Mot de départ

Officiellement, je suis retraitée et émérite, donc toujours membre de groupe de recherche MIMMOC. Mon départ en tant qu’enseignante de l’UFR Lettres et Langues a été marqué en septembre 2021, et, à ce moment-là, j’y ai prononcé ces quelques mots. Je les publie ici aujourd’hui en hommage aux collègues, certains disparus depuis.

Une des premières choses que j’enseigne – lapsus – que j’enseignais à mes étudiants est que dans la culture anglophone un texte journalistique ou un discours, même formel, commence toujours par une anecdote. So, I shall ‘practice what I preach.’ Je me plie donc à cet exercice de style à l’anglaise.

Mes premiers pas dans cette faculté datent de 1987, lorsque docteure, enseignante dans une école de langues rue de la Tranchée depuis deux ans (petit clin d’œil à Licia B.), je postulais pour assurer des cours complémentaires et je fus reçue par Jean-Louis, dans le bureau A106. Il décrocha aussitôt le téléphone et appela le Doyen de la Faculté de Droit, Dominique Breillat, pour lui proposer mes services. Je fus fort impressionnée !

Je commençais mes péripéties dans les composants : SHA (Histoire), la filière GEODE en Droit dans les murs du Lycée Pilote Innovant, puis l’IPAG (préparation aux concours territoriaux), et, en dehors de l’Université, à l’École de Commerce, et l’École des Avocats, tout en donnant de plus en plus d’heures ici à l’UFR en LEA et en Anglais, à l’époque où le nombre d’étudiants inscrits en 1ère année est monté à mille – je crois qu’il y avait douze groupes de TD en anglais – avant de rejoindre de façon permanente l’Université, d’abord la Faculté de Sciences Eco comme PRAG, puis la Faculté de Lettres et Langues comme Maitre de conférence.

Ces souvenirs font jaillir d’autres, plus personnels. Ici, je tiens à remercier un certain nombre de personnes. D’abord, cinq doyens en particulier : quatre en Lettres et Langues : Jean-Louis, Dominique, Catherine, Hélène et un en Sciences Eco : Jacques Debord ; ensuite les collègues du département, retraités depuis un certain temps qui m’ont aidée, encouragée, et formée lorsque je préparais les concours au début des années 90 : Bernard G., Michel P., Hélène et Jean C., Liliane, Paul et Jacqui W., Jean et Claudine D., Marie-Thérèse B.-C. et Marc Reboul.

Une personne en particulier au département d’études anglophones a été une présence constante pendant l’ensemble de ma carrière dans ces murs depuis bientôt 35 ans. Je veux parler de Joyce, qui, bon an mal an, était toujours dans son bureau, avait toujours la réponse aux questions et problèmes, et avec qui on était toujours content de papoter.

J’ai également une pensée pour les collègues du MIMMOC, équipe émergeante en 2001, EA en 2004, qui ont œuvré à sa reconnaissance et puis son essor : Marie-Aline Barrachina, Hélène Menegaldo, Luc Winkler – aperçu le mois dernier à un concert, et Andrea Allerkamp.

Assumant à mon tour la direction de l’équipe, puis celle de la Fédération pour l’étude des civilisations contemporaines – ici je pense aux collègues de Limoges, de Tours, de La Rochelle et d’Orléans  avec qui nous avons pu monter de beaux projets –  nous avons bénéficié et bénéficions toujours de la présence de Marie-Christine dans son bureau à la MSHS pour gérer les diverses et multiples tâches de façon remarquablement efficace et tout aussi discrète, aidée depuis quelque temps par Valérie. Si j’en ai nommé deux, je n’oublie pas tous les collègues administratifs de l’UFR à la scolarité, à la ‘repro’, à la logistique, sans qui le métier d’enseignant-chercheur serait impossible.

Il va sans dire que ce sont les collègues enseignants et administratifs d’aujourd’hui qui vont me manquer ; aussi bien ceux et celles du département d’études anglophones que des autres départements de langues, de LEA, de Lettres modernes et classiques, non seulement à Poitiers mais aussi ailleurs, parmi lesquels je suis heureuse de compter d’anciens étudiants devenus enseignants-chercheurs : Elodie, Cheikh, et Clémence.

Je suis heureuse de compter parmi vous de nombreux amis. Le plus beau cadeau que vous puissiez me faire est de continuer de me considérer comme telle et de nous revoir régulièrement. Mais ce n’est pas tout à fait un au revoir, je serai présente encore quelques années d’abord pour accompagner mes doctorantes, pour finir le projet de recherche qui m’anime depuis une dizaine d’années.

Pour finir par une autre anecdote, et ‘boucler la boucle’ (autre exercice de style bien française), j’aimerai vous montrer un des plus beaux cadeaux qui m’ait été fait par un étudiant. Il y a deux ou trois ans, donnant un CM devant les 1ères années de Licence d’anglais, j’avais remarqué dans l’amphi, parmi ceux et celles qui écoutent, ceux et celles qui papotent, ceux et celles qui regardent leurs écrans, une étudiante qui dessinait. Je ne me faisais pas de souci pour celle-ci. Je l’avais en TD et je savais qu’elle ne perdait pas son temps.

Au début du semestre, je m’étais présentée comme anglophone native, de nationalité britannique et française, et j’ai ajouté, car il en était beaucoup question – ça l’est toujours – qu’en tant que fonctionnaire français, je n’avais personnellement rien à craindre de la sortie de Royaume-Uni de l’Union européenne, mais que je m’inquiétais pour les étudiants britanniques et leurs familles vivant en France.

A la fin du dernier cours magistral, elle s’est avancée au bureau et m’a dit, en me tendant ce dessin « Madame, c’est pour vous. Je sais combien le Brexit vous touche.»  J’ignore ce qu’elle est devenue, mais elle a manifestement des talents de dessinatrice. J’espère qu’elle s’en sert. En tout cas, je garde précieusement cette caricature qui résume à la fois la question et certains éléments du cours. De telles créations, à la fois artistiques et critiques, devraient trouver place dans un portefeuille propre à chaque parcours, et, pourquoi pas, faire partie du cursus.

J’ai adoré ce métier de transmission, d’écoute, de partage de savoirs et de passions.

Les étudiants ne nous l’avouent pas, mais pour certains, nous restons présents dans leur esprit, tout comme certains d’entre eux le sont dans le nôtre.

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