Dunsinane de Greig, ou Lady Macbeth ressuscitée

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La pièce Dunsinane est désormais accessible en français, dans une édition bilingue, avec une introduction de William C. Carroll (Boston University), dans la collection « Nouvelles Scènes » (PUM) dirigée par Nathalie Rivère de Carles.

En 2010, le dramaturge écossais David Greig écrit Dunsinane, une pièce qui se situe dans la tradition des sequels shakespeariens et prolonge, comme son nom invite à le penser, la célèbre tragédie jacobéenne de 1606. Lorsque William Shakespeare porte Macbeth à la scène, le roi Jacques VI d’Écosse est assis sur le trône anglais depuis trois ans, sous le nom de Jacques Ier d’Angleterre. Il n’est alors guère étonnant que la « pièce écossaise » s’achève sur l’alliance fructueuse de l’Angleterre et de l’Écosse pour vaincre la tyrannie, ici dans sa dimension universelle, et restaurer la paix : « the time is free » / « Voici le temps d’être libre » (trad. Y. Bonnefoy), s’écrit Macduff après la mort de Macbeth et avant que Malcolm n’annonce, sous forme d’invite, son couronnement à venir à Scone. Ainsi s’achève la tragédie shakespearienne. Or, dans Dunsinane, le couronnement n’arrive jamais et pour cause : Lady Macbeth, prénommée Gruach, n’est pas morte dans l’accès de folie que l’on croyait. Elle a même un fils, Lulach, et elle revendique le trône pour elle et lui, contre Malcolm. Se pose alors la délicate question de la succession.

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Vient de paraître: nouvelle pièce de Barker en traduction

Couverture de Je me suis vueI SAW MYSELF, pièce du dramaturge britannique Howard Barker écrite en 2008, vient de paraître en traduction française sous le titre Je me suis vue. De quoi s’agit-il?

Dans l’Europe du XIIIe siècle, une suzeraine, Sleev, et ses servantes sont à l’œuvre sur une tapisserie. Mais Sleev n’est pas Pénélope attendant sagement le retour d’un Ulysse, qui d’ailleurs, en son cas, mourra à la guerre. Ne repoussant pas les avances de ses prétendants, elle les sollicite sans réserve ni pudeur. D’une intelligence vive et d’un caractère affirmé, sa déloyauté maritale lui est l’occasion de s’interroger sur sa condition, comme sur celle d’Ève à l’égard d’Adam.

Aussi, d’une représentation traditionnelle censée louer le valeureux guerrier, la tapisserie en vient à raconter la vie dissolue de Sleev, sa découverte hors mariage de l’extase sexuelle. Sa trame tisse désormais les liens d’une vie, davantage que ceux des exploits héroïques ; à l’historiographie, vécue comme égarante et fallacieuse, elle substitue un tout autre motif, plus intime, plus sensuel aussi : celui d’une existence nue, livrée à elle-même autant qu’à elle seule, soustraite à l’Histoire.

Image troublante, voire choquante, de l’âme humaine, sa réalisation devient pour Sleev l’occasion de se confronter à ce qu’elle est, de se voir sans fard, de descendre en elle, mais aussi de s’affirmer et finalement d’expier… à en perdre la vue. Entraînera-t-elle ses tapissières avec elle ? La guerre, qui n’en finit pas d’approcher, menacera-t-elle la postérité de l’œuvre d’art ? Et la tapisserie sera-t-elle finalement œuvre d’art ou simple tissu d’obscénités ? Tel est l’abîme de questions auquel cette pièce tragique en trois actes de Barker nous confronte.

Le texte original a paru dans Howard Barker, Plays Four (I Saw Myself. The Dying of Today. Found in the Ground. The Road, the House, the Road), London, Oberon Books, [2008] 2011. La traduction en français (2014) est disponible aux Éditions Théâtrales: http://www.editionstheatrales.fr/livres/innocence-je-me-suis-vue-1191.html