Jean-Marc Brugeilles revisite Shakespeare

Le peintre Jean-Marc Brugeilles inspiré par le théâtre de Shakespeare : avec ses aquarelles, ses sanguines et ses pastels, il revisite La Tempête et Le Songe d’une nuit d’été. Liberté onirique, nouvelle féérie.

Jean-Marc Brugeilles. Le Joyeux théâtre, 2009 (aquarelle, 68 x 57 cm).

Son Joyeux théâtre nous invite à être spectateurs de La Tempête. Peu soucieux du contexte historique et de l’architecture si spécifique au théâtre du Globe, appelé « the Wooden O », le peintre suit son imaginaire propre et assume pleinement son originalité interprétative. Sur scène, on reconnaîtra néanmoins sans peine: le navire, en provenance de Tunis, avant le naufrage orchestré par Ariel; l’esprit aérien aux dons multiples (ubiquité incluse), dont le profil et le souffle magique apparaissent à deux reprises; le mage Prospéro, passé maître dans l’art de la magie blanche; Caliban l’hybride à son labeur. Le peintre prête à ce dernier un corps d’homme, une tête d’iguane et des oreilles de lièvre. Monstre inédit à la Ambroise Paré, un rictus inquiétant aux lèvres, il évoque pleinement cet « être disgracié, extravagant dans ses façons autant que par l’apparence » (Yves Bonnefoy, « Une journée dans la vie de Prospéro »).

Entrons dans la pièce.

Voici l’île de Caliban, avant qu’elle ne soit colonisée par Prospéro. Elle est encore tout imprégnée de la magie noire de la sorcière Sycorax, mère de Caliban, bannie d’Alger pour ses pratiques occultes. L’île évoque un cocon domestique où coexistent la mère-totem, une figure de mort paternelle et l’horrible fils hybride. Inquiétante étrangeté.

Jean-Marc Brugeilles. L’île de Caliban, 2009 (sanguine et crayon, 50 x 65 cm).

Mais voici que Caliban et Prospéro sont, bon gré mal gré, amenés à cohabiter sur l’île…

Jean-Marc Brugeilles, La Carriole sur l’île, 2009, (aquarelle, 68 x 57 cm).

Nous voici au coeur de la pièce: la mise en place d’une métathéâtralité. Qui sont Caliban et Prospéro sinon les membres d’une troupe ambulante? Prospéro, impitoyable metteur en scène, et son acteur rétif, Caliban. « This thing of darkness, I acknowledge mine », dit Prospéro lors du dénouement, au moment où il s’apprête à quitter l’île. Prospéro, futur montreur de foire?

Puis vient l’enchantement du Songe d’une nuit d’été.

Jean-Marc Brugeilles, Le Scooter de Puck, 2011 (pastel, 50 x 65 cm).

Puck se modernise – quoique, pour 2011, son scooter semble délicieusement démodé. Le voici désormais motorisé et immortalisé. Il semble préférer le bord de mer que les bois enchantés d’Obéron et de Titania.

L’envie qui nous prend? Perchons la mouette sur notre épaule et enfourchons ce scooter pour aller faire un tour dans l’univers du peintre.

A PROPOS DE JEAN-MARC BRUGEILLES

Né en 1959, Jean-Marc BRUGEILLES est peintre, graveur et illustrateur. Son ami Jacques Sordoillet décrit ainsi son travail:

«Voilà trente ans que Jean-Marc Brugeilles peint la toile, grave le bois, le lino, le cuivre. À cette rencontre de la matière, il invite l’oiseau, l’arbre, la pierre, la fleur et les étoiles pour une nouvelle Création où l’homme oublierait les raisons du pouvoir dans la félicité de la vie. Nu face au monde, l’homme et la femme croisent nos regards: ne sommes-nous pas tous criminels de ne pas vivre pleinement la vie? Ces personnages hors de l’histoire nous racontent des histoires riches en symboles et en mythes essentiels; dans leur éternité suspendue se jouent les scènes intérieures de l’énigme de l’âme humaine».

Jean-Marc Brugeilles a fait de nombreuses expositions dans toute la France, particulièrement dans la région lyonnaise et à Paris (Galerie Hérouet, Galerie de la Grande Masse des Beaux-Arts, Mairie de Paris, Palais de Justice, Orangerie du jardin du Luxembourg, Nuit des cent Peintres, place Saint Sulpice). Il vit actuellement en Californie où il poursuit son oeuvre. Du 10 février au 5 avril 2012, il expose à l’espace « Stanford Art Spaces » à Stanford University (EU).

POUR EN SAVOIR PLUS

http://brugeille.free.fr

http://24seagulls.blogspot.com

♥ Suzy Drouet, Flânerie poétique dans l’univers d’un peintre. Peintures, aquarelles et pastels de Jean-Marc Brugeilles. Textes de Suzy Drouet (http://fr.blurb.com/bookstore/detail/2263720)

♥ ___________, Echappée poétique en terre picturale. Peintures, aquarelles, gravures et pastels de Jean-Marc Brugeilles (http://fr.blurb.com/bookstore/detail/2997293)

To be or not to be… deaf ?

Quand la médecine se penche sur la littérature: peut-on vraiment mettre Shakespeare à toutes les sauces? Ou, pour reprendre le jargon embryologique, Shakespeare était-il totipotent à son insu?

Où l’on découvre, non sans surprise, que le roi Lear et que le roi Richard II étaient atteints tous deux de « presbyacousie »… Est-ce à dire qu’ils étaient dur de la feuille, ou, plus respectueusement, malentendants ?

Ne se contentaient-ils pas simplement de faire la sourde oreille aux propos de ceux qui n’abondaient pas dans leur sens, qui se refusaient à les flatter, qui recouraient à la parrêsia, ce courage du dire vrai et du parler franc?

Imagine-t-on quelque metteur en scène goguenard affublant ces grandes figures tragiques du théâtre de Shakespeare du cornet acoustique cher à Tryphon Tournesol?

Tissons des liens entre médecine et littérature, oui! Mais quant à ce qui relève de la presbyacousie, ne vaudrait-il pas mieux se tourner vers David Lodge (Deaf Sentence / La Vie en sourdine) que vers Shakespeare?

Extrait de la revue Medical Humanities http://mh.bmj.com/