustrés, souffrit toute sa vie de ne pas être reconnu en tant que peintre, d’être seulement « le plus illustre des illustrateurs », selon la formule de Philippe Kaenel, son biographe.
Quelques suggestions
Sur Dante et La Divine Comédie en général
Barbi (Michele), « Dante Alighieri », in Enciclopedia italiana di scienze, lettere ed arti, vol XII, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 1949, p. 327-347, sur papier ou en ligne
Barbi (Michele), Dante, vita, opere e fortuna, Florence, G. C. Sansoni, 1952
Borges (Jorge Luis), « Neuf essais sur Dante », in Œuvres complètes, vol. II, Paris, Gallimard, 1999 ou 2010 (Bibliothèque de La Pléiade)
Bosco (Umberto) (dir.), Enciclopedia dantesca, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 1970-1976, sur papier, vol.1. A-CIL., vol. 2. CIM-FO., vol. 3. FR-M., vol. 4. N.-SAM., vol. 5. SAN-Z ou en ligne
Chimenz (Siro), « Alighieri, Dante », in Dizionario biografico degli Italiani, vol. II, [Albicante-Ammannati], Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 1960, sur papier ou en ligne
« Dante Alighieri », in Grande Encyclopédie, Paris, Larousse, 1971-1976, en ligne
«Dante Alighièri », in Enciclopedie on line, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana
Marietti (Marina), Dante, Paris, Presses universitaires de France, 1995 (Que sais-je ? ; 2971)
Masseron (Alexandre), Pour comprendre La Divine Comédie, Paris, Desclée de Brouwer, 1939
Passerini (Giuseppe Lando), Dante et son temps, 1265-1321, Paris, Payot, 1953
Portier (Lucienne), Dante, Paris, P. Seghers, 1965
Risset (Jacqueline), Dante écrivain ou l’Intelletto d’amore, Paris, Seuil, 1982
Risset (Jacqueline), Dante, une vie, Paris, Flammarion, 1995
Sur l’influence de Dante et La Divine Comédie illustrée
Pitwood (Michael), Dante and the French romantics, Genève, Droz, 1985
Sur Gustave Doré
Kaenel (Philippe), « Le plus illustre des illustrateurs… Le cas Gustave Doré 1832/1883 », in Actes de la recherche en sciences sociales, Paris, Éd. de Minuit, 1987, 66/67, p. 35-46, sur papier ou en ligne
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