La géographie de la finance

S’il y a un marché qui, sous l’effet de la libre circulation des capitaux et du développement des technologies de
l’information et de la communication, est intégré à l’échelle mondiale, un marché pour lequel le monde est plat, c’est bien celui de la finance… du moins croit-on…

En fait non, pas du tout : la finance a encore une géographie. C’est ce que montre un ouvrage
dirigé par Claude Dupuy et Stéphanie Lavigne
, intitulé Géographies de la finance mondialisée, qui vient de paraître à La Documentation Française.

Première indicateur de cette géographie, la concentration de la capitalisation mondiale : les dix premières places boursières rassemblent 89,72% de l’ensemble (p. 9), la première (la bourse
américaine) en concentrant à elle seule 32% (p. 36). Deuxième indicateur, l’existence d’un “biais domestique” (ce que d’autres appellent une “préférence nationale”) des acteurs dans la gestion de
leur portefeuille : les investisseurs nord-américains placent 94,6% de leurs actifs sur le marché nord-américain, les investisseurs européens placent 85,6% des leurs sur leur propre marché, cette
part étant également de 83,9% pour les investisseurs asiatiques (p. 43). Troisième indicateur, la permanence d’une variété de capitalisme, avec des modèles associés à chaque grande zone : un
modèle anglo-saxon, caractérisé par la domination des investisseurs institutionnels, des détentions individuelles, des private equities et des fonds d’université, un modèle asiatique où
dominent les participations d’Etat et le financement bancaire et un modèle européen, qui conserve la marque d’un capitalisme bancaire, familial et étatique (p. 44).

Les différents chapitres de l’ouvrage mettent en évidence cette géographie de la finance et s’interrogent sur les forces de convergence des différents modèles observés et, à l’inverse, sur les
forces de résistance. Le chapitre 4 met par exemple en évidence le maintien de la diversité du capitalisme en Asie alors que le chapitre 5, qui se focalise sur les pays européens, montre une
certaine tendance à l’harmonisation des structures actionnariales à la faveur des gestionnaires de portefeuille.

Ouvrage vraiment intéressant, car les analyses proposées s’appuient sur un ensemble de statistiques d’une grande richesse, qui permettent à la fois d’identifier les tendances lourdes à l’oeuvre
et les évolutions plus récentes consécutives à la crise. Ce qui tranche avec les nombreuses analyses du capitalisme financier, où manquent souvent des éléments de preuve empiriques.

Je signale que plusieurs des auteurs de l’ouvrage seront présents au Colloque Dynamiques de Proximité (l’évènement à ne
pas manquer, décidemment!) : Caroline Granier, co-auteure du chapitre consacré à l’Europe, présente une communication le mercredi 14 octobre, entre 14h et 15h30, intitulée “Proximités et finance
: l’espace, le retour d’un banni récalcitrant” (résumé ici) – session filmée
qui sera disponible ultérieurement sur le site du colloque ; Claude Dupuy, co-directeur de l’ouvrage et co-auteur de plusieurs des chapitres, présentera pour sa part une communication intitulée
“Bulles financières et localisation des financeurs et des compagnies de Biotechnologie aux USA (1988-2008)” (résumé ici), le vendredi 16 octobre entre 9h et 10h30. Si vous venez avec votre ouvrage sous le
bras, Claude Dupuy devrait pouvoir vous faire une petite dédicace!

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