Des poids et des mesures – où l’on parle du retour du système impérial d’unités (SI)

L’information fait le tour des rédactions britanniques. Le Premier ministre, Boris Johnson, aurait le projet de revenir au système de poids et de mesures anglo-saxon millénaire, projet annoncé la veille du Jubilé de la Reine, qui donnera lieu à quatre jours de jouissances du 2 au 5 juin 2022. On ne peut qu’y voir le souhait d’un bond en arrière de 70 ans, pour revenir au temps de l’Empire britannique.

Cette annonce est la dernière en date en lien avec la sortie du Royaume-Uni de l’UE, qui promettait, parmi d’autre bénéfices, de ‘libérer’ le peuple britannique du joug étranger, dont le système métrique, qui aurait été imposé par les diktats de Bruxelles. L’histoire confirme la nature politique des décisions en matière des mesures.

Imperial Standards of Length, Trafalgar Square - detail

Imperial Standards of Length, Trafalgar Square Copyright Mike Quinn. Creative Commons Licence.

Verra-t-on les livres et les onces, les pieds et les pouces, les yards et les perches, les pintes et les gallons, les degrés Fahrenheit, les shilling et les pennies faire leur retour? Les calculs mentaux et les recettes de cuisine risquent de se compliquer.

Au Royaume-Uni, seules les personnes qui ont plus de soixante ans se souviennent qu’une livre égale 16 onces, qu’un pied fait 12 pouces, ou des prix exprimés en demi-couronnes (2/- 6d). Pour tout avouer, j’ai encore en tête le prix du premier album 33 tours que j’ai pu acheter avec l’argent gagné en distribuant les journaux : 17/6d, soit les trois-quarts d’une livre sterling.

Il semble opportun de republier le début de l’introduction du numéro de l’Observatoire de la société britannique 24 | 2019 : L’économie britannique et le Brexit

Depuis l’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté économique européenne en janvier 1973, un certain nombre de britanniques n’ont cessé de penser que l’entrée dans la CEE a eu un impact négatif sur l’économie du pays. Le passage au système métrique, décidé dès 1965, n’a fait que renforcer l’idée que l’économie de la première nation industrielle, son système impérial de poids et de mesures, tous deux séculaires, sont menacés par cette participation. Dans l’esprit de nombreux britanniques la décimalisation de la monnaie, à partir de février 1971, a contribué à la vision négative de l’impact, notamment sur la flambée des prix. Voir par exemple, Dominic Sandbrook, dans le quotidien conservateur, le Daily Mail, 31 janvier 2011, « The day Britain lost its soul. How decimalisation signalled the demise of a proudly independent nation ». La demande – il y a quarante ans – d’une renégociation de la contribution britannique au budget européen par le nouveau Premier ministre, Margaret Thatcher, et ses déclarations péremptoires concernant le déficit démocratique des institutions européennes, reflétaient et entretiennent encore ce sentiment. En 2016, la contribution budgétaire britannique à l’Union européenne a été utilisée comme l’un des principaux arguments de la campagne en faveur du Brexit, ses partisans prétendant que les 350 millions de livres sterling hebdomadaires versés à l’UE – chiffre contesté – seraient consacrés au système public de santé (NHS), institution emblématique du système social britannique. Si l’entrée du Royaume-Uni dans l’union douanière, puis dans l’union politique et sociale, a posé problème aux britanniques, sa sortie, près de cinquante ans plus tard, ne pose pas moins de questions, notamment à propos son impact sur l’économie.